Analyse
COP25 : l’Asie est-elle prête à relever le défi climatique ?
Au moment où la COP25 se déroule à Madrid, le dernier rapport de l’ONU sur le climat tire de nouveau la sonnette d’alarme. Selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement (UNEP), les émissions de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse en 2018, avec une progression globale de 2 % et une hausse de 2,2 % des seules émissions de CO2. L’inversion de courbe nécessaire pour limiter à moins d’1,5 degrés la hausse des températures d’ici la fin du siècle devient quasi-inatteignable : il faudrait les diminuer de 7,6 % par an à l’horizon 2030. Les prévisions du Global carbon project pour 2019 publiées le 4 décembre montrent qu’on en est loin : les émissions de CO2 continueraient leur progression à + 0,6 % par an. Le Joint Research Center de la Commission Européenne diffuse sous le label « EDGAR » une analyse par pays pour les émissions de CO2 en 2018 (celles sur les GES sont disponibles plus tardivement), qui permet de compléter le rapport de l’UNEP. L’Asie ressort de cette analyse comme le continent clé sans lequel rien ne pourra réussir en matière de climat. Sa part dans les émissions mondiales de CO2 a désormais dépassé 50 %. Surtout, sa part dans la progression des émissions atteint 72 % sur les trois dernières années.
Il a suffi d’un plan de relance de la construction en Chine visant à soutenir une croissance économique flageolante, pour relancer l’industrie lourde du pays et faire repartir à la hausse les émissions de CO2 chinoises en 2018. Celles-ci ont progressé de 1,5 %, soit l’équivalent de la totalité des émissions des Pays-Bas, ou la moitié de celles de la France.
La Chine n’est pas seule responsable en Asie de la poussée des émissions. L’Inde a un niveau global d’émissions quatre fois plus faible que celui de la Chine, mais leur progression a été particulièrement rapide ces dernières années : + 15 % depuis 3 ans, + 7,6 % pour la seule année 2018. Si bien que la répartition du surplus d’émissions entre pays asiatiques place l’Inde en tête, légèrement devant la Chine, comme le montre le diagramme suivant :
L’Asie du Sud-Est contribue également, de façon moins marquée, à la progression des émissions de CO2 asiatiques. Notamment sous l’influence de deux pays : l’Indonésie, compte tenu de son poids économique relatif dans la zone, et le Vietnam, dont les émissions progressent très rapidement (+ 34 % en 3 ans). En Asie centrale, le Kazakhstan représente à lui seul les trois quarts de la progression des émissions de la sous-région, avec une croissance de 20 % en trois ans.
Parmi les pays développés d’Asie-Pacifique, seuls le Japon (- 1,7 %) et la Nouvelle-Zélande (-2,4 %) sont parvenus à réduire leurs émissions en 2018. L’Australie, pourtant déjà parmi les plus gros émetteurs par habitant dans le monde, continue d’émettre davantage de CO2 avec + 3 % en 3 ans, à l’instar de La Corée du Sud (+ 9 %) et de Singapour (+ 7 %) sur la même période.
Les prévisions pour 2019 tout juste publiées par le Global carbon project ne donnent pas de précisions pour l’ensemble des pays. Elles montrent cependant que la progression des émissions de CO2 asiatiques se poursuit, à vive allure pour la Chine (+ 2,6 %), plus lentement pour l’Inde (+ 1,8 %).
Des engagements insuffisants dans le cadre de la COP21
Ces mauvais résultats en matière d’évolution des émissions de GES ne signifient pas que les pays asiatiques sont en défaut sur les engagements pris lors de la COP21. L’UNEP estime ainsi que la Chine tiendra ses engagements et que l’Inde fera même 15 % de mieux que les siens. Seuls les pays développés d’Asie – comme le Japon, l’Australie et la Corée du Sud – sont considérés comme en retard. Dans le cas de l’Indonésie, les incertitudes sur le degré de déforestation sont telles que l’UNEP ne peut pas formuler de diagnostic : la part de l’archipel dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre est de 1,7 % si on ne prend pas en compte la question de l’usage des terres ; mais il bondit à 4,9 % dans le cas contraire, faisant du pays le 5ème émetteur mondial.
Au total, les engagements pris par les différents pays d’Asie il y a quatre ans étaient très insuffisants. La Chine avait annoncé des politiques plus vigoureuses et plus précises que les autres pays en développement de la région, tout en ne s’engageant à un pic absolu de ses émissions que pour 2030, ce qui est clairement trop tard. Elle est certes la plus grande productrice de charbon et d’énergies nouvelles du monde, mais les subventions aux énergies renouvelables sont en baisse en 2018.
L’Inde, quant à elle, s’était contentée de promettre une inflexion limitée des tendances historiques. L’Indonésie a fait des promesses conditionnelles qu’elle ne semble pas être certaine de tenir. Le Japon et la Corée du Sud ont, eux, réduit leurs ambitions en raison notamment du poids de la renonciation au nucléaire, forcé au Japon par le traumatisme de Fukushima, initié en Corée par le président Moon Jae-in.
Le rendez-vous crucial de 2020
L’UNEP réclame un triplement de la portée des engagements des participants à la convention climat en 2020 pour avoir une chance de contenir le réchauffement climatique à moins de 2 degrés. L’appel de Pékin signé par Emmanuel Macron avec Xi Jinping le mois dernier avait pour objectif de confirmer, et si possible de renforcer la détermination des autorités chinoises, tout en liant climat et biodiversité.
Le Japon ne donne aucun signe d’une volonté d’agir pour améliorer ses engagements l’an prochain. L’Inde a pour le moment des positions tactiques dans les débats de la COP25, mettant en avant – avec raison – le respect des engagements financiers des pays développés avant d’envisager toute nouvelle étape. C’est dans un an, lors de la COP26, qu’on verra si l’Asie est vraiment prête à relever le défi climatique.
Par Hubert Testard
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