Culture
L'Asie dessinée

BD : "Mishima" ou la naissance du Japon d'aujourd'hui

Couverture de la bande dessinée "Mishima, ma mort est mon chef-d'œuvre", scénario Patrick Weber, dessin Li-An, Éditions Vents d'Ouest. (Copyright : Vents d'Ouest)
Couverture de la bande dessinée "Mishima, ma mort est mon chef-d'œuvre", scénario Patrick Weber, dessin Li-An, Éditions Vents d'Ouest. (Copyright : Vents d'Ouest)
Découvrez notre sélection mensuelle de bandes dessinées sur l’Asie ! Une biographie fait revivre le grand écrivain japonais Mishima, tandis qu’une belle BD évoque une bataille navale entre le Japon, la Chine et la Corée au XVIème siècle. Côté Indonésie, une tribu animiste lutte pour préserver son identité… grâce au tourisme !
Double-cliquez sur les diaporamas pour les visualiser en plein écran. Retrouvez ici tous les articles de notre série « L’Asie dessinée ».

A ne pas rater : conférence le 20 novembre au Musée Guimet : voyage dans l'histoire de la Chine populaire avec deux maîtres du roman graphique chinois

Le mercredi 20 novembre à 18h30, Asialyst coorganise avec Est-Ouest 371 une soirée exceptionnelle au Musée Guimet avec deux des plus grands noms du roman graphique en Chine, Li Kunwu et Chongrui Nie. La Conférence-débat aura lieu à l’auditorium du Musée Guimet à Paris. Entrée gratuite mais inscription obligatoire sur lien.

À l’occasion des 70 ans de la fondation de République populaire de Chine, cette conférence-débat permettra de découvrir l’œuvre de ces deux artistes qui, âgés de 64 ans pour Li Kunwu et de 76 ans pour Chongrui Nie, ont traversé les bouleversements de la Chine moderne. Ces deux autodidactes ont commencé dans la vie le premier comme simple soldat, le second comme ouvrier dans une usine d’armement, avant de pouvoir mener une carrière artistique. Leurs parcours personnels et professionnels ont ainsi été profondément affectés par les soubresauts de l’évolution de la Chine, de la Révolution culturelle à la modernisation du pays. Autant d’événements qui se retrouvent dans leurs œuvres maîtresses : Une vie chinoise de Li Kunwu, autobiographie en plus de 700 pages de bande dessinée, et Au loin, une montagne…, gros volume de Chongrui Nie centré sur divers épisodes clés de sa vie dont la Révolution culturelle.

Cette rencontre permettra d’aborder leurs parcours personnels, leurs techniques, leurs ressorts créatifs, mais aussi le statut du roman graphique en Chine et en France, pays qu’ils connaissent bien tous les deux. A cette occasion, ils présenteront des œuvres originales, des planches de Au loin, une montagne… de Nie et la fresque Ruée dans les transports à la fête du printemps, de Li Kunwu. La soirée se terminera par une séance de dédicaces. Ne la ratez pas !

*Mishima, ma mort est mon chef-d’œuvre, scénario Patrick Weber, dessin Li-An, 248 pages, Vents d’Ouest, 22 euros
Biographie de l’écrivain Yukio Mishima, le roman graphique Mishima* livre une plongée fascinante dans le Japon du XXème siècle. Considéré comme l’un des plus grands écrivains du Japon contemporain, ayant frôlé le Nobel de littérature, Mishima est un personnage aussi brillant que déroutant. Toute sa vie, il s’est employé à se mettre en scène, cultivant un narcissisme forcené, jusqu’à la préparation minutieuse du spectacle suprême : sa propre mort par « seppuku » (hara-kiri). D’où le sous-titre de ce volume : « ma mort est mon chef d’œuvre », qui renvoie à une citation de Marguerite Yourcenar : « La mort de Mishima est l’une de ses œuvres et même la plus préparée de ses œuvres. »
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Couverture de la bande dessinée "Mishima, ma mort est mon chef-d'œuvre", scénario Patrick Weber, dessin Li-An, Éditions Vents d'Ouest. (Copyright : Vents d'Ouest)

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Extrait de la bande dessinée "Mishima, ma mort est mon chef-d'œuvre", scénario Patrick Weber, dessin Li-An, Éditions Vents d'Ouest. (Copyright : Vents d'Ouest)

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Extrait de la bande dessinée "Mishima, ma mort est mon chef-d'œuvre", scénario Patrick Weber, dessin Li-An, Éditions Vents d'Ouest. (Copyright : Vents d'Ouest)

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Extrait de la bande dessinée "Mishima, ma mort est mon chef-d'œuvre", scénario Patrick Weber, dessin Li-An, Éditions Vents d'Ouest. (Copyright : Vents d'Ouest)

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Extrait de la bande dessinée "Mishima, ma mort est mon chef-d'œuvre", scénario Patrick Weber, dessin Li-An, Éditions Vents d'Ouest. (Copyright : Vents d'Ouest)

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Extrait de la bande dessinée "Mishima, ma mort est mon chef-d'œuvre", scénario Patrick Weber, dessin Li-An, Éditions Vents d'Ouest. (Copyright : Vents d'Ouest)

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Extrait de la bande dessinée "Mishima, ma mort est mon chef-d'œuvre", scénario Patrick Weber, dessin Li-An, Éditions Vents d'Ouest. (Copyright : Vents d'Ouest)

 
 
En 240 pages, le scénariste Patrick Weber nous fait revivre d’abord l’enfance compliqué de Kimitake Hiraoka (qui prendra plus tard le pseudonyme de Mishima). Elevé par une grand-mère ultra possessive et protectrice vivant dans la nostalgie de ses ancêtres samouraï, tiraillé entre l’affection d’une mère effacée et la brutalité d’un père répressif, l’enfant né en 1925 sent très vite qu’il n’est pas comme les autres. Qu’il s’agisse de ses capacités intellectuelles, de sa fragilité physique ou de ses tendances homosexuelles.
Démarrant très jeune une carrière d’écrivain qui le verra écrire une petite centaine de romans, pièces de théâtre, recueils de nouvelles et autres, Mishima affiche avec délectation ses multiples contradictions. Il vénère le passé glorieux du Japon mais vit largement à l’occidentale ; il affecte une vie de famille traditionnelle conforme aux exigences sociales avec épouse et enfants, mais ne cache pas sa fascination pour les hommes du peuple et la fréquentation des bars homosexuels ; d’une constitution physique faible, il entreprend de se sculpter un corps d’athlète à force d’exercices physiques. Mishima déplore que le matérialisme occidental s’impose au Japon après la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais cela ne l’empêche pas de rechercher le succès matériel, l’argent. Ni d’être avide de gloire, fût-ce au prix du scandale. Son exhibitionnisme le conduira aussi à s’afficher comme acteur de cinéma et comme sujet de photos mises en scène.
A 43 ans, Mishima fonde la Société du Bouclier, sorte de milice ultranationaliste vouée à la défense du Japon éternel et de son empereur. La préparation du « chef-d’œuvre » ultime de l’écrivain est en marche : mieux qu’un livre, ce sera une action. Deux ans plus tard, avec quelques membres de la Société du Bouclier, il pénètre au quartier général des forces d’autodéfense (l’armée japonaise), tente de s’adresser aux troupes, n’y parvient pas, et mène à bien le « seppuku » soigneusement préparé avec ses disciples.
Dans le courant du volume, les auteurs font répondre à l’écrivain, à qui l’on demande son opinion à propos du suicide : « Je méprise celui des vaincus, j’admire celui des vainqueurs. » La lecture de l’album laisse ouverte la question de savoir si son hara-kiri était celui d’un vaincu ou d’un vainqueur… Dans un « Avertissement » placé au début du livre, Patrick Weber s’en explique : il « ne prend pas parti et préfère l’évocation à la sanctification ou à la condamnation », Mishima « se prêtant mal aux simplifications ».
Que l’on soit fasciné ou révulsé par le personnage, sa biographie élégamment mise en images par le noir et blanc de Li-An peut également se lire comme un très intéressant portrait du Japon au siècle dernier et plus particulièrement de ses incroyables transformations après la défaite de 1945. Les rappels historiques abondent pour resituer les grands événements ayant façonné le pays dans la période récente, transformant un empire militariste mené par un empereur de nature divine en un pays moderne, matérialiste et – superficiellement – américanisé. De ce fait, l’ouvrage est à recommander à qui veut se familiariser avec la naissance du Japon d’aujourd’hui.
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Couverture de la bande dessinée "No Ryang", scénario Jean-Yves Delitte, dessin Q-Ha, Glénat. (Copyright : Glénat)

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Extrait de la bande dessinée "No Ryang", scénario Jean-Yves Delitte, dessin Q-Ha, Glénat. (Copyright : Glénat)

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Extrait de la bande dessinée "No Ryang", scénario Jean-Yves Delitte, dessin Q-Ha, Glénat. (Copyright : Glénat)

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Extrait de la bande dessinée "No Ryang", scénario Jean-Yves Delitte, dessin Q-Ha, Glénat. (Copyright : Glénat)

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Extrait de la bande dessinée "No Ryang", scénario Jean-Yves Delitte, dessin Q-Ha, Glénat. (Copyright : Glénat)

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Extrait de la bande dessinée "No Ryang", scénario Jean-Yves Delitte, dessin Q-Ha, Glénat. (Copyright : Glénat)

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Extrait de la bande dessinée "No Ryang", scénario Jean-Yves Delitte, dessin Q-Ha, Glénat. (Copyright : Glénat)

 
 
*No Ryang, scénario Jean-Yves Delitte, dessin Q-Ha, 56 pages, Glénat, 14,95 euros.
C’est un épisode peu connu de l’histoire de l’Extrême-Orient que raconte No Ryang* : la guerre qui opposa le Japon à l’alliance entre la Chine et la Corée à la fin du seizième siècle. Désireux d’envahir l’empire chinois par la terre, le Japon avait envoyé massivement ses troupes occuper la Corée, passage obligé, selon lui, vers son objectif. Mais l’enlisement du conflit et des changements de politique à Kyoto amènent les Japonais à amorcer un désengagement. Désireux de partir sur une victoire, ils rassemblent une immense flotte pour livrer une dernière bataille. Mais un amiral coréen réussit à prendre la flotte japonaise en embuscade dans le détroit de No Ryang et à la tailler en pièces, bien que ne disposant que de forces très inférieures en nombre.
C’est cette bataille de No Ryang que raconte l’album du même nom publié dans l’excellente collection « Les grandes batailles navales » des éditions Glénat. Une collection dirigée par Jean-Yves Delitte, auteur et dessinateur de BD, peintre officiel de la marine et grand spécialiste de la BD de mer. Delitte signe ici le scénario tandis que la très belle mise en images est réalisée par le Coréen Q-Ha. Décors, costumes et, bien sûr, les navires de guerre aux formes étranges sont des plus réussis, de même que les spectaculaires scènes de bataille. À une réserve près : il n’est pas toujours facile de savoir auquel des trois camps en présence appartiennent les guerriers ou navires qui se succèdent à un rythme très rapide dans les pages de l’album.
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Couverture de la bande dessinée "Mentawaï !", scénario Tahnee Juguin, dessin Jean-Denis Pendanx, Futuropolis. (Copyright : Futuropolis)

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Extrait de la bande dessinée "Mentawaï !", scénario Tahnee Juguin, dessin Jean-Denis Pendanx, Futuropolis. (Copyright : Futuropolis)

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Extrait de la bande dessinée "Mentawaï !", scénario Tahnee Juguin, dessin Jean-Denis Pendanx, Futuropolis. (Copyright : Futuropolis)

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Extrait de la bande dessinée "Mentawaï !", scénario Tahnee Juguin, dessin Jean-Denis Pendanx, Futuropolis. (Copyright : Futuropolis)

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Extrait de la bande dessinée "Mentawaï !", scénario Tahnee Juguin, dessin Jean-Denis Pendanx, Futuropolis. (Copyright : Futuropolis)

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Extrait de la bande dessinée "Mentawaï !", scénario Tahnee Juguin, dessin Jean-Denis Pendanx, Futuropolis. (Copyright : Futuropolis)

 
 
*Mentawaï !, scénario Tahnee Juguin, dessin Jean-Denis Pendanx, 160 pages, Futuropolis, 25 euros.
Sujet particulièrement original que celui de Mentawaï !*, du nom d’un peuple d’Indonésie qui vit sur l’île de Siberut, au large de Sumatra. Cet ouvrage ambitieux a été écrit par une jeune Française, Tahnee Juguin, qui a séjourné à de multiples reprises au sein de cette tribu animiste dont elle parle la langue. Ce petit peuple qui vit dans la jungle en communion avec la nature a frôlé l’éradication culturelle au siècle dernier, quand la junte militaire au pouvoir en Indonésie avait décidé que l’animisme était incompatible avec la modernisation de la société. Leur salut est venu, paradoxalement, du développement du tourisme : le « pittoresque » de leur mode de vie et de leurs coutumes – costumes, cérémonies en tous genres, vie collective dans les vastes maisons communes – les uma – plaît aux visiteurs étrangers et mérite donc, désormais, d’être préservé. À rebours des idées reçues, l’auteure souligne dans sa postface que « malgré quarante années de flots touristiques, la folklorisation, que je pensais systématiquement générée par la marchandisation de la culture, s’est avérée rare ». Selon elle, les Mentawaï ne sont prêts à « monnayer les éléments de leur culture que lorsque leur signification n’a pas d’impact négatif sur leur vie et leurs coutumes ».
Les 160 pages de l’album abordent de multiples thèmes : les problématiques déjà évoquées, mais aussi la mise en images des Mentawaï entre l’irruption d’équipes de télévision, l’élaboration d’un projet de documentaire réalisé en partie par de jeunes membres de la tribu ou encore l’ambition de ces derniers de contrôler eux-mêmes leur propre image. Nourri par une représentation fouillée du mode de vie de la peuplade, l’ensemble est riche, peut-être un peu trop. Les sujets s’enchevêtrent de façon souvent allusive, de multiples détails sont montrés en gros plan sans que leur signification soit toujours évidente. La lisibilité de l’ouvrage, par ailleurs esthétiquement réussi, n’est pas aidée par un parti pris étrange : celui de reproduire de multiples dialogues dans leur langue d’origine, le mentawaï, l’indonésien ou l’anglais… Des pages de traduction sont certes fournies à la fin, mais la lecture s’en trouve quelque peu perturbée.

À voir aussi

Voici un livre qui, contrairement à la plupart de ceux chroniqués dans L’Asie dessinée ne traite pas à proprement parler de la société, de la politique ou de l’histoire des pays de ce continent. Mais Par le pouvoir des dessins animés (scénario et dessin Elsa Brants, 192 pages, Kana, 15 euros) ne peut qu’intéresser tout lecteur qui s’interroge sur le phénomène manga. L’auteure, Elsa Brants, est une Française tombée dans les mangas quand elle était petite et qui est devenue mangaka (c’est-à-dire réalisatrice professionnelle de mangas). Autrement dit, elle écrit et dessine des BD qui, tout en étant faites et publiées en France, suivent tous les codes des mangas, y compris le sens de lecture de droite à gauche.

Dans ce récit autobiographique plein d’humour et d’autodérision, elle décrit sa passion pour les petits Mickeys japonais, explique en détail tout ce qui différencie la bande dessinée franco-belge de son homologue nippone (technique, mode de création, commercialisation, public…), ou donne plein de conseils aux insensés qui veulent se lancer dans ce métier pour y faire fortune (le terme « insensé » s’appliquant à la deuxième moitié de la proposition). Gai, léger et plein d’enseignements.

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Couverture de la bande dessinée "Par le pouvoir des dessins animés", scénario et dessin Elsa Brants, Kana. (Copyright : Kana)

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Extrait de la bande dessinée "Par le pouvoir des dessins animés", scénario et dessin Elsa Brants, Kana. (Copyright : Kana)

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Extrait de la bande dessinée "Par le pouvoir des dessins animés", scénario et dessin Elsa Brants, Kana. (Copyright : Kana)

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Extrait de la bande dessinée "Par le pouvoir des dessins animés", scénario et dessin Elsa Brants, Kana. (Copyright : Kana)

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Extrait de la bande dessinée "Par le pouvoir des dessins animés", scénario et dessin Elsa Brants, Kana. (Copyright : Kana)

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Extrait de la bande dessinée "Par le pouvoir des dessins animés", scénario et dessin Elsa Brants, Kana. (Copyright : Kana)

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Extrait de la bande dessinée "Par le pouvoir des dessins animés", scénario et dessin Elsa Brants, Kana. (Copyright : Kana)

 
 

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A propos de l'auteur
Patrick de Jacquelot est journaliste. De 2008 à l’été 2015, il a été correspondant à New Delhi des quotidiens économiques La Tribune (pendant deux ans) et Les Echos (pendant cinq ans), couvrant des sujets comme l’économie, le business, la stratégie des entreprises françaises en Inde, la vie politique et diplomatique, etc. Il a également réalisé de nombreux reportages en Inde et dans les pays voisins comme le Bangladesh, le Sri Lanka ou le Bhoutan pour ces deux quotidiens ainsi que pour le trimestriel Chine Plus. Pour Asialyst, il écrit sur l’Inde et sa région, et tient une chronique ​​"L'Asie dessinée" consacrée aux bandes dessinées parlant de l’Asie.