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Expert - Politique chinoise

Chine : le nouveau gouvernement de Xi Jinping

Les 4 nouveaux vice-premiers ministres chiniois : Han Zheng (à la tribune), Hu Chunhua (à gauche), Sun Chunlan et Liu He (à droite) prêtent serment sur la Constitution lors de la session annuelle de l'Assemblée nationale populaire, dans le Grand Hall du Peuple à Pékin, le 19 mars 2008. (Source : South China Morning Post)
Les 4 nouveaux vice-premiers ministres chiniois : Han Zheng (à la tribune), Hu Chunhua (à gauche), Sun Chunlan et Liu He (à droite) prêtent serment sur la Constitution lors de la session annuelle de l'Assemblée nationale populaire, dans le Grand Hall du Peuple à Pékin, le 19 mars 2008. (Source : South China Morning Post)
Wang Qishan vice-président, Li Keqiang plus marginalisé que jamais à la tête du gouvernement, Liu He en bras droit de Xi sur l’Économie… La XIIIème Assemblée nationale populaire a fait connaître les nouveaux arrivants au Conseil des affaires d’État, le nom officiel du gouvernement chinois. De quoi tracer les contours de l’administration de Xi Jinping. Une administration dont il contrôle à présent parfaitement la destinée.

Le Conseil d’État

L’équation n’a pas été si facile pour Xi Jinping. En ce mois de mars, le président chinois aurait bien aimé remplacer Li Keqiang au poste de Premier ministre par un de ses alliés proches. Mais les personnes compétentes dans ce domaine et qui soutiennent Xi sont soit trop vieux (Liu He), soit trop jeunes (Ding Xuexiang). Le 19 mars dernier, le chef du gouvernement a ainsi dévoilé le nom des quatre nouveaux vice-premiers ministres pour la période 2018-2023 : Han Zheng – membre du comité permanent, il sera vice-premier ministre exécutif – suivis dans l’ordre hiérarchique de Sun Chunlan, Hu Chunhua et Liu He.
*Han remplace Zhang Gaoli et Sun Chunlan remplace Liu Yandong.
• Han Zheng (64 ans) sera en charge notamment des finances, des réformes, des ressources naturelles, de la protection environnementale et de la construction* ;
• Sun Chunlan (68 ans) sera en charge de l’éducation, de la culture et de l’hygiène ;
• Hu Chunhua (55 ans) – qui vient prendre la place de Wang Yang – sera en charge de l’agriculture, du contrôle des eaux, du commerce et du tourisme, pour ne citer qu’eux ;
• Liu He (66 ans), en remplacement de Ma Kai, sera responsable de l’industrie, des transports, des ressources humaines et de la sécurité sociale.
Prévisible, cette assemblage soulève quand même des questions sur les objectifs de Xi Jinping. Car le président chinois demeure à la tête de quatre petits groupes dirigeants clés : 1) les réformes « profondes » ; 2) la cybersécurité et l’information; 3) la finance et l’économie; 4) les affaires étrangères.
Outre Liu He, les autres vice-premiers ministres choisis ont très peu d’expérience en matière d’économie. Même si Liu prétend avoir des visions similaires à celle de Zhu Rongji, il a critiqué à plusieurs reprises l’administration de Li Keqiang pour l’accroissement de la dette. C’est lui malgré tout Liu He qui aura pour mission, en tant qu’allié de Xi et directeur de l’unité de travail sur les finances, de transformer dans les mois qui viennent le secteur financier chinois.
Dans le secteur des affaires étrangères, Li Yuanchao (allié de Jiang Zemin) figure encore sur les listes en tant que directeur-adjoint du groupe dirigeant sur cette question, mais sûrement plus pour très longtemps. A sa place, Xi semble avoir posté son nouveau vice-président Wang Qishan, afin qu’il gère les relations sino-américaines dans un avenir proche. Le retour de Wang servira aussi en interne étendre le pouvoir de Xi dans le Parti. Par ailleurs, l’un des fidèles de Wang, à savoir Yang Xiaodu, a été nommé premier directeur de la commission nationale de supervision (国家监察委员会, guojia jiancha weiyuanhui), mise en place le 3 mars dernier. Allié de Xi Jinping lorsque celui-ci était secrétaire du Parti à Shanghai et numéro 2 de Wang Qishan à la Commission disciplinaire entre 2014 et 2016, Yang semble un choix tout indiqué pour continuer la croisade anti-corruption aux côtés de Zhao Leji.
Le Conseil d’État demeure donc l’arrière-cours de Li Keqiang dans laquelle cohabitent des membres des trois factions sous l’œil attentif de Xi Jinping, et bien entendu de Liu He.

Li Zhanshu et l’Assemblée nationale populaire

*Tout comme Xi, Li a également des dossiers en cours avec le Parti. Son père est mort dans une étable durant la Révolution culturelle.
Du côté de l’Assemblée, outre les noms qui reviennent d’année en année (notamment ceux des « Partis démocratiques »), Li Zhanshu*, l’un des proches alliés de Xi, est venu remplacer Zhang Dejiang et ainsi verrouiller une autre institution pour le compte de son patron.
Certes, la lutte se poursuit à l’assemblée entre les locaux, les alliés de Hu et ceux de Xi. Mais c’est peine perdue pour ceux qui ne soutiennent pas Xi Jinping. Les changements importants de la constitution – dont la limitation des mandats pour le président et le vice-président – en sont de bons exemples.

Le réarrangement diplomatique de Xi et l’inutilité de Yang Jiechi

La suite des événements s’inscrit dans la continuité du pouvoir de Xi Jinping. C’est lui qui donnera le ton des réformes et qui dictera les termes de la bataille idéologique (propagande, information, Internet, etc.) qui continue de faire rage en Chine. Cette bataille s’exprime non seulement par les affiches de Xi ou par le resserrement des règles sur l’accès à l’information, mais aussi par le biais de la récente fermeture du bureau 610 en charge du mouvement Falungong le 22 mars dernier. Cela indique, encore une fois, que Xi tente de tirer un trait sur l’ensemble de la Chine de Jiang Zemin. Les responsables de ce bureau ont semble-t-il été réassignés vers la commission des affaires politiques et légales du Parti ou bien vers le ministère de la Sécurité publique.
Le retour du département du Front Uni dans les relations étrangères promet également d’intéressants changements. Surtout lorsque l’on sait que Yang Jiechi, ancien conseiller d’État en charge de la diplomatie, n’a pas réussi à obtenir un poste au gouvernement. Alors qu’une présence forte de Yang était attendue en ces temps difficiles diplomatiquement parlant, il n’en fut rien. Le retour de Wang Qishan en tant que coordinnateur de Xi, surtout en matière de politique étrangère, a fait de l’ombre à Yang Jiechi. En outre, le Conseil d’État n’a aucunement besoin d’ouvrir un poste lié aux affaires étrangères. Autant d’éléments qui, selon certains experts, seraient aussi importants que la personnalité de Yang jugée trop faible. Il est considéré comme un « traducteur-technocrate », alors que la Chine a maintenant besoin de charisme, de personnalité sur la scène internationale. En ce sens, Wang semble tout indiqué pour tenir en laisse Wang Yi et faire face aux États-Unis.

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A propos de l'auteur
Alex Payette (Phd) est co-fondateur et Pdg du Groupe Cercius, une société de conseil en intelligence stratégique et géopolitique. Ancien stagiaire post-doctoral pour le Conseil Canadien de recherches en Sciences humaines (CRSH). Il est titulaire d’un doctorat en politique comparée de l’université d’Ottawa (2015). Ses recherches se concentrent sur les stratégies de résilience du Parti-État chinois. Plus particulièrement, ses plus récents travaux portent sur l’évolution des processus institutionnels ainsi que sur la sélection et la formation des élites en Chine contemporaine. Ces derniers sont notamment parus dans le Journal Canadien de Science Politique (2013), l’International Journal of Chinese Studies (2015/2016), le Journal of Contemporary Eastern Asia (2016), East Asia : An International Quarterly (2017), Issues and Studies (2011) ainsi que Monde Chinois/Nouvelle Asie (2013/2015). Il a également publié une note de recherche faisant le point sur le « who’s who » des candidats potentiels pour le Politburo en 2017 pour l’IRIS – rubrique Asia Focus #3.