Economie
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En 2017, avis de grand frais sur les relations sino-américaines

Le président américain Donald Trump se force à sourire en serrant la main de son homologue chinois Xi Jinping lors de la signature de gros contrats au Grand Hall du Peuple à Pékin le 9 novembre 2017. (Crédits : AFP PHOTO / Nicolas ASFOURI)
Le président américain Donald Trump se force à sourire en serrant la main de son homologue chinois Xi Jinping lors de la signature de gros contrats au Grand Hall du Peuple à Pékin le 9 novembre 2017. (Crédits : AFP PHOTO / Nicolas ASFOURI)
La guerre commerciale n’a pas eu lieu en 2017, marquée par le creusement du déficit sino-américain et l’effondrement des investissements chinois aux États Unis.
Le calme avant la tempête ?
2017 a été un bon cru pour les deux économies.
Depuis Clinton aucun président américain n’a connu une croissance aussi forte pendant la première année de son mandat que Donald Trump. ce dernier bénéficie de l’héritage d’Obama et des anticipations suscitées par sa réforme fiscale qui présente un risque pour l’équilibre mondial dans un contexte de reprise. En Chine, le premier mandat de Xi Jinping s’achève sur une accélération qui a l’épaisseur du trait (de 6,5 à 6,8 %), cette performance aurait été plus forte si les gouverneurs des provinces du Nord-Est n’avaient pas forcé les chiffres de production en 2016 pour masquer la contraction de ces économies.

Échanges : les États-Unis tardent à attaquer

L’accélération américaine a dopé les importations (+ 7 % en 2017) revenues à leur niveau de 2014 – et les produits made in China, un cinquième des importations américaines – progressent le plus vite (+ 8,7 %). Paradoxalement, après les annonces belliqueuses de Donald Trump, le déficit commercial avec la Chine n’a jamais été aussi élevé qu’en 2017, avec 350 milliards, il représente 37 % du déficit des échanges de marchandises et, l’excédent américain dans les services, ramène le déficit à 310 milliards de dollars pour les biens et services.
Lorsqu’il est arrivé à la Maison Blanche le nouveau président n’a pas pris de mesures contre la Chine et en avril le rapport bisannuel du Trésor n’a pas conclu à la manipulation du Renminbi qui aurait permis à l’exécutif de prendre des mesures contre les importations chinoises.
L’attitude américaine s’est infléchie au mois d’août avec le lancement par le département du Commerce d’une enquête sur les exigences chinoises en matière de propriété intellectuelle et leurs conséquences pour les entreprises américaines.
Enfin en janvier 2018, après une année de tweets rageurs, le Président a décidé des mesures de protection sur les importations de lave-linge coréens et les cellules photovoltaïques chinoises, dans ce dernier cas le tarif douanier a été porté à 30 % – ramené à 15 % en quatre ans – pour les importations allant au-delà d’un montant cumulé de 2,5 gigawatts pour maintenir un approvisionnement.
Cette dernière décision n’aura pas de conséquence directe sur la Chine mais sur la Malaisie où les entreprises chinoises les fabriquent.
Les conclusions de l’enquête lancée en août sur la propriété intellectuelle, et celles attendues à propos de l’acier et de l’aluminium conduiront à d’autres mesures ponctuelles et probablement pas à la guerre annoncée il y a quelques mois.

L’effondrement des investissements chinois aux États-Unis

La Chine investit une partie de ses réserves en bons du trésor américain : en décembre 2017, elle en possédait 1 200 milliards de dollars, un montant considérable comparé à son stock d’IDE aux États Unis.
Les achats chinois ont rapidement progressé entre 2006 et 2012 pour atteindre 1270 milliards de dollars, et après avoir légèrement diminué, ils ont repris et la Chine est redevenue le premier créancier des États Unis devant le Japon à la fin de 2017.
Elle possède un cinquième de la dette américaine détenue par les non-résidents (6000 milliards dollars), soit 5 % de la dette américaine qui vient de dépasser les 20 000 milliards de dollars, en effet les institutions fédérales, dont la Sécurité sociale, le Fed, les banques, les entreprises et les ménages en détiennent 70 %.
En 2016, les entreprises chinoises avaient plus investi à l’étranger que les étrangers investissent en Chine. Après s’être dirigés vers les pays du Sud dans les années 2000, les investissements chinois se sont redéployés vers l’Europe et les Etats-Unis depuis 2015 et en 2016, selon Rhodium, ils étaient de 45 milliards de dollars aux États Unis – selon le Bureau of Economic Analysis qui renseigne les fonds propres, le stock d’IDE chinois représenterait moins d’1 % du stock des IDE étrangers.
Alors que la plupart des analystes prévoyaient une accélération des IDE chinois, ils ont ralenti à partir de novembre 2016 et se sont effondrés en 2017 en direction de l’Europe et des États Unis où les montants auraient chuté de 60 %.
Ce ne sont pas les réactions des autorités américaines qui expliquent cette chute brutale, mais celle des autorités chinoises. Elles ont réagi aux fuites massives de capitaux – appréciées par la ligne erreur et omission de la balance des paiements – qui ont accompagné les sorties d’IDE en 2016. En août 2017, déclarant leur volonté de stabiliser le montant des réserves, elles ont pris des mesures pour réduire les investissements chinois dans l’immobilier et l’hôtellerie tout en rappelant la priorité aux IDE pour la sécurisation des ressources naturelles et l’acquisition de technologies.
Après ce tour de vis qui explique la contraction des entrées d’IDE chinois aux États Unis, le durcissement de la réglementation américaine pourrait les freiner dans les mois à venir. Le Congrès discute le Foreign Investment Risk Review Modernization Act, ou FIRRMA, qui redéfinit le Committee on Foreign Investment in the United States. Ce CFIUS avait été créé en 1975 pour répondre aux craintes suscitées par les rachats d’entreprises par les pays pétroliers.
Au cours des trois dernières années, le CFIUS a souvent été saisi pour donner un avis sur les conséquences des investissements chinois pour la sécurité américaine (un cinquième des 400 investissements analysés entre 2013 et 2015). La nouvelle législation vise à donner plus de moyens au CFIUS et d’adapter ses modalités à la nationalité des investisseurs. Le dit comité sera d’autant plus attentif aux projets chinois que la nouvelle version de la National Security Strategy définit la Chine comme « un rival stratégique » des Etats-Unis au même titre que la Russie, les deux pays cherchant à réduire la sécurité et la prospérité des Etats-Unis.

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A propos de l'auteur
Jean-Raphaël Chaponnière est membre du groupe Asie21 (Futuribles) et chercheur associé à Asia Centre. Il a été économiste à l’Agence Française de Développement, conseiller économique auprès de l’ambassade de France en Corée et en Turquie, et ingénieur de recherche au CNRS pendant 25 ans. Il a publié avec Marc Lautier : "Economie de l'Asie du Sud-Est, au carrefour de la mondialisation" (Bréal, 2018) et "Les économies émergentes d’Asie, entre Etat et marché" (Armand Colin, 270 pages, 2014).