Economie
​​Expert - Le Poids de l'Asie

La Chine et ses importations dopent les pays émergents : une embellie durable ?

De gauche à droite, le président brésilien Michel Temer, le président russe Vladimir Poutine, le président chinois Xi Jinping, le président sud-africain Jacob Zuma le Premier ministre indien Narendra Modi lors du sommet des BRICS à Xiamen, dans le sud-est de la Chine, le 4 septembre 2017. (Crédits : AFP PHOTO / POOL / WU HONG)
De gauche à droite, le président brésilien Michel Temer, le président russe Vladimir Poutine, le président chinois Xi Jinping, le président sud-africain Jacob Zuma le Premier ministre indien Narendra Modi lors du sommet des BRICS à Xiamen, dans le sud-est de la Chine, le 4 septembre 2017. (Crédits : AFP PHOTO / POOL / WU HONG)
Du Brésil à l’Afrique, les exportations des pays émergents profitent de la relance de la demande chinoise, combinée à l’amélioration de la croissance dans les pays avancés. Mais l’endettement de la Chine inquiète et menace la reprise du commerce mondial.
L’évolution des échanges de marchandises est la caractéristique la plus frappante de la mondialisation. Multipliés par plus de 300 (en dollars courants) entre 1948 et 2008, ils ne se sont interrompus que cinq fois entre ces dates : en 1952 avec la chute des cours de matières premières à la fin de la guerre de Corée ; en 1958 du fait de la récession américaine ; en 1982 à la suite du « choc Volker » – la hausse des taux d’intérêt de la Réserve fédérale américaine – ; en 1998 après la crise asiatique qui s’est propagée au Brésil et à la Russie ; en 2001 après l’éclatement de la bulle Internet. Chaque contraction a été suivie d’un redressement vigoureux et d’un retour au rythme précédant la crise.

La rupture de 2009

Après la contraction de 2009, la plus sévère depuis 1929, le commerce mondial s’est redressé en 2010 et 2011. Mais ensuite, sa croissance est restée anémique. Ce ne sont pas les réactions protectionnistes mais la conjoncture qui explique ce tassement. Les importations européennes (hors Union européenne) se sont contractées une seconde fois à partir de 2014. Quelques mois plus tard, le ralentissement de l’économie chinoise précipitait la chute des cours des matières premières et une sévère contraction des importations de la Chine. La dynamique du commerce mondial est liée à celle du PIB et plus précisément à l’évolution de l’investissement, la composante de la demande la plus gourmande en importations. Aux Etats-Unis, l’investissement a retrouvé en 2015 son niveau d’avant la crise, mais ce n’est toujours pas le cas de l’investissement en Europe où il est inférieur de 15 %. L’investissement chinois, qui avait considérablement augmenté pendant la crise mondiale, s’est quant à lui stabilisé depuis 2015.
Le tassement du commerce mondial concerne les pays riches et les pays pauvres, les exportateurs de matières premières et les exportateurs de produits manufacturés. Parmi ces derniers, un pourcentage élevé de leurs exportations relève des chaînes globales de valeur qui, après avoir connu une expansion spectaculaire dans les années 2000, stagnent. Autant d’évolutions qui font évoquer la fin de la seconde mondialisation.

Début de reprise

Au premier semestre 2017, le commerce international a manifesté des signes de reprise dans toutes les régions du monde. Le redressement des importations (+3,5 % au niveau mondial) est plus sensible dans le cas de la Chine (+6%) que de l’UE ou des Etats-Unis (+2 %). Si les importations américaines, chinoises et européennes reprennent de la couleur, elles restent, hormis les Etats-Unis, inférieures à ce qu’elles étaient avant 2008. Avant la crise, le commerce mondial progressait deux fois plus vite que le PIB ; depuis, la situation des années soixante se répète : le commerce international n’est plus un moteur de l’économie mondiale.
Selon le bureau d’analyse économique des Pays-Bas, les exportations mondiales ont progressé en volume de 8,6 % et celles des pays émergents de 12,1 %, avec une forte croissance en Afrique et au Moyen-Orient du fait du redressement des cours des produits miniers (fer, cuivre) et du pétrole.

La Chine tire les exportations des pays émergents

Perceptible dans tous les pays – hormis le Japon – la reprise des importations chinoise l’est davantage dans les pays émergents. Les exportations des plus grands renouent avec une hausse à deux chiffres : vers la Chine, elles progressent de 20 à 50%.
La reprise des exportations des pays émergents s’explique par l’amélioration de la croissance des pays avancés et plus encore par la reprise de la demande chinoise qui, après une pause, redevient un moteur. Curieusement, l’intensification des échanges de la Chine avec les économies émergentes s’accompagne d’une désaffection de ses investissements dans ces pays. Les statistiques chinoises ne permettant pas de mesurer la répartition géographique des investissements de Pékin à l’étranger, il ne reste qu’à s’appuyer sur les données d’institutions comme l’American Entreprise Institute ou Rhodium, qui suivent les annonces des entreprises de Chine. Leurs IDE ont véritablement explosé entre 2015 et 2016 et continuent à un rythme élevé au premier semestre 2017. Ces investissements chinois se dirigent massivement vers l’Europe et les Etats-Unis – la part de ces deux destinations a grimpé de 50% à 75% – alors qu’ils ont diminué en valeur relative et en valeur absolue vers les pays émergents.
La reprise du commerce mondial s’essoufflera si le « risque Chine » tant redouté se matérialise. Pour répondre à la crise mondiale, Pékin avait ouvert les vannes du crédit et l’envolée de l’investissement a depuis porté l’endettement de l’ensemble des agents à un niveau très élevé. En mai 2016, le Quotidien du Peuple s’inquiétait justement du niveau de cet endettement. Il faut dire que ce dernier a continué de progresser au second semestre et au premier trimestre 2017. Selon JP Morgan, son envolée se serait stabilisée au deuxième trimestre 2017. En l’occurrence, c’est moins ce niveau que la vitesse de son augmentation, un quasi doublement en dix ans, qui préoccupe. En effet, dans la plupart des pays, les périodes de forte expansion du crédit s’achèvent par des crises. Les institutions financières internationales, du FMI à la BRI (la Banque des règlements internationaux), ont tiré la sonnette d’alarme en 2016. A l’été 2017, le rapport du Fonds monétaire international, dit « mission article IV », constatait que la croissance chinoise s’accompagnait d’une hausse de l’endettement augmentant les risques. En septembre 2017, Standard and Poor’s dégradait la note chinoise pour la première fois depuis 1999. La question est toujours plus lancinante : comment va évoluer l’endettement de la Chine ? La réponse sera donnée à la fin du 19ème Congrès du Parti communiste, qui devrait renforcer le pouvoir de Xi Jinping, lorsque seront annoncées les prévisions de croissance et de déficit budgétaire. Ces choix auront de fortes répercussions pour les échanges de la Chine avec les pays émergents.

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A propos de l'auteur
Jean-Raphaël Chaponnière est membre du groupe Asie21 (Futuribles) et chercheur associé à Asia Centre. Il a été économiste à l’Agence Française de Développement, conseiller économique auprès de l’ambassade de France en Corée et en Turquie, et ingénieur de recherche au CNRS pendant 25 ans. Il a publié avec Marc Lautier : "Economie de l'Asie du Sud-Est, au carrefour de la mondialisation" (Bréal, 2018) et "Les économies émergentes d’Asie, entre Etat et marché" (Armand Colin, 270 pages, 2014).