Chine : "Coup d’État à Pékin", le livre interdit sur "l'affaire Bo Xilai"
Contexte
Quelle bonne idée ont eu les éditions Slatkine & Cie, sous la direction de Vera Su, de réactualiser cette passionnante enquête sur la chute de Bo Xilai. Publié une première fois il y a quatre en anglais sous le titre A Death in the Lucky Holiday Hotel, le livre interdit en Chine a été complété par de nombreux ajouts et un chapitre entier consacré à l’actuel président chinois Xi Jinping, qui figure parmi les « grands gagnants » de cette chute du Prince rouge de Chongqing.
C’est depuis cette mégalopole du sud-ouest du pays (30 millions d’habitants) dont Bo Xilai était le maire, qu’est parti le scandale. Tout commence en novembre 2011, par la mort d’un ressortissant britannique dans sa chambre d’hôtel. Neil Heywood, âgé de 42 ans, est inhumé dans la précipitation. L’enquête conclue alors à un décès suite à un excès d’alcool.
Deux mois plus tard, le chef de la police de Chongqing se réfugie au consulat américain de Chengdu, l’autre grande ville du grand Ouest de la Chine. Coup de tonnerre dans le ciel politique chinois ! Ce dernier accuse la femme du maire, Gu Kailai, d’avoir empoisonné le ressortissant britannique. Cette dernière sera condamnée pour homicide et corruption, entraînant son époux dans sa chute. Le populiste et flamboyant chef du parti communiste de Chongqing finira lui aussi condamné à la prison à vie pour complicité d’homicide, abus de pouvoir et corruption dans un procès mis en scène loin de ses bases.
Comment un mandarin a t-il pu tomber ainsi publiquement devant les caméras de CCTV, dans un pays où le pouvoir à l’habitude de laver son linge sale en famille ? Quelles ont été les répercussions d’une telle déchéance ? Qui sont les gagnants et les perdants de cette affaire Bo Xilai ? Les auteurs de l’ouvrage nous entraînent, chose rare, dans les rouages d’un parti qui domine la Chine d’une main de fer depuis près de sept décennies.
Tous deux sont écrivains et journalistes chinois basés aux États-Unis. Et nos deux confrères sont plutôt du genre bien renseignés. Ho Pin, né en 1965, fait partie des premiers à avoir publié sur l’affaire via son site d’information, le Mingjing News. C’est aussi quelqu’un qui « par trois fois, depuis 2002, (…) a annoncé, avant les Congrès du PCC, la composition exacte des instances dirigeantes », ajoute le site Carpe Diem. Huang Wengguang, né en 1964, est également écrivain et journaliste résidant aux États-Unis, et collabore régulièrement avec des journaux tels que le New York Times, le Chicago Tribune ou le Christian Science Monitor.
Leur enquête sort de la « vérité » proposée par les médias officiels. Un cheminement croisant les sources et sous forme de questions : La femme du maire de Chongqing a-t-elle oui ou non empoisonnée Neil Heywood ? Le « scandale du siècle » a t-il été téléphoné pour faire tomber l’un des princes rouges en passe d’atteindre les dernières marches du pouvoir ? Et au fond, plus simplement, à qui profite le crime ? Au final, l’ouvrage se dévore comme un roman. A lire avant la tenue du XIXème congrès du Parti communiste chinois (PCC) le 18 octobre prochain.
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