Politique
L'Asie du Nord-Est dans la presse

Corée du Sud : Moon Jae-in peut-il s'entendre avec Donald Trump ?

Le président sud-coréen Moon Jae-in aura fort affaire pour convaincre Donald Trump qu'il peut s'entendre avec lui. (Crédits : AFP PHOTO / Ahn Young-joon)
Le président sud-coréen Moon Jae-in aura fort affaire pour convaincre Donald Trump qu'il peut s'entendre avec lui. (Crédits : AFP PHOTO / Ahn Young-joon)
Comment oublier les frictions ? Ce mardi 27 juin, Moon Jae-in, nouveau président sud-coréen, s’envole vers Washington pour rencontrer Donald Trump lors d’un sommet bilatéral ces jeudi 29 et vendredi 30 juin. Au menu, la négociation de l’accord de libre-échange entre la Corée du Sud et les États-Unis, l’accord THAAD et la Corée du Nord. Autant de sujets de discorde entre les deux dirigeants.
Le voyage de Moon Jae-in à Washington ne sera pas forcément un partie de plaisir. Le président sud-coréen sera accueilli ce jeudi à la Maison Blanche, et non à la résidence privée de Donald Trump en Floride, comme le fût Xi Jinping. Premier sujet qui risque de fâcher : Moon aura la lourde charge de défendre l’accord de libre-échange américano-sud-coréen face à la politique « America First » de Trump. Durant sa campagne présidentielle, le milliardaire avait largement critiqué cet accord, à ses yeux « inacceptable », « désastreux » et coupable d’être un « tueur de jobs » aux États-Unis. L’accord aurait, selon lui, causé un déficit de 28 milliards de dollars à l’économie américaine. Pour l’Institut coréen pour l’Économie industrielle, c’est davantage Washington qui aurait à souffrir d’une sortie de ce traité plus que Séoul, rapporte le Korea Herald. À bon entendeur… Plus tôt dans le mois de juin, le président de la Chambre américaine de commerce à Séoul avait conseillé à Moon de mettre en place une caisse de 10 milliards de dollars consacrée à l’achat de produits « made in USA ». « Le président Trump adorera, il tweetera dessus et envisagera le président Moon comme son ami », a prédit Jeffrey Jones, ancienne président de l’AmCham. Cependant, les incertitudes actuelles entourant l’accord de libre-échange sont assurément mauvaises pour la Corée du Sud. Elle doit d’ores et déjà réfléchir au surplus de marchandises que l’administration américaine n’est plus sûre de vouloir.
Autre sujet de tension à gérer pour Moon Jae-in : la Corée du Nord. « Le président Trump et moi avons un but commun : le complet démantèlement du programme nucléaire nord-coréen et la dénucléarisation de la péninsule coréenne », avait confié Moon au Washington Post. Reste maintenant à déterminer s’ils sont d’accord sur les détails, notamment sur les exercices militaires conjoints. Or, en la matière, rien n’est moins sûr. Le conseiller de Moon pour l’unification et la politique étrangère et de sécurité avait déjà agacé Trump en déclarant : « Je pense que ce qu’il [Moon Jae-in] a en tête, c’est que nous réduisions le déploiement des armements stratégiques américains sur la péninsule. »
Lors de la campagne électorale sud-coréenne, Moon s’est montré partisan de la politique dite du « rayon de soleil », engagée par l’ancien président Kim Dae-jong pour encourager le dialogue et les échanges avec la Corée du Nord. Ce qui n’est pas vraiment du goût de Donald Trump. Au contraire, son administration a plutôt adopté la politique de la « pression maximale » avec Pyongyang. Ajoutons à cela le poids de l’opinion publique américaine depuis la mort d’Otto Warmbier, un étudiant américain détenu en Corée du Nord et libéré dans le coma. L’administration Trump est de plus en plus encouragée à prendre des mesures radicales, explique le Washington Post. Même discorde sur l’avenir du bouclier anti-missile THAAD (Terminal High Altitude Area Defense). Moon Jae-in s’était déclaré choqué de la deuxième livraison de lanceurs et a aujourd’hui mis sur pause le déploiement du système pour mener une étude sur les conséquences environnementale du projet (lire notre article).
Pour autant, Moon ne part pas avec l’idée d’aggraver l’antagonisme. Il s’agit au contraire de faire de Trump un ami de la Corée du Sud. A Séoul, les collaborateurs du président lui ont conseillé de faire tous les efforts nécessaires pour s’attirer les bonnes grâce de l’imprévisible locataire de la Maison Blanche. Sur ce point, ses voisins ont une longueur d’avance : Shinzo Abe, Premier ministre japonais et Xi Jinping, président chinois, ont déjà été diné avec Trump. Abe a même joué au golf avec lui. Pragmatique, l’administration Moon a donc envoyé des émissaires à Washington afin de découvrir comment le chef du gouvernement nippon avait réussi à séduire le président américain. « Ils [Les Coréens] savent que si Trump pense que tu es un type bien, il t’écoutera, mais s’il pense que tu es un sale type, alors tu ne pourras jamais obtenir quelque chose de lui », indique un expert d’un think-tank de Washington, lui-même approché par les émissaires de Moon. Selon un collaborateur du président sud-coréen, lui et Trump ont des chances de bien s’entendre car le milliardaire « n’aime pas les personnages flamboyants comme lui ». Or Moon est plutôt modeste et pondéré : « Ils sont comme le yin et le yang. ».
Qu’il gagne ou non les faveurs de Donald Trump, Moon Jae-in devra s’atteler à un autre entretien des plus sensibles : il rencontrera le président chinois Xi Jinping lors du sommet du G20 les 7 et 8 juillet à Hambourg. ILs auront aussi à discuter du THAAD qui agace fortement agace la Chine. Selon Pékin, le bouclier américain bouleverse l’équilibre politique de l’Asie du Nord-Est. « Nous comprenons les angoisses de la Chine vis-à-vis du THAAD et nous aimerions lui donner des explications pour la soulager mais la Chine ne veut même pas nous écouter », a lancé Anna Park, l’ambassadeure sud-coréenne à la diplomatie publique, citée par le South China Morning Post. La rencontre entre les deux dirigeants doit aider à briser cette impasse diplomatique. La Corée du Sud a au moins autant besoin des États-Unis que de la Chine pour sécuriser la péninsule, et régler le problème nord-coréen.
Par Amina Bouamrirène

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