Revue de presse Asie - 26 septembre 2016

Patrouilles chinoises près d'Okinawa, sanctions birmanes et traité de l'Indus

En envoyant plus de 40 appareils survoler le détroit de Miyako, Pékin émet un signal fort à destination de Tokyo. Copie d'écran du South China Morning Post, le 26 septembre 2016.
En envoyant plus de 40 appareils survoler le détroit de Miyako, Pékin émet un signal fort à destination de Tokyo. Copie d'écran du South China Morning Post, le 26 septembre 2016.

Asie du Nord-Est

South China Morning Post – C’est une démonstration de force directement adressée à Tokyo. Hier dimanche 25 septembre, plus de 40 appareils de l’armée de l’air chinoise – dont des bombardiers, avions de chasse et ravitailleurs – ont opéré des manoeuvres au large d’Okinawa, au niveau du détroit de Miyako. Un dispositif « inhabituel » selon le South China Morning Post, car deux fois plus lourd que d’habitude : les patrouilles chinoises dans cette région n’avaient jamais excédé 20 appareils jusqu’alors. C’est d’ailleurs la deuxième fois ce mois-ci que les avions chinois opèrent dans le Pacifique Ouest, région difficile d’accès pour Pékin. Le 12 septembre dernier, ses appareils avaient ainsi franchi le canal de Bashi, entre Taïwan et les Philippines.

Si le ministère nippon de la Défense a affirmé que les eaux territoriales japonaises sont restées inviolées, la patrouille militaire chinoise était bien destiné à l’intimider. « C’est un avertissement de Pékin à Tokyo, explique Anthony Wong Dong, analyste militaire basé à Macao. Si vous interférez en mer de Chine méridionale, alors je vais venir montrer mes muscles à votre porte. » Une réponse à la ministre japonaise de la Défense qui, à Washington la semaine dernière, a réaffirmé son soutien à la position américaine dans la zone, en faveur de la liberté de circulation. Elle s’est également engagée à « accroître la participation nippone » dans la région. Mais au-delà du Japon en particulier, la Chine cherche également a affirmer sa puissance militaire : « Elle veut montrer qu’elle peut briser la première chaîne d’îles, qui représente une menace psychologique et réelle pour Pékin », analyse toujours Wong.

Le passage par le détroit de Miyako est bien « légal » mais « sensible » du point de vue de Tokyo, souligne le Japan Times. Ce qui explique que l’archipel ait décrété le « décollage immédiat » de plusieurs appareils en reconnaissance, lorsque des avions chinois ont été détectés dans la zone. De son côté, le porte-parole de l’APL Shen Jike a déclaré que ces opérations participaient de « patrouilles régulières » dans la « zone d’identification de défense aérienne (ADIZ) » en mer de Chine de l’Est, déclarée unilatéralement en 2013. Le quotidien nippon note par ailleurs que des appareils chinois avaient déjà emprunté cet itinéraire en mai 2015.

Parallèlement à ces exercices militaires, deux séismes ont secoué l’île d’Okinawa sans faire de victime, rapporte le Mainichi : le premier d’une magnitude de 5,5 sur l’échelle de Richter a frappé le Nord, tandis que le second, intervenu cinq minutes plus tard et d’une puissance similaire (5,7) a touché le Sud.

Straits Times – Mieux comprendre le fonctionnement de l’univers : c’est l’objectif de « Tianyan » (« l’oeil du ciel »), plus grand radiotélescope au monde. D’un diamètre de 500 mètres, il est entré en fonctionnement hier dimanche 25 septembre dans la province du Guizhou – au sud-ouest de la Chine. Outre la structure des galaxies et la formation des étoiles, son thème de recherche principal sera la potentielle découverte d’une vie extraterrestre, note le Straits Times.

Cette avancée majeure du programme spatial chinois suit le lancement du premier satellite quantique antipiratage, opéré par Pékin à la mi-août (voir notre revue de presse du 16 août), la mise sur orbite de son second module spatial. Ainsi la Chine pourrait-elle attirer de nombreux scientifiques, en raison de sa volonté affichée de « rattraper les Etats-Unis » en matière de découvertes et d’avancées technologiques. Plusieurs astronomes du monde entier ont d’ailleurs été invités à faire usage du tout nouveau radiotélescope, souligne le quotidien singapourien.

Korea Herald – Shin Dong-bin est plus que jamais dans la tourmente. Le PDG de Lotte risque l’arrestation depuis que le Bureau des procureurs du district central de Séoul en a fait la demande auprès d’une cour de justice locale, rapporte le Korea Herald. L’homme d’affaires est soupçonné de « détournement de fonds » et « d’abus de confiance ». Pas moins de 154 millions de dollars auraient fait l’objet de transactions illégales sous sa présidence, affirme le quotidien sud-coréen. Les autorités de Séoul ont Lotte dans leur collimateur depuis plusieurs mois déjà : en juin, plusieurs perquisitions ont été opérées dans les locaux du groupe et nombre de ses personnalités dirigeantes ont été arrêtées, dont le frère et le père de Shin Dong-bin. Une enquête aux conséquences dramatiques puisque le mois dernier, le vice-président de Lotte, Lee In-won, s’est suicidé par pendaison (voir notre revue de presse du 26 août).

Asie du Sud-Est

Myanmar Times – Est-ce le bon moment pour lever les sanctions américaines qui pèsent sur la Birmanie ? Le mercredi 14 septembre, Barack Obama annonçait, lors de la visite d’Aung San Suu Kyi à Washington, qu’il acceptait de lever les sanctions économiques qui visent le pays. « C’est la bonne chose à faire pour récompenser la Birmanie sur sa nouvelle façon de faire du commerce », avait-il alors déclaré (voir notre revue de presse du 15 septembre). Pourtant, à l’annonce de cette nouvelle, les avis divergent.

Alors que la Birmanie connaît une forte croissance économique depuis l’arrivée au pouvoir de la Ligue nationale pour la Démocratie en novembre dernier, certains mettent en avant les avantages non négligeables de la levée des sanctions sur l’économie du pays. Un commerce privilégié avec les Etats-Unis devrait favoriser le développement des petites et moyennes entreprises mais aussi permettre au pays d’être moins dépendant de la Chine, principal investisseur actuellement. Et pour les personnes en faveur de la levée des sanctions, cela participera aussi de l’installation de la démocratie en Birmanie. « Les conséquences positives qui résulteront de la levée des sanctions seront créditées au gouvernement d’Aung San Suu Kyi », note le Myanmar Times.

Alors pourquoi certains sont-ils réticents ? « La raison la plus évidente est que les personnes liées à l’ancien régime militaire en tireront des bénéfices », explique le journal birman. Actuellement une centaine d’individus, considérés comme les principaux responsables des violations des droits de l’homme en Birmanie lorsque la junte militaire était au pouvoir, sont toujours inscrits sur liste noire empêchant les Américains de conclure des contrats avec eux ou leur compagnie. Avec la levée des sanctions, cette liste sera supprimée. Parmi eux, Asia World, plus gros conglomérat de Birmanie dirigé par l’homme d’affaires Steven Law et proche de l’ancienne junte militaire.

Du côté des représentants des minorités ethniques, si les sanctions sont levées, le gouvernement n’aura plus aucun moyen de pression pour mettre fin aux persécutions de l’armée dans certaines zones. « Il y a encore un certain nombre de problèmes mettant en cause la stabilité du pays et ses ressortissants les plus vulnérables, ont écrit ces représentants dans une lettre commune. Il s’agit souvent de violations des droits de l’homme, et des progrès devraient être faits sur ces questions avant de lever les sanctions. » Enfin, selon l’ONG Human Rights Watch, les sanctions sont cruciales pour assurer le bon déroulement de la transition démocratique dans le pays. Car elles permettent de faire pression sur l’armée afin qu’elle réfléchisse avec le gouvernement à une réforme de la Constitution de 2008. C’est notamment cette dernière qui empêchait Aung San Suu Kyi de devenir chef de l’Etat.

Pour le Myanmar Times, les choses sont claires. La levée des sanctions est une bonne chose « simplement parce que les arguments contre partent du principe que les sanctions ont fonctionné ». C’est ignorer selon le quotidien les nombreux cas de violations des droits de l’homme que le pays a connu malgré le maintien de cette pression américaine sur l’économie birmane.

Bangkok Post – 35 milliards de bahts, soit un milliard d’euros. Voilà la somme que l’ancienne Premier ministre thaïlandaise Yingluck Shinawatra est condamnée à reverser pour son implication dans le programme de subvention du riz. Peu de temps après son entrée en fonction, à l’automne 2011, son gouvernement avait décidé d’acheter le riz auprès de producteurs thaïlandais à un prix supérieur à celui du marché. Le programme fut un échec et le pays s’est retrouvé avec des tonnes de riz invendu. Yingluck Shinawatra fut accusée de négligence, n’ayant pas mis fin à temps à cette initiative et n’ayant pas empêché le développement de la corruption liée au programme. Il lui fut alors demandé de compenser les pertes financières subies par la Thaïlande.

A l’annonce de cette amende, l’ancienne Premier ministre, destituée lors du coup d’Etat de 2014, a appelé le gouvernement actuel à agir avec justice et à se comporter avec elle comme avec ses alliés. « J’appelle le Premier ministre à réfléchir et à s’en tenir au principe que j’ai le droit à la même justice que son frère ou que les autres personnes à ses côtés », a t-elle déclaré faisant référence au scandale de corruption qui touche actuellement le frère du Premier ministre Prayuth Chan-ocha, Preecha Chan-ocha. Ce dernier est accusé d’avoir favorisé son fils dans une affaire de construction immobilière (voir notre revue de presse du 21 septembre)

De son côté, l’actuel Premier ministre s’est défendu d’une quelconque partialité. « Je n’ai pas accéléré les choses. Tout a été fait comme le prévoit la loi », a-t-il déclaré, rappelant que l’affaire devait être close avant février 2017, rapporte le Straits Times.

Channel News Asia – En Malaisie, chasser Pikachu peut coûter cher. Selon un récent sondage mené par la Fédération malaisienne du Travail, six entreprises sur 150 admettent avoir licencié des employés qui jouaient à Pokemon Go pendant leurs heures de travail. Il faut dire que les employeurs refusent de voir le jeu de réalité augmenté, lancé le 6 août dernier en Malaisie, envahir leurs bureaux. Non seulement 95 % d’entre eux ont clairement affirmé interdire le jeu dans l’espace de travail, mais 96% ont aussi interdit à leurs employés de s’inscrire sur l’application avec leur adresse professionnelle.

Mais ces interdictions ne semblent pas avoir raison de la frénésie des joueurs. Au total, un quart des employés ont été attrapés alors qu’ils jouaient à Pokémon Go sur leur lieu de travail. Selon l’étude, 11 % prendraient des pauses déjeuner plus longues afin de pouvoir « chasser » un peu plus longtemps. Et si un pokémon rare se cache dans les espaces interdits d’accès, 5 % n’hésitent pas à y aller.

Pour les patrons, une dernière solution : faire retirer les pokéstops à proximité du lieu de travail. Une demande à laquelle Niantic Labs, développeur du jeu, n’a pas encore répondu.

Asie du Sud

Times of India – L’eau au centre des tensions entre l’Inde et le Pakistan. Alors que le conflit se fait de plus en plus vif entre les deux nations rivales, l’Inde explore la possibilité de faire pression sur le Pakistan en utilisant sa position dominante sur le fleuve Indus (voir notre revue de presse du 23 septembre). Jusqu’alors, malgré les tensions qui ont souvent opposé les deux pays, la question de ce fleuve transfrontalier était gérée d’une façon pacifique grâce au traité de l’Indus, signé en 1960. Ce traité alloue à l’Inde les trois fleuves à l’est du bassin (Sutlej, Beas et Ravi), et au Pakistan les trois fleuves à l’Ouest (Indus, Jhelum et Chenab). Mais après l’attaque meurtrière contre la base militaire d’Uri au Cachemire indien, qui a provoqué la mort de 18 soldats indiens, Narendra Modi cherche une façon d’attaquer le Pakistan sans prendre les armes. La menace de l’eau est donc sur la table depuis plusieurs jours.

Prochainement, le Premier ministre devrait donc dresser une liste des avantages et inconvénients du traité de l’Indus et étudier ses options pour faire pression sur le Pakistan sans briser toutefois définitivement le traité. En septembre dernier, Islamabad a demandé un nouvel arbitrage du tribunal international de la Haye dans un litige qui affrontait les deux Etats sur la construction d’un barrage indien dans le Jammu-et-Cachemire. Le projet avait été soumis au tribunal qui en avait accepté la construction. Ce qui avait déjà été perçu comme une mise en péril du traité, rappelle le site Firstpost.

The Times of India – En réaction à l’attaque terroriste sur la base militaire d’Uri, l’Inde risquera-t-elle une offensive armée contre le Pakistan ? Pour les diplomates d’Islamabad, New Delhi ferait mieux de ne pas y songer. D’après eux en effet, une guerre « ruinerait l’économie indienne » et le délaissement des canaux diplomatiques au profit d’une rhétorique belliqueuse ne ferait « qu’isoler New Delhi sur la scène internationale ». Des propos injustifiés d’après le Times of India, qui souligne le « retard économique » pakistanais et le « fardeau de la pression internationale » que doit subir Islamabad. Le soutien chinois pourrait s’avérer plus volatile que prévu, alors même que les relations entre les Etats-Unis et le Pakistan se dégradent. L’isolement pakistanais serait donc bien une réalité, d’après le quotidien indien.

De son côté, le haut-commissaire pakistanais en Inde s’est voulu plus modéré que ses collègues diplomates relayés par le Times of India, note Pakistan Today. Abdul Basit a balayé la perspective d’une guerre en des termes moins virulents vis-à-vis de New Delhi : « Je crois sincèrement que l’Inde et le Pakistan n’ont rien à gagner des effets d’annonce. La guerre n’est pas une solution ; elle crée davantage de problèmes encore. » D’après lui, le dialogue reste la meilleure option pour apaiser les tensions – tout en réfutant que l’attaque d’Uri ait été commanditée depuis le sol pakistanais.

Hindustan Times – C’est une avancée d’importance pour le programme spatial indien. Ce lundi 26 septembre, l’Organisation indienne pour la Recherche spatiale a réussi à lancer huit satellites – trois indiens, trois algériens, un canadien et un américain – sur deux orbites différentes, le tout à partir d’une même fusée. Le Premier ministre Narendra Modi a salué la prouesse sur Twitter : « Nos chercheurs en sciences spatiales continuent d’écrire l’histoire. Leur ardeur dans l’innovation touche le coeur des 1,25 milliards d’Indiens et rend leur pays très fier. » Par ce lancement, l’Inde se positionne comme une « destination privilégiée pour le lancement de satellites avec un bon rapport coût-efficacité » sur un marché « de plus en plus bouché », commente le Hindustan Times
Par Alexandre Gandil, Cyrielle Cabot et Joris Zylberman, avec Anda Djoehana Wiradikarta

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