Revue de presse Asie - 23 septembre 2016

Grande Muraille chinoise bétonnée, appel de Duterte et Rafale en Inde

Les travaux de restauration entrepris sur une portion de la Grande Muraille rendent furieux les internautes chinois. Copie d'écran de Channel News Asia, le 23 septembre 2016.
Les travaux de restauration entrepris sur une portion de la Grande Muraille rendent furieux les internautes chinois. Copie d'écran de Channel News Asia, le 23 septembre 2016.

Asie du Nord-Est

Channel News Asia – La Grande Muraille s’effrite ? Colmatons-la avec du béton ! L’idée fait sourire et pourtant : c’est bien le sort réservé à une section du mur vieille de sept siècles, considérée comme l’un des ses « plus beaux segments ». Les photos de Xiaohekou, dans la province du Liaoning (Nord-Est), ont provoqué la colère des réseaux sociaux ce vendredi 23 septembre. « On dirait le travail d’un groupe de personnes qui n’ont même pas terminé l’école primaire », se plaint un utilisateur de Weibo, le Twitter chinois. « Pourquoi ne raserait-on pas la Cité interdite, pendant qu’on y est ? » s’insurge un autre. Même le vice-directeur du département de la Culture du Liaoning s’offusque : « Les réparations sont franchement laides. » Sur huit kilomètres, la muraille est en effet recouverte d’une épaisse couche de béton qui la transforme en un « chemin lisse et plat », commente Channel News Asia. Ce qui en a notamment fait disparaître les marches et les créneaux.

Ces travaux ne datent pourtant pas d’hier, mais de 2014, précise le South China Morning Post. Le bureau des Reliques culturelles du comté de Suizhong (où se trouve Xiaohekou) avait même reçu l’approbation de l’administration chinoise du Patrimoine culturel. C’est la diffusion sur Internet de photographies de touristes et d’amateurs qui a mis le feu aux poudres sur les réseaux sociaux, explique le quotidien hongkongais. En fait, il n’existe aucune consigne nationale pour la restauration de la Grande Muraille – bien qu’il s’agisse d’un patrimoine en danger. Près d’un tiers du mur construit sous la dynastie Ming (1368-1644) – comme c’est le cas pour Xiaohekou – a disparu avec le temps, conclut Channel News Asia.

The Straits Times – 18 ans de prison : c’est la peine qu’a infligée la Haute Cour de Taïwan au commandant Wang Tsung-wu, accusé d’être un agent double au service de Pékin. Peu d’informations ont été livrées sur le verdict pour des raisons de « sécurité nationale ». Néanmoins, la juridiction taïwanaise estime que son agent de renseignement, envoyé en Chine en 1995, a rapidement été « retourné » par les autorités continentales. Il aurait espionné à leur profit pendant plus de 10 ans et aurait également permis le recrutement du général taïwanais Lin Han en tant qu’agent double, lui aussi. Ce dernier, condamné à six ans d’emprisonnement, aurait livré des informations sur l’identité des agents taïwanais en Chine auprès d’officiels pékinois rencontrés en Malaisie et à Singapour, rapporte le Straits Times.
The Mainichi – Il fallait s’y attendre. Ce vendredi 23 septembre, le gouvernement d’Okinawa a fait appel du verdict de la cour de Fukuoka. Il y a tout juste une semaine, cette dernière avait tranché en faveur du déplacement de la base américaine de Futenma à Nago (voir notre revue de presse du 16 septembre). Une décision à laquelle le gouverneur d’Okinawa, Takeshi Onega, s’oppose fermement. Il demande toujours à ce que la base militaire soit déplacée hors de sa préfecture.

Car les habitants de l’île sont de plus en plus mécontents vis-à-vis de la forte présence américaine sur leur territoire (voir notre dossier : « Le Japon, forteresse américaine en Asie-Pacifique »). Ce mardi 20 septembre, un avion de l’US Air Force s’est d’ailleurs abîmé en mer, à 150 kilomètres d’Okinawa. L’enjeu du déplacement de la base de Futenma est pourtant crucial pour la relation nippo-américaine. Il est d’ailleurs convenu entre Tokyo et Washington depuis un accord de 1996, informe le Mainichi. La ministre japonaise de la Défense doit ainsi se rendre à Okinawa ce week-end pour évoquer le dossier avec Takeshi Onega et tenter de débloquer l’affaire.

Asie du Sud-Est

The Philippine Star« J’invite le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki… Comment s’appelle le diable déjà ? » Lors de son discours pour l’inauguration d’une centrale électrique jeudi 22 septembre, Rodrigo Duterte n’a pas entaché sa réputation de provocateur. Répondant aux dernières inquiétudes formulées par l’ONU et l’Union européenne quant à la politique philippine, le président de l’archipel les a invité à venir enquêter sur sa lutte anti-drogue et voir « comment les choses se passent réellement ». Ce dernier est aussi bien décidé à organiser un débat public où il pourrait défendre ses mesures pour lutter contre la criminalité. « La première question que je poserai : J’ai tué des milliers de personnes ? Comment s’appelait la première victime ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Où ? Pourquoi ? Quelle heure était-il ? » a-t-il demandé sur un ton défiant, ne cachant pas le but de la manoeuvre : « Je vais les humilier », rapporte The Straits Times .

Dans ce nouveau discours, le président philippin n’a pas hésité à attaquer les deux institutions. Il a ainsi critiqué son homologue américain Barack Obama pour sa gestion des violences policières aux Etats-Unis et les dirigeants européens qui « prétendent se soucier des droits de l’homme » mais qui « ferment leur porte aux migrants. » « Maintenant, l’Union européenne s’inquiète de voir des criminels mourir ? Je les emmerde. Pourquoi vous me menacez ? »

Depuis son arrivée au pouvoir en juin dernier, la guerre anti-drogue du président philippin a déjà provoqué la mort de plus de 3 000 personnes, suscitant de vives critiques de la part de la communauté internationale. L’ONU et l’Union européenne ont récemment publié un rapport réitérant leurs inquiétudes et appelant Duterte a cesser ces manoeuvres.

Myanmar Times – La lutte contre l’esclavage des enfants au centre de l’attention en Birmanie. Le comité national birman des droits de l’homme (MNHRC) est accusé depuis plusieurs jours d’avoir fait preuve de laxisme dans une affaire d’esclavage d’enfants. L’affaire a été dévoilée par trois jeunes filles réduites en esclavage pendant cinq ans chez un tailleur de Rangoun. Portée à la connaissance du MNHRC, ce dernier a classé le dossier après que les familles ont reçu une compensation financière de 3 500 euros de la part des responsables. Ce qui a provoqué un tollé sur les réseaux sociaux, les internautes accusant le comité de négligence. Une enquête a par ailleurs été ouverte par le bureau de la présidence.

Les groupes de défense des droits de l’homme et de nombreux citoyens ont en effet critiqué la décision de ne pas traduire l’affaire en justice. Pour l’avocat Robert Sann Aung, les membres du MNHRC n’ont tout simplement pas fait leur travail et sont, de fait, responsables d’avoir caché une affaire d’abus des droits de l’enfant et de trafic d’êtres humains. De son côté, le MNHRC se défend de toute négligence. « Nous pensions qu’une compensation financière permettrait de résoudre l’affaire d’une façon satisfaisante pour tout le monde », a argumenté Zaw Win, membre du MNHRC.

En parallèle, une pétition en ligne appelant à un procès des coupables et à une enquête visant le comité avait recueilli 1 500 signatures jeudi 22 septembre. La Chambre basse du Parlement a déjà fait savoir que des mesures disciplinaires seraient prises à l’encontre du Comité.

Tempo – Clore toutes les affaires jamais résolues en Indonésie. Voilà la dernière promesse du président indonésien Joko « Jokowi » Widodo. Parmi ces cas : celui de la mort de Munir Said Thalib. « Munir », comme il est appelé en Indonésie, est l’un des militants des droits humains et anti-corruption les plus célèbres du pays. Fondateur de l’organisation de droits de l’homme Kontras et lauréat du Right Livelihood Award, il a été assassiné en 2004. Il voyageait alors dans un avion de la compagnie nationale Garuda Indonesia à destination d’Amsterdam où il devait suivre une maîtrise en droit international. Son meurtre n’a jamais été élucidé.

Pour venir à bout de toutes ces affaires, le président s’est entouré de nombreux avocats. Il veut ainsi améliorer l’application des lois dans le pays et réformer le système judiciaire. « Nous demandons des recommendations pour que nos institutions judiciaires, la police, le ministère de la Justice, les avocats ou encore la Commission contre la corruption puissent résoudre ces affaires avec rigueur, réglant ainsi les problèmes qui touchent notre pays », a expliqué le président. Et d’ajouter : « Nous savons tous que des cas de corruption en lien avec des membres du gouvement ont été révélés récemment. Les lois n’ont pas encore de pouvoir de dissuasion en termes de peines encourues. »

Asie du Sud

Times of India – 7,87 milliards d’euros. C’est le montant du contrat signé par l’Inde et la France pour la vente de 36 avions de combat Rafale, et dont 50 % de la valeur correspond aux transferts de technologies et contreparties industrielles. D’âpres négociations ont permis à New Delhi d’économiser 750 millions d’euros, se félicite le Times of India. Flexible, Dassault a également consenti à opérer des modifications sur ses appareils sur recommandation de l’Inde – telles que l’intégration de visuels de casque israéliens.

Cela faisait quatre ans que cette vente était annoncée, rappelle Firstpost. Mais il aura fallu l’arrivée de Narendra Modi au pouvoir en 2014 pour que le dossier soit enfin débloqué. C’est pourquoi l’officialisation de la transaction a été reçue avec « soulagement » par chacune des deux parties. Désormais, l’Inde est « en pointe » en matière de flotte aérienne militaire : les Rafale pourront servir à New Delhi afin d’imposer sa « supériorité aérienne », d’assurer un « soutien au sol », d’effectuer des « reconnaissances en vol » et de « lancer des têtes nucléaires ». Des options déjà testées et approuvées par la France – mis à part la dernière – en Afghanistan, en Libye, au Mali et en Irak. Ce qui, néanmoins, ne suffira pas à l’Inde pour obtenir « l’avantage ultime » dans un éventuel combat.

Le Pakistan est directement visé dans l’article du Firstpost sans être nommé. Une précaution que ne prend pas le Times of India, d’après lequel New Delhi est désormais capable d’attaquer des cibles situées en territoires pakistanais sans violer l’espace aérien d’Islamabad. Les Rafale acquis par l’Inde peuvent en effet tirer des missiles à 150 km au-delà de la portée visuelle – contre seulement 80 km pour les avions de combat pakistanais, se réjouit le quotidien.

The Express Tribune – Le chômage, l’insécurité, les problèmes économiques et le manque de soutien social. Voilà ce qui pousse 48,7 % des jeunes de Karachi à projeter de quitter le Pakistan – soit 3,4 millions d’individus. Un chiffre choc diffusé par un professeur du département d’administration publique de l’université de Karachi, Ammad Zafar, et appuyé par l’un de ses étudiants-chercheurs. D’après Salman Khatani, 90 % des jeunes de Karachi estiment que la ville ne leur propose « aucune opportunité ».

Le Pakistan est particulièrement touché par l’émigration, commente The Express Tribune : rien qu’en 2015, 1 million de Pakistanais ont quitté le pays – et plus de 3,7 millions ces six dernières années. Désormains, près de 4 % de la population (soit 7 millions de personnes) vivraient en dehors des frontières nationales, dont 48 % au Moyen-Orient.

The Indian Express – Le traité de l’Indus est-il en danger ? Quelques jours après l’attaque meurtrière à la base militaire indienne d’Uri, dans le Cachemire indien, qui a provoqué la mort de 18 soldats indiens et a encore ravivé les tensions dans la région, New Delhi cherche une façon de « punir » le Pakistan qu’elle tient pour responsable. Parmi les sanctions soulevées, celle de lui couper l’eau potable. Les deux Etats se partagent en effet le bassin de l’Indus mais l’Inde, en amont, jouit d’une position dominante sur son voisin.

Malgré les nombreuses tensions qui opposent les deux pays, la question de ce fleuve transfrontalier est gérée d’une façon pacifique grâce au traité de l’Indus, signé en 1960. Ce dernier a survécu à chaque conflit et est souvent présenté comme un modèle de coopération dans la gestion d’un fleuve transfrontalier. Il alloue à l’Inde les trois fleuves à l’Est du bassin (Sutlej, Beas et Ravi) et au Pakistan, les trois fleuves à l’Ouest (l’Indus, Jhelum et Chenab). L’Inde peut profiter pleinement des trois fleuves qu’il contrôle mais ne doit pas obstruer le passage de l’eau dans les fleuves de l’Ouest. Tous les six mois, une commission de l’Indus se réunit afin d’assurer que les modalités du traité sont respectées et pour gérer les conflits mineurs.

Mais par sa position en amont, l’Inde pourrait briser les termes du traité et priver le Pakistan de son accès à l’eau. Ce dernier est très dépendant de l’Indus : 65% de son territoire est dans le bassin du fleuve et ces barrages permettent d’alimenter la population en électricité et en eau potable. A chaque nouveau conflit, la menace revient sur la table même si elle ne semble jamais vraiment sérieuse. Couper l’accès à l’eau au Pakistan ne permettrait pas à l’Inde d’atteindre son véritable objectif : forcer son rival à lutter contre le terrorisme. De plus, couper les robinets inonderait plusieurs villes indiennes.

Côté pakistanais, la domination indienne sur l’eau fait peur. Certains considèrent même cette menace comme un « terrorisme de l’eau ». Cela participe par ailleurs à attiser le conflit au Cachemire. Nombreux sont ceux qui souhaitent se réapproprier l’espace afin de reprendre le contrôle de ces fleuves. Couper l’accès à l’eau aurait donc des répercussions directes sur le conflit au Cachemire.

Par Joris Zylberman, Alexandre Gandil et Cyrielle Cabot, avec Anda Djoehana Wiradikarta à Paris

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