Revue de presse Asie - 16 septembre 2016

Rumeurs chinoises sur Wukan, éléments de langage aux Philippines et Rafale en Inde

Le South China Morning Post fait un bilan des informations qui circulent sur les événements récents de Wukan. Copie d'écran du South China Morning Post, le 16 septembre 2016.
Le South China Morning Post fait un bilan des informations qui circulent sur les événements récents de Wukan. Copie d'écran du South China Morning Post, le 16 septembre 2016.

Asie du Nord-Est

South China Morning Post – Que s’est-il vraiment passé lors du raid policier sur Wukan – ce village de pêcheurs symbole de la résistance démocratique en Chine – en début de semaine ? Quelques jours après ces événements qui ont fait couler beaucoup d’encre, le South China Morning Post tente de démêler le vrai du faux. Car quatre internautes ont déjà été interpelés par la police locale pour avoir « colporté des rumeurs » et « exagéré les faits ».

Parmi les informations vérifiées par le quotidien hongkongais : les forces de l’ordre ont bel et bien fait usage de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc à l’encontre des manifestants, vidéos à l’appui. Elles ont par ailleurs promis une récompense de 10 000 yuans (plus de 1 300 euros) à toute personne leur livrant des informations sur 6 suspects activement recherchés. À ce jour, les policiers continuent de contrôler les entrées et sorties du village, ce qui empêche un approvisionnement normal en nourriture. Les restrictions de déplacement ont été levées hier jeudi 15 septembre au matin avant d’être réimposées le soir-même. Désormais, les habitants quittant Wukan sont avertis qu’ils ne seront plus autorisés à revenir, indique le quotidien hongkongais. Enfin, la traque policière continue : des agents en civil et en uniforme se présentent devant chaque maison afin d’arrêter d’éventuels suspects. Certains villageois restent ainsi cloîtrés, de peur d’être interpelés.

Du côté des controverses, les habitants et les autorités s’accusent mutuellement d’avoir blessé une octogénaire, Qian Xiuyin : l’hôpital de Lufeng a déclaré avoir retiré de son bras gauche des éclats de « bombe artisanale » tandis que les villageois imputent ses blessures aux balles en caoutchouc tirées par les forces de l’ordre. Plusieurs rumeurs continuent également de circuler, notamment sur des récompenses de 20 000 yuans (près de 1 700 euros) promises par les autorités pour toute information permettant de localiser les suspects – deux fois plus que le montant actuellement confirmé. De même, aucune certitude encore sur le nombre d’arrestations : les villageois parlent de 100 interpellations, mais la police locale n’a encore livré aucun chiffre.

Mainichi Shimbun – C’est la première résolution judiciaire sur le déménagement controversé de la base américaine de Futenma, à Okinawa – et elle promet de nouveaux rebondissements. La Cour de Fukuoka a jugé « illégale » la décision du gouverneur actuel d’Okinawa, Takeshi Onega, de renoncer aux travaux de construction visant à déplacer une base militaire américaine de Futenma à Nago, toujours sur l’île. Une décision que son prédécesseur, Hirokazu Nakaima, avait prise « légalement » et que Tokyo lui avait intimé d’honorer. Etant donné l’inflexibilité des deux parties, l’affaire ira certainement « jusqu’à la Cour suprême », analyse le Mainichi Shimbun. D’un côté, Takeshi Onega demande le respect des opinions de la population d’Okinawa, de plus en plus opposée au « fardeau » que représente l’accueil des bases militaires américaines, majoritairement concentrées sur son territoire (voir notre temps fort). De l’autre, le gouvernement central souhaite ménager sa relation d’exception avec les Etats-Unis, censés assurer la protection de l’archipel.

C’est d’ailleurs dans cette optique que Tokyo souhaite renforcer son rôle en mer de Chine du Sud, grâce à des patrouilles conjointes avec Washington, rapporte le Straits Times. En visite dans la capitale américaine, la ministre nippone de la Défense a rappelé son attachement à la liberté de circulation dans la zone – et que des efforts seraient fournis en partenariat avec les Etats côtiers. Le Japon s’est ainsi déclaré prêt à livrer des navires de patrouille au Vietnam et aux Philippines, deux pays entretenant la plupart des litiges territoriaux avec Pékin en mer de Chine du Sud.

Asahi Shimbun – Quelles nouvelles sanctions adopter contre la Corée du Nord après son cinquième essai nucléaire du 9 septembre ? Les Etats-Unis, le Japon et la Corée du Sud ont trouvé la réponse : un embargo « total » sur le pétrole à destination de Pyongyang (seul le kérosène est aujourd’hui concerné par les sanctions internationales). Ce qui s’accompagnerait d’une fermeture des canaux d’approvisionnement en monnaie étrangère, notamment en durcissant les conditions d’obtention de visas de travail pour les Nord-Coréens. 50 000 vivraient actuellement hors de leur frontières et rapporteraient 230 millions de dollars par an au régime, note le quotidien nippon Asahi Shimbun.

Objectif de l’embargo : ralentir drastiquement l’acquisition de fonds, de matériel et de technologies nécessaires au développement d’armes nucléaires et de missiles. Mais l’efficacité de ces nouvelles mesures proposées par les trois Etats est soumise au bon vouloir de la Chine, qui peut opposer son veto au Conseil de sécurité de l’ONU… et qui a l’habitude de « négliger les sanctions concernant ses alliés », écrit le Asahi Shimbun. Pour preuve, avance le quotidien, le montant du commerce sino-nord-coréen n’a guère pâti des sanctions onusiennes imposées au mois de mars à l’encontre de Pyongyang.

Asie du Sud-Est

The Inquirer – L’équipe de communication de Rodrigo Duterte devrait parler d’une seule voix. Voilà la thèse développée par The Inquirer ce vendredi 16 septembre. « Le gouvernement philippin ne s’aide pas en envoyant différents porte-parole expliquer ou interpréter les dernières sorties controversées de Rodrigo Duterte », lance l’éditorialiste. Certes, la communication a posé problème à maints gouvernements, mais il semble qu’elle a atteint, lors du sommet de l’ASEAN, première apparition du président philippin sur la scène internationale, un « autre niveau » provoquant « humiliations et incidents diplomatiques ».

La bourde est venue du responsable de la communication du président, Martin Andanar. Il a diffusé un communiqué de presse annonçant que le président philippin serait assis entre Barack Obama et le secrétaire-général des Nations unies Ban-Ki-Moon lors du dîner d’ouverture du sommet de l’ASEAN au Laos. Une information qui s’est révélée totalement fausse. Il faut dire que, s’il s’était avéré, ce plan de table aurait pu faire jaser. Quelques jours avant ce dîner, Obama avait annulé sa rencontre avec son homologue philippin après que ce dernier l’eut traité de « fils de pute ». Rodrigo Duterte n’aurait pas pu chercher le soutien de son second voisin. Il a menacé de quitter l’ONU pour ses vives critiques à l’encontre de sa guerre ouverte contre le trafic de drogues, qui a provoqué la mort de 3 000 personnes depuis juin dernier.

Pour l’éditorialiste philippin, ce dernier épisode ne fait que renforcer les doutes sur les compétences de l’équipe de communication du président. « Mais le problème de fond, c’est que le président parle souvent sans suivre le discours qui a été préparé, et ses porte-parole se retrouvent à expliquer et interpréter ses remarques. »

Lorsque le Duterte a insulté son homologue américain, l’équipe de communication a dû réagir vite. « Et ils n’ont fait qu’empirer la situation, reproche l’éditorial. Le responsable de la communication a déclaré que le président était en train de réaffirmer son attachement aux Etats-Unis. Le ministère des Affaires étrangères a, quant à lui, justifié le propos en affirmant que Duterte tentait de « souligner ses différences » avec Barack Obama. Le ministre du Travail a traité Obama de brebis galeuse et l’un des conseillers du président a défendu que les Etats-Unis avaient mal compris les paroles du président philippin. »

Le bilan de The Inquirer est sans appel : l’équipe de communication de Duterte doit réussir à parler d’une seule voix et se rappeler que « son rôle n’est pas de défendre à tout-va le président, même si cela fait partie de ses fonctions. Elle doit s’assurer que le président et ses différents publics se comprennent. »

Frontier Myanmar – Fin de l’impunité pour l’armée birmane ? Sept soldats du Tatmadaw ont été condamnés hier à cinq ans de prison et au travail forcé par un tribunal militaire. Ils ont été jugés coupables de la mort de cinq civils en détention, dans l’Etat Shan. Ces accusations pesaient sur l’armée birmane depuis juin dernier. Les habitants d’un village des environs de Lashio assuraient que les militaires avaient interrogé sept personnes portées disparues. Leurs corps avaient finalement été retrouvés quelques jours plus tard.

L’Etat Shan est en proie à des conflits entre le Tatmadaw et les groupes ethniques armés. De nombreux civils sont arrêtés pour être interrogés sur leurs liens supposés avec les rebelles. Jusqu’alors, l’armée n’avait jamais admis la moindre responsabilité dans la disparition de civils en détention. En inculpant ces sept soldats, l’armée tente de redorer son blason alors que la Birmanie, en pleine transition démocratique, s’ouvre à l’étranger.

Le Tatmadaw a gouverné la Birmanie pendant plus d’un demi-siècle. Une période marquée par des violations des droits humains, la torture et le recrutement d’enfants soldats. En 2011, l’armée avait cédé la direction du pays à un gouvernement quasi-civil, vaincu par la Ligue nationale pour la Démocratie aux élections législatives de novembre 2015. Engagée dans un processus de paix, Aung San Suu Kyi – désormais Premier ministre de facto – compte sur un rapprochement avec l’armée pour parvenir à ses fins, rappelle le Straits Times. Le Tatmadaw joue toujours un rôle-clé dans le pays : 25 % des sièges au Parlement lui sont réservés d’office et certains de ses membres occupent des postes d’importance au gouvernement.

The Jakarta Post – Le mouvement de 1965 sera-t-il reconnu comme un génocide par l’ONU ? C’est en tout cas ce que souhaite le Tribunal international populaire (TIP 1965), situé dans la ville du Cap en Afrique du Sud, et constitué de militants des droits de l’homme et des familles de victimes. Après un coup d’Etat manqué attribué au Parti communiste, entre 400 000 et 500 000 personnes avaient été assassinées et 600 000 emprisonnées en 1965 en Indonésie.

Le tribunal de La Haye a déjà qualifié ces événements de crimes contre l’humanité en juillet dernier. Il avait alors conseillé au gouvernement indonésien de présenter des excuses publiques et d’ouvrir une enquête sur ces exactions. Ce dernier avait rejeté son verdict (voir notre revue de presse du 21 juillet). Mais le TIP 1965 n’abandonne pas et souhaite à présent transmettre le verdict de La Haye aux Nations Unies. « Nous avons pu présenter nos preuves à plusieurs reprises mais personne ne fait rien. Cela prouve que le gouvernement ne veut pas en finir avec cette injustice, a déploré Nursyahbani Katjasungkana, membre du TIP 1965. Nous présenterons notre dossier avant la prochaine rencontre du Haut-commissariat des Nations-Unies aux droits de l’homme. Il est temps de régler cette affaire une bonne fois pour toutes. »

En parallèle, le gouvernement indonésien est attendu au Conseil des droits de l’homme des Nations unies en avril prochain. Il devra y présenter les différentes mesures prises pour promouvoir les droits de l’homme dans le pays. Objectif du TIP 1965 : plaider sa cause lors de cet entretien afin de faire pression sur le gouvernement. En dernier recours, ce tribunal populaire est prêt à se présenter devant le Conseil de sécurité de l’ONU. « Cela pourrait prendre du temps. Pour que nous puissions nous entretenir avec eux à ce sujet, les membres du Conseil de sécurité doivent admettre qu’il s’agit d’un crime extraordinaire. Pour cela, nous aurons besoin du soutien d’autres pays. »

Asie du Sud

The Hindu – La vente de 36 rafales de la France à l’Inde pourrait bientôt être finalisée. Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, devrait se rendre en Inde le 23 septembre prochain pour conclure l’accord de vente des avions de combat. Cela mettrait fin à 17 mois de négociations entre les deux Etats. Ces dernières étaient toujours bloquées en janvier dernier, au moment de la visite de François Hollande au Premier ministre Narendra Modi. Les deux dirigeants avaient signé un protocole d’accord sans arriver à fixer le prix de vente (voir notre revue de presse du 25 janvier). Le coût de la vente devrait finalement s’élever à 2,87 millions d’euros. Les 36 appareils doivent être livrés en 2019.
The Hindu – L’Inde tire la sonnette d’alarme : la menace nucléaire n’est pas seulement nord-coréenne, mais aussi pakistanaise ! L’imagerie satellite du groupe Airbus a dévoilé des travaux de construction dans la ville de Kahuta, au sein de la zone sécurisée du complexe Khan Research Laboratories – connu pour abriter des centifugeuses – de ce qui pourrait être une usine d’enrichissement d’uranium.

« D’une forme à peu près rectangulaire de 140 mètres sur 80, le site est entouré par de la brousse et des arbres qui assurent une mesure de sécurité supplémentaire sur le terrain », commente le rapport d’analyse d’IHS Markit, cabinet américain d’intelligence économique. Le batiment entretiendrait ainsi des ressemblances avec des centrifugeuses construites par le consortium d’enrichissement d’uranium URENCO au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en Allemagne… Et ce alors même qu’A.Q. Khan, considéré comme le père fondateur du programme nucléaire pakistanais, a justement travaillé chez URENCO avant de rentrer dans son pays et de construire des centrifugeuses sur le modèle du consortium. Affaire à suivre.

The Express Tribune – Le sursaut provoqué par le « meurtre d’honneur » de la starlette Qandeel Baloch aura été de courte durée. Alors que le gouvernement central continue de « s’assoir » sur des lois en faveur de la protection des femmes, des données alarmantes viennent d’être publiées par l’ONG Aurat Foundation. Elles révèlent qu’en 2015, dans la province du Penjab, plus d’un tiers (36%) des 724 femmes assassinées l’ont été par leurs maris (26 %), leurs frères (7 %) ou leur père (3 %). Dans le cadre des 170 crimes d’honneurs la même année, 75 ont été perpétrées par leurs frères, 36 par leurs maris et 20 par leurs pères.

Le quotidien The Express Tribune impute l’inaction du gouvernement à l’agitation politique liée aux manifestations des partis d’opposition, notamment le Pakistan Tehreek-e-Insaf, Islamabad estimant que la priorité est à l’accalmie. Pour autant, l’Assistant spécial du Premier ministre sur les questions légales et judiciaires affirme que le retard dans le vote des lois sur la protection des femmes est dû à la nécessité de bâtir un consensus entre les différentes parties prenantes.

Par Joris Zylberman, Alexandre Gandil et Cyrielle Cabot, avec Anda Djoehana Wiradikarta

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