Radars dans les Spratleys: les "grandes oreilles" de Pékin en mer de Chine
« Phares » contre « tours radars »
Xi Jinping lui-même a promis, devant son homologue américain Barack Obama, de ne pas militariser la sous-région. Mais il semblerait que les équipes du très sérieux Center for Strategic and International Studies (CSIS) aient décidé une nouvelle fois de confronter à la réalité les dires du chef de la diplomatie chinoise et de son président, par le biais de leur site internet dédié, intitulé Asia Maritime Transparency Initiative (AMTI). Ce dernier, qui chronique jour après jour l’évolution de la situation en mer de Chine du Sud, vient en effet de publier un nouveau dossier bardé d’imageries satellites inédites.
Dans ce nouveau dossier, AMTI s’intéresse spécifiquement à certaines tours construites par Pékin dans les Spratleys. Mais loin de se focaliser sur les phares comme le souhaiterait Wang Yi, le CSIS s’est plutôt penché sur d’autres types de tours, à savoir des « tours radars ». Pas uniquement des tours d’ailleurs, puisqu’il est aussi question d’un radar d’un autre type, à « haute fréquence ». Et sur la base de toutes ces photos, les équipes du think tank américain constatent une nouvelle fois que les installations construites en mer par les Chinois ne revêtent pas seulement un caractère civil, mais aussi stratégique et donc potentiellement militaire.
Comment la Chine a pris le dessus dans les Paracels et les Spratleys
Puis, à la fin des années 1980, Pékin a opéré un retour gagnant plus au Sud, dans l’archipel des Spratleys, un ensemble d’îlots et de récifs coralliens revendiqué tout ou partie par le Vietnam, les Philippines, Brunei, la Malaisie et Taïwan. Tous ces pays sont guidés, entre autres préoccupations, par la vieille théorie selon laquelle ces eaux regorgeraient d’hydrocarbures, en plus des ressources avérées dont ils profitent déjà : faune, flore, et les produits que ces dernières offrent, par exemple le guano.
Le retour chinois dans les Spratleys devait se faire dans le strict cadre onusien de l’observation marine, sur décision de la Commission océanographique intergouvernementale de l’UNESCO, un organisme favorisant la coopération pour l’étude des océans. Il s’est cependant traduit dès l’année suivante par une seconde confrontation meurtrière entre les Chinois et les Vietnamiens (réunifiés), près du récif Johnson South en 1988, lui-même situé à proximité de Fiery Cross, où Pékin avait établi sa mission d’observation.
Depuis lors, la Chine a pris le dessus et a déployé ses intérêts aux quatre coins de la mer de Chine, établissant par exemple une structure type « préfectorale » dans les Paracels (2012) et pérennisant une garnison sur l’île principale de cet archipel, Woody. Mais ces derniers temps, c’est surtout la stratégie chinoise dans les îles Spratleys qui a fait couler de l’encre.
Dans ce second archipel, où les cinq rivaux de la Chine disposent tous d’une ou plusieurs positions physiques, Pékin construit ces temps-ci des îles artificielles sur au moins sept récifs. Et ce, sans se préoccuper, pour ce qui concerne le récif de Mischief à tout le moins, des Zones économiques exclusives (ZEE) de 200 milles nautiques revendiquées par ses voisins côtiers dans le cadre de la Convention des Nations unies pour le droit de la mer (CNUDM).
Trois îles chinoises, dont celle construite sur Mischief près des côtes philippines, pourraient abriter de futures pistes d’atterrissage et font craindre le risque de voir s’instaurer une Zone d’identification de la défense aérienne chinoise (ZIDA). Or, les Philippines, le Vietnam, Taïwan et la Malaisie disposent eux aussi d’une piste chacun sur des îlots remblayés, ce qui tend à exacerber encore davantage la course aux îles, récifs et à leurs infrastructures dans la région.
« Iles artificielles »
Héliports, bunkers et radars
Batteries de défense aérienne HQ-9
Autrement dit, cela parachèverait le système chinois de surveillance de la partie sud de la mer de Chine méridionale. Mais dans quelle mesure ? « Cela dépend du type de radars positionnés sur place », précise le think tank. Pour rappel, au-delà des mers de Chine, les intérêts maritimes de Pékin s’étendent de nos jours jusqu’à l’Afrique et le Moyen-Orient, où la République populaire puise une partie des ressources en énergie qu’elle consomme. Le détroit de Malacca, qui relie la mer de Chine méridionale à l’océan Indien, est précisément situé sur la voie maritime dite du « collier de perles », qui permet aux Chinois de naviguer jusqu’à Port-Soudan pour s’approvisionner en hydrocarbures.
« Le déploiement de missiles sol-air HQ-9 sur l’île Woody dans les Paracels, bien que notable, n’altère pas l’équilibre militaire en mer de Chine méridionale. Les nouvelles installations radars qui sont actuellement développées dans les Spratleys, en revanche, pourraient significativement changer la réalité opérationnelle de cette mer », analyse encore le CSIS, selon lequel les dernières constructions observées constituent ainsi « une autre pièce du puzzle ».
Si l’on ajoute la découverte de ces radars à l’ensemble des informations rendues publiques jusqu’ici concernant des installations chinoises en mer de Chine méridionale, notamment la construction de pistes d’atterrissage dans les Spratleys, alors l’ambition chinoise se dessine clairement, selon le CSIS, qui parle d’une « stratégie d’interdiction d’accès à long terme menée par la Chine, à même de lui permettre d’établir un contrôle effectif sur la mer et dans les airs à travers la mer de Chine du Sud ».
Hawaii chinois ?
« Le déploiement par la Chine d’installations de défense limitées et nécessaires sur son territoire est l’exercice de son droit à l’autodéfense, garanti à tout Etat souverain par le droit international », a fait valoir Mme Hua. « Il n’y a aucune différence entre le déploiement par la Chine des équipements nécessaires à sa défense nationale sur son propre sol et les installations de défense des Etats-Unis à Hawaii »considère-t-elle.
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