L’Editorial d’Asialyst

L’Edito : L’Asie, du choc des attentats à la COP21

L’enjeu terroriste s’est invité à la table du 27e sommet de l’ASEAN, le 21 novembre 2015. (Copyright : FRED DUFOUR / AFP)
Parler, écrire ou se taire.
Dix jours après le choc de la terreur à Paris, les témoignages venus d’Asie continuent de nous parvenir. Notre communauté de correspondants journalistes, chroniqueurs ou experts, s’est mobilisée. Nous continuons de publier leurs textes avec aujourd’hui les perceptions du Vietnam et de Taïwan, qui reflètent des incompréhensions similaires sur la sécurité à Paris.
D’autres contributeurs nous ont envoyé des mots plus courts, plus bruts, que nous restituons ici. Spécialiste de l’Indonésie, Sarah Margono Samsudin transmet le témoignage à vif de son ami Nadège Lanau, fondatrice d’un gite écologique à l’ouest de Sumatra. Elle raconte ses deux clientes parisiennes effondrées de sanglots en apprenant la tragédie du 13 novembre : « Elles connaissaient les membres du staff qui sont morts à la « Belle Equipe » rue de Charonne, confie Nadège. Leurs potes qui travaillent dans le bar d’à côté a perdu ses deux sœurs qui étaient en terrasse et une de leurs amies a perdu 6 potes… » Touchés par la tristesse des jeunes Françaises, les Indonésiens de l’équipe du gite ont gardé un silence recueilli. D’autres ont répété, indignés : « Ces gens ne sont pas des musulmans, ce sont des fous ! »
A Séoul, Stéphane Mot s’est justement interrogé sur le devenir des musulmans de Corée du Sud. « Les autorités, nous écrit-il, seraient bien inspirées de penser à cette communauté en forte croissance ces dernières années et essentiellement étrangère. Le grand public [en Corée] ne connaît pas grand-chose de l’Islam, et une pédagogie s’impose pour éviter tout amalgame avec les islamistes. »
A New Delhi, Michel Testard a préféré laisser parler la musique, et pas n’importe laquelle : celle du soufisme, ce courant modéré de l’islam, dont l’Occident rêve qu’il modernise un jour la religion de Mahomet. Le samedi 14 novembre, lendemain des attentats, un concert gratuit de chant soufi était donné dans la capitale indienne pour le 125ème anniversaire de la naissance de Nehru. « A travers les émouvantes mélopées a capella suivies de refrains endiablés au rythme de l’harmonium et des tablas, raconte Michel, c’était pour moi cette nuit-là comme une prière pour tous, pour Paris, pour l’Inde et pour le monde. »
Les mots, les larmes, la musique qui apaise, et puis le silence. A Pékin, Alessandro Rolandi a voulu interroger les artistes et intellectuels de son entourage : « Des amis très engagés dans le social me disent vouloir rester dans le studio à dessiner des fleurs, dormir avec leur chat ou boire et fumer avec les proches. En général, le dégout et la méfiance grandissent envers tous les pouvoirs ; autant que la désillusion à l’égard d’un monde qui semble dominé par l’alternance entre la violence de la société de consommation et celle de la terreur. C’est aussi le modèle de résistance des lettrés en Orient. »
Dix jours après les attentats, l’inquiétude d’une expansion asiatique du groupe Etat Islamique est devenue une obsession. Daech semble bien décidé à “sortir du bois” en Asie du Sud. Ses déclarations ce lundi sur un appui logistique “régional” de l’organisation terroriste au Bangladesh le montrent encore (voir notre revue de presse du jour). Mais l’ombre du terrorisme ne doit pas occulter un autre événement où l’Asie rencontre le monde. La COP21 commence à Paris dans une semaine, lundi 30 novembre. Paradoxalement, le sommet de l’ONU sur le climat pourrait être une occasion politique chargée de symbole : il est possible – et souhaitable – que tous les Etats participants affichent l’unité de la communauté internationale dans ces temps aussi périlleux, autour d’une cause positive comme le sauvetage de notre planète.
Néanmoins, au-delà du symbolique, il est permis de se demander sur quoi va déboucher concrètement la COP21. Un accord légalement contraignant sur le climat ? Peu probable si l’on en croit les dernières déclarations de John Kerry, qui ne veut pas en entendre parler. Mais les dés sont-ils déjà pipés ? Face aux Américains, quelle sera l’attitude des pays d’Asie, Chine et Inde en tête ? Que vont-ils promettre pour lutter contre le réchauffement ? Comment s’engageront-ils pour réduire leurs émissions de gaz à effets de serre ? Nous avons voulu approfondir, nuancer les grandes disparités régionales à travers un dossier en cartes et en infographies. Et l’évidence nous a sauté aux yeux : l’Asie ne saurait négliger une menace climatique toujours plus aiguë. Au moins autant que la menace terroriste.
Joris Zylberman

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A propos de l'auteur
Joris Zylberman est directeur de la publication et rédacteur en chef d'Asialyst. Il est aussi chef adjoint du service international de RFI. Ancien correspondant à Pékin et Shanghai pour RFI et France 24 (2005-2013), il est co-auteur des Nouveaux Communistes chinois (avec Mathieu Duchâtel, Armand Colin, 2012) et co-réalisateur du documentaire “La Chine et nous : 50 ans de passion” (avec Olivier Horn, France 3, 2013).
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