Corée du Sud : "1987" de Jang Joon-hwan, le devoir de mémoire contre le recul de la démocratie
Entretien
Né en 1970 à Jeonju, Jang Joon-hwan commence par étudier la littérature anglaise à l’université Sungkyunkwan de Suwon. Il rejoint ensuite la prestigieuse Korean Academy of Film Arts où il côtoie notamment un certain Bong Joon-ho, fut auteur de Memories of Murder ou Okja. Après quelques courts métrages, Jang débute sa carrière comme assistant sur le tournage de Motel Cactus, une comédie de Park Ki-yong, puis en tant que scénariste sur le thriller remarqué Phantom: The Submarine de Min Byung-cheon. En 2003, à 33 ans, il réalise enfin son premier long métrage : Save the Green Planet. Ce film hybride louvoyant entre thriller et série B sera un échec commercial malgré un succès d’estime dans divers festivals. Dix ans et un mariage avec l’actrice et réalisatrice Moon Sori plus tard, il revient à la réalisation et tourne Monster Boy: Hwayi, un thriller qui trouve cette fois son public. Mais ce n’est véritablement qu’avec 1987 : When the day comes que Jang Joon-hwan s’affiche en haut du box office, réunissant plus de sept millions de spectateurs sud-coréens à l’hiver 2017-2018.
Comment la Corée du Sud s'est démocratisée
Le 26 octobre 1979, le général Park Chung-hee à la tête de la Corée du Sud depuis dix-sept ans est assassiné après une fin de règne de plus en plus répressive. Le 12 décembre de la même année, le général Chun Doo-hwan renverse le faible gouvernement civil mis en place à la mort de Park, et instaure de nouveau la dictature militaire. A la proclamation de l’état d’urgence et à la censure des médias répondent les manifestations et grèves spontanées dans tous le pays. Le 17 mai 1980, Chun Doo-hwan décrète la loi martiale, la troupe bat la campagne, les opposants sont arrêtés et les universités bouillonnantes sont fermées. Le même jour face à la nouvelle, la ville de Gwangju s’embrase. Des dizaines de milliers d’étudiants et de citoyens défilent contre la dictature et prennent le contrôle de la ville jusqu’à ce que l’armée l’encercle et réprime le mouvement dans le sang. Certaines estimations parlent de deux milles morts tandis que l’État étouffe l’affaire.
Sous le septennat de Chun Doo-hwan, l’économie sud-coréenne se développe avec succès mais les inégalités se renforcent, et à la contestation politique s’ajoute la contestation sociale. Dans les universités, une cassette vidéo tourne sous le manteau, celle du reportage effectué par le journaliste allemand Jürgen Hinzpeter lors des massacres de Gwangju, alimentant la conscience politique de toute une génération. En 1985, le régime remporte les élections législatives en empêchant les principales figures de l’opposition de se présenter tandis que les rumeurs de corruption et de collusions avec les grands patrons ne cessent d’augmenter. En 1987, année d’élection présidentielle, Chun Doo-hwan revient sur sa promesse de scrutin au suffrage direct au profit d’une élection indirecte bien plus favorable à son successeur désigné, son bras droit, le général Roh Tae-woo. Dans le même temps, l’opinion publique apprend la mort sous la torture policière de l’étudiant Park Jong-chul. Quelques jours plus tard, un autre étudiant décède : Lee Han-yeol, tué par une grenade lacrymogène lors de manifestations contre le pouvoir. Ce double martyre soulève définitivement la population qui se rallie en masse aux étudiants et oblige le gouvernement à consentir à des élections présidentielles au suffrage direct en décembre 1987.
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