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Expert - Politique chinoise

Chine : les chaises musicales de Xi Jinping, tout change et rien ne change

Le président chinois Xi Jinping salue l'ancien Premier ministre Zhu Rongji lors de la clôture du 19ème Congrès du Parti communiste chinois dans le Grand Hall du Peuple à Pékin, le 24 octobre 2017. Le secrétaire général du Parti a obtenu sans surprise un nouveau mandat de 5 ans et l'inscription de sa "pensée" avec son nom dans la Charte du Parti, faisant de lui l'égal de Mao et deng au panthéon communiste chinois. (Crédits : AFP PHOTO / GREG BAKER)
Le président chinois Xi Jinping salue l'ancien Premier ministre Zhu Rongji lors de la clôture du 19ème Congrès du Parti communiste chinois dans le Grand Hall du Peuple à Pékin, le 24 octobre 2017. Le secrétaire général du Parti a obtenu sans surprise un nouveau mandat de 5 ans et l'inscription de sa "pensée" avec son nom dans la Charte du Parti, faisant de lui l'égal de Mao et deng au panthéon communiste chinois. (Crédits : AFP PHOTO / GREG BAKER)
Rien d’étonnant à cela, les Congrès du Parti communiste chinois sont le théâtre de multiples rondes de promotions pour certaines tranches de cadres. Cela va des promotions en province pour les responsables de rang vice-provincial aux secondes voire aux troisièmes rotations pour les chefs provinciaux déjà en place. Le 19ème Congrès n’a pas fait exception, surtout sur la côte est de la Chine. Déjà près d’une dizaine de nouvelles têtes ont été nommées, toutes des alliées du président Xi Jinping.

Maintenant qu’il est membre du comité permanent du Politburo, Han Zheng a dû comme prévu céder son siège de chef du Parti à Shanghai. Et comme prévu, c’est un allié de Xi qui a pris sa place : Li Qiang, l’un de ses « soldats » du Zhejiang, qui était venu déjà en 2016 mettre fin au règne de hommes de Jiang Zemin dans le Jiangsu en remplaçant Luo Zhijun (罗志军, né en 1951). Catapulté du Zhejiang au Jiangsu, Li Qiang a également pu, grâce à son poste de secrétaire du Parti sur la côte est, entrer au Politburo sans toutefois être déjà membre du Comité Central. Maintenant à la tête de Shanghai, Li Qiang vient boucler la boucle et assoit une fois pour toutes l’autorité de Xi Jinping sur la municipalité spéciale.
C’est Lou Qinjian, ancien secrétaire du Parti du Shaanxi en 2016, qui est venu assumer les fonctions de Li Qiang au Jiangsu, laissant ainsi les commandes de la province de Xi Jinping entre les mains de Hu Heping (胡和平, né en 1962), nouveau gouverneur et secrétaire. Hu Heping est à la fois membre de « l’armée du Zhejiang » de Xi et de sa « nouvelle clique de Qinghua » (新清华系). Celle-ci qui comprend notamment le maire de Pékin Chen Jining (陈吉宁, né en 1964) et l’actuel directeur du département de l’Organisation Chen Xi (陈希, né en 1953) pour ne nommer qu’eux.
Autre valse des cadres dans le Fujian, toujours sur la côte est chinoise. You Quan n’est plus secrétaire provincial puisqu’il occupe à présent les fonctions de Sun Chunlan à la tête du département du Front Uni. Son remplaçant est Yu Weiguo (于伟国, né en 1955), un « vieux » du Fujian, dont il a été le gouverneur. You Quan n’en demeure pas moins un individu intrigant : d’aucuns le considérent comme un allié de Xi Jinping, ce qui n’est peut-être pas faux. Mais en scrutant bien son parcours, on s’aperçoit de ses affinités avec les trois anciens Premiers ministres Zhu Rongji, Wen Jiabao et Li Keqiang. Fils de You Taizhong (尤太忠, 1918-1998), un ancien général 4 étoiles de l’Armée populaire de libération, ce prince rouge paraît pencher davantage du côté de l’actuel chef du gouvernement Li Keqiang.
Ex-dauphin putatif du président Xi Jinping qui n’a finalement pas nommé de successeur, Hu Chunhua a gardé son siège au Politburo. Il suivra peut-être les traces de Wang Yang et de Zhang Dejiang, en étant nommé vice-premier ministre. Mais il pourrait tout aussi bien être « placardisé » : certains suggèrent pour lui la fonction quasi-honorifique de responsable adjoint du Groupe de coordination centrale sur les Affaires de Hong Kong et Macao. Jusqu’au 28 octobre dernier, Hu Chunhua était le patron du Parti dans le Guangdong : il a été remplacé par Li Xi (李希), jusque-là secrétaire provincial du Liaoning. Li Xi a lui même échangé son siège avec un autre homme de Xi Jinping : Chen Qiufa (陈求发, 1954). A l’instar du gouverneur du Guangdong Ma Xingrui (马兴瑞, 1959) et du gouverneur du Hunan Xu Dazhe (许达哲, 1956), Chen Qiufa est un homme du « système de l’aérospatiale » (航天系统). Il sera appuyé par Tang Yijun (唐一军, 1961), membre de « l’armée du Zhejiang ». Enfin, à la tête du Parti dans le Hebei, Wang Dongfeng (王东峰, 1958) est venu remplacer Zhao Kezhi, à présent ministre de la Sécurité publique. Wang, un « vieux du Shaanxi », est encore un allié de Xi Jinping.
Le Congrès maintenant derrière lui, le président chinois resserre son emprise sur la scène provinciale : à quelques détails près désormais, elle lui appartient. Ce faisant, Xi pourra également réduire la cadence du roulement de personnel qui dure depuis 2015. C’est qu’il doit se concentrer sur le prochain conseil d’État durant lequel il faudra redessiner la liste des ministres pour la période 2018-2023.

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A propos de l'auteur
Alex Payette (Phd) est co-fondateur et Pdg du Groupe Cercius, une société de conseil en intelligence stratégique et géopolitique. Ancien stagiaire post-doctoral pour le Conseil Canadien de recherches en Sciences humaines (CRSH). Il est titulaire d’un doctorat en politique comparée de l’université d’Ottawa (2015). Ses recherches se concentrent sur les stratégies de résilience du Parti-État chinois. Plus particulièrement, ses plus récents travaux portent sur l’évolution des processus institutionnels ainsi que sur la sélection et la formation des élites en Chine contemporaine. Ces derniers sont notamment parus dans le Journal Canadien de Science Politique (2013), l’International Journal of Chinese Studies (2015/2016), le Journal of Contemporary Eastern Asia (2016), East Asia : An International Quarterly (2017), Issues and Studies (2011) ainsi que Monde Chinois/Nouvelle Asie (2013/2015). Il a également publié une note de recherche faisant le point sur le « who’s who » des candidats potentiels pour le Politburo en 2017 pour l’IRIS – rubrique Asia Focus #3.