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Chine-Amérique : semi-conducteurs contre terres rares, au cœur de la guerre technologique

(Source : GIZMOCHINA)
(Source : GIZMOCHINA)
Les États-Unis et la Chine se livrent une guerre acharnée dans le domaine clé des hautes technologies. En particulier les semi-conducteurs, au cœur de la nouvelle révolution industrielle. L’issue de ce bras-de-fer reste incertain. Il met néanmoins en lumière la volonté américaine de freiner à tout prix l’ascension chinoise qui semblait, jusqu’à il y a peu, irrésistible.
Si la question de Taïwan domine les tensions sino-américaines, c’est aussi parce que le plus grand fabricant de semi-conducteurs du monde est taïwanais. Le géant TSMC (Taiwan Semiconductor Manufacuturing Company) représente, à lui tout seul, 58 % des ventes mondiales de ces puces électroniques. Une proportion qui dépasse 90 % pour ceux de dernière génération. Les semi-conducteurs ont une valeur stratégique cruciale car ils sont présents partout. L’intelligence artificielle (IA), la 5G, les véhicules, les smartphones, les ordinateurs, les serveurs, les hôpitaux, les applications militaires, les objets connectés ou plus simplement l’internet, le numérique en général… Autant d’objets et d’industries qui définissent la troisième révolution industrielle qui se poursuit depuis la fin du XXème siècle et qui continuera de façonner les prochaines décennies.
Consciente de l’enjeu géostratégique des semi-conducteurs, l’administration américaine redouble d’efforts ces dernières années pour obtenir des alliés des États-Unis qu’ils appliquent un embargo sur les livraisons de ces puces les plus avancées à la Chine. Ceci avec succès.
Le Japon et la Corée du Sud, en pointe dans la production de ces puces, de même que la plupart des pays de l’Union européenne, lui ont emboîté le pas. Dernier épisode en date : le groupe néerlandais ASML, leader mondial de la fabrication des machines de photolithographie nécessaires pour graver les semi-conducteurs les plus performants, a annoncé qu’il ne pourrait plus exporter ces précieux outils vers la Chine, les Pays-Bas ayant officiellement décidé le 30 juin de s’aligner sur les États-Unis.

« Droit de la Chine à se développer »

Cette annonce néerlandaise a aussitôt suscité la colère des autorités chinoises. Selon la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Mao Ning, cette mesure constitue « une menace » contre le « droit de la Chine à se développer ». En creux, Pékin reconnaît ainsi la difficulté pour la Chine de rattraper l’avance technologique accumulée par la firme néerlandaise. Pour Dexter Roberts, un analyste du think tank américain Atlantic Council cité par la BBC, la décision des Pays-Bas représente « un réel pas en avant, une vraie victoire pour les États-Unis et également une très mauvaise nouvelle pour la Chine ».
Mais Pékin ne s’est pas arrêté là. La Chine possède en effet une arme de rétorsion redoutable : les terres rares, qui entrent dans la fabrication de ces puces électroniques sophistiquées et sont d’un usage précieux dans le secteur de la défense, mais aussi de la téléphonie 5G, des panneaux photovoltaïques et des circuits intégrés. À Pékin, le ministère du Commerce et l’administration des douanes chinoises ont annoncé le 3 juillet que les exportations de gallium et de germanium seraient soumises à visa d’exportation à compter du 1er août « pour préserver la sécurité et les intérêts nationaux ». Le lendemain, Pékin faisait savoir que ces mesures ne constituaient « que le début » des possibles rétorsions chinoises.
« La Chine a exprimé à plusieurs reprises son mécontentement sur la décision néerlandaise, a souligné le Global Times. Alors que les États-Unis et leurs alliés continuent d’amplifier leur guerre sur les semi-conducteurs et leurs mesures de répression sur la technologie, il est normal et même crucial pour la Chine de prendre des mesures pro-actives pour protéger son développement technologique ainsi que sa sécurité et ses intérêts nationaux. »
« Les États-Unis voient la Chine comme la principale menace à moyen et long terme, et la Chine voit également les États-Unis comme la principale menace contre le système chinois », estime Wang Jisi, président de l’Institut des études internationales et stratégiques de l’université de Pékin. Les restrictions aux exportations de terres rares chinoises ne sont qu’un avant-goût des tensions à venir. Le gallium est un métal que l’on trouve dans les circuits intégrés, les panneaux photovoltaïques – un métal très recherché pour rendre les puces plus résistantes, notamment dans le spatial. Le germanium est lui indispensable pour les fibres optiques et l’infrarouge. On trouve du gallium brut au Japon, en Corée du Sud, en Russie. Quant à l’approvisionnement en germanium, il n’existe que trop peu d’alternatives selon les analystes. Les États-Unis, riches en réserves, doivent accélérer la construction d’usines de transformation.
À compter du mois d’août, les exportateurs chinois devront demander des licences auprès du ministère du Commerce s’ils veulent commencer ou continuer d’expédier à l’extérieur du pays. Ils devront également déclarer les détails des acheteurs à l’étranger et de leurs demandes. Ces restrictions sont la suite logique de la stratégie de Pékin qui cherche à renforcer son autonomie dans la conception de semi-conducteurs. « Le raffinage de ces métaux rares est la clé de la domination chinoise », titrait la semaine dernière un rapport de Global Sovereign Advisory, une société de conseil aux États et aux entités publiques fondée en 2019.
La menace sur les terres rares peut, en première analyse, représenter un enjeu faible. Les exportations chinoises de germanium et de gallium brut et raffiné ont atteint respectivement 36 millions de dollars (33 millions d’euros) et 54 millions de dollars en 2022, selon le Wall Street Journal. L’impact pourrait cependant être important car même si les marchés de ces métaux restent relativement modestes, ils sont stratégiques. Pas moins de 80 % des minerais raffinés proviennent de Chine, selon un rapport de la Commission européenne publié il y a trois ans. Ces métaux rares servent à fabriquer les puces électroniques abondamment utilisées dans le secteur de la défense, dont le marché représentait environ 4 milliards de dollars en 2022 et pourrait atteindre 23 milliards de dollars en 2030, toujours selon le Wall Street Journal.
« C’est un avertissement, pas un coup mortel, souligne le cabinet américain Eurasia. Les exportateurs chinois doivent obtenir une autorisation [et] rien n’indique que des exportations seront systématiquement interdites vers certains pays ou certains utilisateurs finaux. » Sur la période 2018-2021, les Américains importaient 100 % de leur gallium, même si la part de la Chine dans le gallium métal était tombée à 53 %, selon le rapport de janvier de l’Institut d’études géologiques des États-Unis.

« Dommages gigantesques »

Cette guerre des semi-conducteurs qui fait rage entre Washington et Pékin ne fait pas que des heureux dans l’industrie aux États-Unis, loin de là. Elle fait risquer « des dommages gigantesques » aux entreprises américaines, se plaignait récemment Jensen Huang, le président du groupe américain NVidia, le plus grand groupe au monde dans ce domaine en matière de capitalisation boursière, cité par le Financial Times. Les restrictions de Washington aux exportations de ces puces vers la Chine ont laissé les entreprises de la Silicon Valley « les mains liées dans le dos ». Elles risquent d’avoir pour autre conséquence l’accélération en Chine des efforts pour s’affranchir de la technologie occidentale dans ce domaine et de devenir ainsi un jour un concurrent direct. « Si [les Chinois] ne peuvent plus acheter aux États-Unis, ils vont les fabriquer eux-mêmes, avertit Jensen Huang. Ainsi les États-Unis devraient être prudents. La Chine représente un marché très important pour les industries des hautes technologies. »
Les experts de ce secteur estiment toutefois que la Chine va devoir consacrer d’énormes efforts en investissements et en recherches pour rattraper son retard dans ce domaine, qu’ils estiment généralement être de l’ordre de quinze ans.
ASML, de même que le Sud-Coréen Samsung, principal rival de TSMC pour les semi-conducteurs, ont fait état ces derniers mois de plusieurs tentatives d’espionnage ou d’infiltrations dans leurs réseaux d’origine chinoise. Pékin a démenti. TSMC, Samsung et NVidia gravent actuellement à 5 nanomètres. Mais le géant taïwanais s’est engagé dans un programme de délocalisation aux États-Unis, au Japon et en Allemagne pour renforcer ses capacités de production et miniaturiser davantage encore ses puces, qui seront bientôt gravées à 2 nanomètres.
La Chine reproche à l’administration Biden de ne pas avoir retiré les sanctions commerciales prises à son encontre par l’administration Trump et d’avoir ajouté une guerre technologique à une guerre commerciale. « Les sanctions douanières dépassent encore 300 milliards de dollars, et plus de 1 300 entreprises chinoises sont sur la liste des sanctions édictées par les États-Unis. C’est cela notre principale préoccupation », a souligné Wu Xinbo, professeur de relations internationales à l’université Fudan à Shanghai, au cours du World Peace Forum, une conférence internationale organisée chaque été par l’université Tsinghua à Pékin.

Interdictions américaines en chaîne

Les terres rares sont la colonne vertébrale de la très vertueuse « transition écologique » et de certaines industries high-tech, y compris pour la Défense. Elles sont au cœur des aimants à haute performance que l’on retrouve bien sûr dans les voitures électriques, les éoliennes, dans les télécommunications et dans la Défense – on retrouve 145 kg de terres rares dans un chasseur furtif américain F-35.
Fruit de la fusion entre ASM International et Philips en 1984, ASML s’est imposé ces dernières années comme un leader incontesté des machines de gravures de semi-conducteurs. Les experts estiment que la firme a « des années » d’avance technologique sur ses principaux rivaux comme Canon, Nikon et Lam Research, et Applied Materials.
C’est d’ailleurs chez ASML que le fondeur TSMC – qui sous-traite la fabrication de puces pour des grands noms tels que Apple, NVidia et Intel – a acheté les machines de gravure pour graver des puces en 3 nanomètres. Cette décision néerlandaise est le fruit d’intenses pressions diplomatiques exercées par les États-Unis sur ses alliés qui ont commencé avec l’administration de Donald Trump. Sitôt arrivé à la Maison Blanche, en janvier 2022, Joe Biden a renforcé encore ces pressions, estimant que les semi-conducteurs constituent le cœur des gigantesques mutations industrielles en cours et qu’ils ont en outre de nombreuses applications militaires.
La guerre brutale que livre la Russie à l’Ukraine depuis le 20 février 2022 a renforcé encore la détermination américaine et ses succès dans cette entreprises, de nombreux pays occidentaux craignant que la Chine ne fournisse des armes à la Russie pour reprendre l’avantage sur le terrain ukrainien. Les tensions sino-américains dans le domaine des nouvelles technologies ont connu plusieurs rebondissement ces derniers mois. En octobre dernier, les États-Unis ont imposé des restrictions à l’exportation d’outils de fabrication de puces américains vers la Chine par des entreprises américaines telles que Lam Research et Applied Materials.
Washington avait alors justifié ces restrictions par la nécessité de protéger des technologies nationales stratégiques qui pourraient être copiées et de freiner le développement chinois, en particulier dans le champ des armes de haute technologie, comme les missiles supersoniques. Les États-Unis pouvaient déjà compter sur le Japon qui a adopté des règles visant à restreindre les exportations de 23 types d’équipements de fabrication de semi-conducteurs, qui entreront en vigueur le 23 juillet prochain. Le Japon abrite en effet d’autres poids lourds de la haute technologie, comme Nikon et Tokyo Electron.
En décembre 2022, Washington a ajouté le fabricant chinois de mémoires électroniques YMTC de même que des dizaines d’autres entreprises chinoises sur la liste noire. Les États-Unis vont cependant plus loin encore : ils sont en train de valider une réglementation qui permettra d’interdire d’accès à six installations chinoises bien identifiées à des machines d’un pays tiers qui comprendraient au moins quelques parcelles de technologie américaine. Or c’est le cas de modèles plus anciens d’ASML, comme le TWINSCAN NXT:1980Di.

Émissaires américains à Pékin

Ces derniers événements n’ont pourtant pas empêché la visite la semaine dernière à Pékin de la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen. Avant de retourner à Washington, elle a signalé des « progrès » dans les relations entre les deux superpuissances mondiales. « Je pense que mes entretiens bilatéraux qui ont totalisé 10 heures en deux jours ont représenté un pas en avant dans nos efforts pour placer les relations Chine-États-Unis sur une base plus sûre. »
Dans le sillage de la visite à Pékin il y a deux semaines du secrétaire d’État Antony Blinken, la responsable américaine s’est voulue, comme lui, désireuse de rétablir plus de calme dans les relations volcaniques sino-américaines qui sont actuellement au plus bas depuis 1979, date de l’établissement de relations diplomatiques entre Washington et Pékin. « Le président Biden et moi, nous ne voyons pas les relations entre les États-Unis et la Chine comme installées dans le cadre d’un conflit entre grandes puissances. Nous pensons que le monde est assez vaste pour que les deux pays prospèrent », a assuré Janet Yellen, tout en accusant la Chine de pratiques commerciales déloyales contre les entreprises américaines.
Manifestement, le régime chinois a fait preuve, lui aussi, d’une certaine bonne volonté qui illustre son souhait partagé d’améliorer l’atmosphère entre Pékin et Washington. Plusieurs responsables de premier plan ont rencontré en tête-à-tête Janet Yellen, dont le Premier ministre Li Qiang, le vire-premier ministre He Lifeng, le ministre des Finances Liu Kun et le probable futur gouverneur de la Banque Populaire de Chine Pan Gongsheng.
Si Pékin en a profité pour réaffirmer ses critiques contre les sanctions commerciales américaines adoptée par l’ancien président Donald Trump et maintenues par son successeur, un porte-parole du ministère des Finances a néanmoins déclaré le 10 juillet que les deux pays étaient tombés d’accord pour « poursuivre les échanges de haut niveau et la communication à tous les niveaux ».
Wang Yi et Anthony Blinken se sont revus ce jeudi 13 juillet à Jakarta en marge d’un sommet de l’ASEAN pour 90 minutes d’entretien qualifié côté américain de « franc et fructueux ». Le chef de la diplomatie américaine a saisi cette occasion pour déplorer le fait que les services d’espionnage chinois aient réussi à s’introduire dans les boîtes mail de responsables de l’administration américaine, une information des médias américains qu’il a ainsi confirmée.
La reprise du dialogue sino-américain doit se poursuit se dimanche 16 juillet avec la visite en Chine du représentant de Joe Biden pour le climat John Kerry. Avec ces visites qui se succèdent, Pékin montre clairement sa volonté de renouer le dialogue avec les États-Unis à l’heure où son allié russe accumule les revers en Ukraine ainsi que sur la scène internationale et où l’économie chinoise donne des signes inquiétants d’entrée dans une période dangereuse de stagflation.

Un bureau de l’OTAN à Tokyo ?

Mais Pékin a tout lieu de s’inquiéter de la tonalité nettement critique à son égard prise par le sommet de l’OTAN le 11 et le 12 juillet à Vilnius. Pour la seconde fois, quatre pays d’Asie-Pacifique étaient présents : le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
À l’issue de discussions menées à Vilnius avec les Premiers ministres japonais Fumio Kishida, australien Anthony Albanese et néo-zélandais Chris Hipkins de même que le président sud-coréen Yoon Suk-yeol en présence de la président de la Commission européenne Ursula von der Leyen et du président du Conseil européen Charles Michel, l’Otan a déclaré dans un communiqué que la République populaire de Chine « affiche des ambitions et mène des politiques coercitives qui sont contraires à nos intérêts, à notre sécurité et à nos valeurs ».
La Chine « recourt à une large panoplie d’outils politiques, économiques et militaires pour renforcer sa présence dans le monde et projeter sa puissance. Parallèlement, elle entretient le flou quant à sa stratégie, à ses intentions et au renforcement de son dispositif militaire, ont déclaré les dirigeants de l’Otan dans le communiqué. Ses opérations hybrides ou cyber-malveillantes, sa rhétorique hostile et ses activités de désinformation prennent les alliés pour cible et portent atteinte à la sécurité de l’alliance. » Ce ton est nettement plus musclé que lors du dernier sommet de Madrid en 2022 lorsque les 31 pays membres s’étaient contentés de pointer le « défi chinois ».
Néanmoins, une fois de plus, la France a semblé faire cavalier seul sur la Chine. Emmanuel Macron a mis son veto à l’ouverture d’un bureau de l’OTAN à Tokyo, un projet discuté depuis plusieurs mois au sein de l’Alliance atlantique mais dont la mention a été retirée du communiqué final du sommet de Vilnius. Le président français avait, il y a quelques semaines, exprimé son opposition à l’ouverture d’un tel bureau, selon le Financial Times, évoquant l’opposition de la Chine à un tel projet. « Nous n’y sommes pas favorables par principe » puisque Tokyo se trouve en dehors de la zone géographique couverte par l’OTAN, a déclaré le 12 juillet un responsable de l’Élysée au média américain Politico. « Les autorités japonaises elles-mêmes nous ont dit qu’elles n’y sont pas extrêmement attachées. »
Mais, également interrogé par Politico, un responsable japonais non identifié a déclaré que l’interprétation française était « erronée », précisant que le gouvernement nippon se montrait « très coopératif » avec l’OTAN. Le gouvernement Kishida a « toujours rappelé aux dirigeants européens que l’Indo-Pacifique et [la zone] euro-atlantique sont des sphères interdépendantes ».
Un responsable de l’OTAN cité par le site américain, lui aussi non identifié, a jugé la position française « hypocrite » puisque l’OTAN a déjà déployé une telle antenne en Asie centrale et qu’aucun membre de l’Organisation n’y avait trouvé à redire bien qu’elle soit située en dehors de la zone géographique naturelle de l’Alliance. Récemment, l’ancien secrétaire général de l’OTAN Anders Fogh Rasmussen s’était rendu à Taïwan et avait ensuite incité les Occidentaux à déclarer publiquement qu’ils ne permettraient pas l’usage de la force contre l’ancienne Formose.
« L’OTAN a été créée pour faire obstacle aux chars et aux missiles en Europe. À présent, elle sert aussi d’instrument de dissuasion face aux ambitions mondiales de la Chine, écrivait le 8 juillet le Wall Street Journal. Certains États membres s’inquiètent d’une dérive, tandis que Pékin accuse l’OTAN de chercher l’affrontement. » Le journal américain rappelle que l’Alliance atlantique cherche manifestement à « nouer des liens plus étroits avec les pays partageant ses inquiétudes au sujet de la Chine ». Dans ce cadre, une douzaine de responsables militaires de l’OTAN se sont discrètement rendus à Taïwan pour y évoquer ces menaces avec des responsables de l’île.
En avril dernier, au terme d’une visite d’État controversée en Chine, Emmanuel Macron avait suscité une certaine émotion au sein de l’Union européenne ainsi qu’ailleurs en évoquant la nécessité pour l’Europe, selon lui, d’éviter une « vassalisation » vis-à-vis des États-Unis et en estimant que les Européens n’étaient pas concernés par les tensions dans le détroit de Taïwan. Paris avait ensuite dû rectifier le tir et déclaré que la position de la France demeurait inchangée sur le fait que tous les protagonistes devaient respecter le statu quo et la stabilité dans cette zone de fracture où plane la menace d’une guerre chaude entre la Chine et les États-Unis.
Le différend sur un bureau otanien de Tokyo n’a pas empêché l’Union Européenne et le Japon de décider le lancement en commun d’un nouveau programme sur la sécurité. Il prévoit des visites régulières au plus haut niveau ainsi qu’une coopération dans les domaines de la mer, de l’espace et de la cybercriminalité avec en arrière-plan des inquiétudes partagées sur la militarisation en cours dans la région menée par la Chine, rapporte le magazine Nikkei Asia. Cet accord sera officiellement conclu à l’occasion d’une visite à Bruxelles du Premier ministre japonais. Fumio Kishida sera reçu par Ursula van der Leyen et Charles Michel le 20 juillet prochain.
De son côté, le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg n’a pas manqué de décocher quelques flèches en direction de Pékin le 11 juillet lors d’une conférence de presse : « La Chine défie de plus en plus l’ordre international en refusant de condamner la guerre de la Russie contre l’Ukraine, menaçant Taïwan et conduisant une militarisation substantielle. » Le renforcement de l’arsenal nucléaire de la Chine est « sans précédent par sa vitesse et son étendue tout en étant menée sans transparence. Les alliés sont tombés d’accord pour continuer de travailler ensemble dans le but de se protéger contre l’attitude coercitive de la Chine. »
Sur ce chapitre, le Financial Times rappelle néanmoins que la Chine a plusieurs fois mis en garde la Russie contre l’utilisation d’armes nucléaires en Ukraine. Le maître de la Chine Xi Jinping aurait lui-même formulé ces mises en garde lors d’entretiens privés avec Vladimir Poutine lors de sa visite officielle en Russie en mars dernier, selon le quotidien qui cite des responsables anonymes en Chine et à l’extérieur du pays.
Par Pierre-Antoine Donnet

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A propos de l'auteur
Ancien journaliste à l'AFP, Pierre-Antoine Donnet est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages consacrés à la Chine, au Japon, au Tibet, à l'Inde et aux grands défis asiatiques. En 2020, cet ancien correspondant à Pékin a publié "Le leadership mondial en question, L'affrontement entre la Chine et les États-Unis" aux Éditions de l'Aube. Il est aussi l'auteur de "Tibet mort ou vif", paru chez Gallimard en 1990 et réédité en 2019 dans une version mise à jour et augmentée. Après "Chine, le grand prédateur", paru en 2021 aux Éditions de l'Aube, il a dirigé fin 2022 l'ouvrage collectif "Le Dossier chinois" (Cherche Midi). Début 2023, il signe "Confucius aujourd'hui, un héritage universaliste", publié aux éditions de l'Aube. Son dernier livre, "Chine, l'empire des illusions", est paru en janvier 2024 (Saint-Simon).