Livre : "Dans la tanière du tigre" de Nicolas Idier, entre l'Inde et la Chine
Une histoire de courage
Nicolas Idier a nommé son dernier ouvrage en s’inspirant d’un proverbe chinois : « 不入虎穴,焉得虎子 » (bù rù hǔxué, yān dé hǔzǐ).
1. 不 (bù) : ne… pas ; non.
2. 入 (rù) : entrer ; adhérer ; entrée.
3. 虎穴 (hǔxué) : repaire du tigre ; lieu dangereux.
4. 焉 (yān) : (employé à la fin d’une phrase) ; comment; seulement; ici; cela.
5. 得 (dé/de/děi) : acquérir ; gagner ; être prêt.
6. 虎子 (hǔzǐ) : petit tigre ; jeune homme courageux.
Littéralement, ce proverbe chinois se traduit ainsi : « Sans entrer dans la tanière du tigre, comment attraper ses petits ? » Autrement dit, sans affronter le danger, aucune victoire n’est possible.
Le récit à l’origine de ce proverbe est d’abord une histoire de courage. Tirée de la Biographie de Ban Chao à la fin de la dynastie Han (《后汉书·班超传》), l’histoire raconte qu’à la période des Han orientaux, l’empereur Han Ming envoya Ban Chao avec trente-six soldats valeureux tisser des relations avec un État voisin, le pays de Shanshan. Au début, le roi de Shanshan était très poli. Puis lorsque les Huns envoyèrent un émissaire auprès du roi de Shanshan pour lui dire pis que pendre de l’empereur, le roi changea complètement d’attitude envers Ban Chao et ses hommes. Ceux-ci se dirent que si le roi de Shanshan les livrait aux Huns, bien plus nombreux qu’eux, ils n’en ressortiraient jamais vivants. Ils prirent donc la décision « d’entrer dans la tanière du tigre pour en capturer les petits », en attaquant la délégation des Huns de nuit, à la lueur des torches, pour qu’ils soient pris par surprise et ne se doutent pas de leur infériorité numérique. Cette bataille leur valut à la fois la victoire et le respect du roi de Shanshan, qui accepta de prêter allégeance à l’empire Han.
« Les maisons ont toujours joué un rôle crucial dans cette vie d’errance que je me suis choisie, écrit Nicolas Idier. Sur le point de bascule, elles deviennent un élément du voyage, à la manière d’une caravane. Elle transforme le voyage en la vie. Tant qu’il n’y a pas de maison, l’Inde ne peut être mon pays. Et pourtant, elle doit l’être. C’est à cette condition, et à elle seule, que je pourrai entrer dans la tanière du tigre. Sinon, comment connaitre ses petits ? – comme l’écrivait Henry Bauchau. »
« Penser avec le cœur »
« En écoutant Arundhati […] je réalise que moi aussi je suis un tacticien, ambitieux, respectueux du pouvoir – et que la seule manière de m’affranchir est de cesser d’être mesuré, poli, un type bien et gentil dont on ne sait pas exactement ce qu’il veut. À moi aussi de penser avec le cœur. »
Biographie de l'auteur
Nicolas Idier est écrivain et sinologue. Agrégé d’histoire et docteur en histoire de l’art à l’Université Paris-Sorbonne, il est chercheur associé au Centre de recherche sur l’Extrême-Orient de Paris-Sorbonne, spécialiste de l’œuvre de Pierre Ryckmans, alias Simon Leys. Inspecteur général de chinois à l’Éducation Nationale depuis fin 2021, il fut conseiller spécial au sein de cabinet du Premier ministre Jean Castex, de 2020 à 2021. Auparavant, il avait été directeur du développement à la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image de 2018 à 2020. En Chine et en Inde de 2010 à 2018, ll fut attaché culturel chargé du livre et du débat d’idées à l’ambassade de France.
Après avoir collaboré à plusieurs ouvrages collectifs sur la Chine, Nicolas Idier dirige en 2010 Shanghai. Histoire permanente, promenades, anthologie et dictionnaire (Bouquins), guide de voyage sur cette ville « complexe », d’une grande diversité, à l’image de la Chine. En 2011, paraît sa première fiction, La Ville Noire, qui atteint les dernières sélections du Prix du premier roman. Il y explore une autre ville à la dualité marquée, Tanger, « à la fois paradisiaque et cauchemardesque ».
Les deux romans qui suivent, La musique des pierres et Nouvelle jeunesse, dévoilent l’ambivalence de la Chine, à la fois antique et moderne, au rythme de la création des calligraphes, peintres, rockers, poètes et autres rebelles. Après avoir été sélectionné par les prix Médicis, Décembre et Jean-Freustié de l’Académie française, Nouvelle jeunesse obtient le prix du Printemps du roman en 2017.
En 2019, il signe avec son complice l’écrivain haïtien Makenzy Orcel Une boîte de nuit à Calcutta, un opus oscillant entre le roman, la poésie, l’essai, la confidence, dialogue intime sur la vie et ses émois, la littérature et les injustices du monde.
En 2022, il publie Dans la tanière du tigre chez Stock. Lire un extrait ici.
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