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Indo-Pacifique : une coopération entre la France et l'Indonésie est-elle possible ?

Les présidents français Emmanuel Macron et indonésien Joko Widodo ont décidé le 30 octobre 2021, au cours d’une rencontre en marge du G20 à Rome, de travailler ensemble à "un véritable partenariat stratégique" dans l’Indo-Pacifique, annonçait alors l’Élysée.(Source : Sud Ouest)
Les présidents français Emmanuel Macron et indonésien Joko Widodo ont décidé le 30 octobre 2021, au cours d’une rencontre en marge du G20 à Rome, de travailler ensemble à "un véritable partenariat stratégique" dans l’Indo-Pacifique, annonçait alors l’Élysée.(Source : Sud Ouest)
Pour nouer un partenariat stratégique avec Jakarta, Paris doit trouver le moyen de s’inscrire dans la géopolitique indonésienne : le non-alignement. La vente des Rafale en témoigne. Mais marque-t-elle le début d’une alliance entre les deux pays ? Pas sûr.
Le 30 octobre dernier à Rome, lors d’une réunion du G20, Emmanuel Macron rencontrait le Premier ministre indien Narendra Modi et le président indonésien Joko Widodo. Ces entretiens portaient sur la situation dans la zone Indo-Pacifique, cadre d’une rivalité entre la Chine et les États-Unis, dans lequel la France cherche à renforcer son influence.
Avec ses trois collectivités territoriales de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis et Futuna, sans compter Clipperton, une île inhabitée d’1,7 km2 de superficie située à plus de 1 000 kilomètres des côtes du Mexique, la France se présente comme une « puissance du Pacifique ». Elle est membre de la Communauté du Pacifique, une organisation internationale de coopération scientifique et technique qui regroupe en outre 22 États et territoires insulaires du Pacifique ainsi que l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis. Son siège se trouve à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie.
*Surnom inventé par Bernard Chêne, un client français de Joko Widodo, qui possède une fabrique de meuble à Solo dans le centre de Java. L’usage javanais aurait été de l’appeler simplement « Joko ».
Invité à New Delhi en mars 2018, Emmanuel Macron avait expliqué que « le sens de cette visite [était] de faire de l’Inde notre premier partenaire stratégique de la région ». Deux mois plus tard, dans un discours à la base navale de Garden Island à Sydney en Australie, le président français avait publiquement adopté l’expression « Indo-Pacifique ». Il y avait exposé son souhait de créer « un axe stratégique Paris-New Dehli-Canberra pour répondre aux défis de la zone Indo-Pacifique, en particulier la volonté de projection chinoise, le terrorisme et le changement climatique ».
Le chef de l’État avait décrit l’accord signé deux ans avant pour la vente à l’Australie de 12 sous-marins comme « la première étape d’un approfondissement de la coopération dans tous les domaines de l’industrie de défense, des liens entre états-majors et d’un alignement stratégique des deux pays ». Le 15 septembre dernier, l’Australie rompait le contrat et annonçait la création de l’AUKUS, une alliance militaire entre l’Australie (« A »), le Royaume-Uni (« UK ») et les États-Unis (« US »). C’est dans le contexte de ce que le journaliste et géopoliticien français Renaud Girard qualifie de « gifle anglo-saxonne » qu’Emmanuel Macron a rencontré le président indonésien, familièrement appelé « Jokowi »*.

L’Indo-Pacifique, fille de la Seconde Guerre mondiale

Dans un entretien avec Mercy A. Kuo du magazine d’information The Diplomat, Gurpreet S. Khurana, directeur exécutif de la National Maritime Foundation indienne, explique que les initiatives de la Chine, notamment dans l’océan Indien, amènent l’Inde et le Japon à coopérer dans l’analyse stratégique. En 2007, dans un discours devant le parlement indien, le Premier ministre japonais Shinzo Abe est le premier à utiliser l’expression « Indo-Pacific » dans ce contexte.
L’expression « Indo-Pacifique » est certes plus ancienne : durant la Seconde Guerre mondiale, les Alliés qui combattent le Japon, c’est-à-dire les Américains, les Australiens et les Britanniques – le Japon occupant les Indes néerlandaises et l’Indochine française – reconnaissent le caractère « Indo-Pacifique » de la zone du conflit, qui couvre les océans Indien et Pacifique. Les Britanniques utiliseront cette expression jusqu’aux années 1960.
*Région qui va de l’Indonésie au Japon en passant par la Birmanie et les Philippines. Cette définition n’est donc pas uniquement géographique mais aussi ethnique et culturelle car la Birmanie, dont la plupart des habitants parlent des langues sino-tibétaines, a une frontière avec le Bangladesh, dont la langue nationale, le bengali, appartient à la famille indo-européenne, et qu’on inclut dans l’Asie du Sud, aux côtés de l’Inde et le Pakistan.
Avec la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis occupent le Japon ainsi que la moitié sud de la Corée, colonisée par Tokyo en 1910, l’autre moitié étant occupée par l’Union soviétique. L’occupation de la Corée du Sud prend fin en 1948. En 1949, les communistes chinois, dirigés par Mao Zedong, battent l’armée de la République de Chine de Tchang Kaï-chek et forcent ce dernier à se réfugier sur l’île de Taïwan avec ses hommes. En 1950, l’armée nord-coréenne, soutenue par des centaines de milliers de « volontaires » chinois, envahit la Corée du Sud. Les États-Unis interviennent militairement sous la bannière des Nations Unies. La guerre de Corée se termine avec un armistice. Les Américains stationnent des troupes en Corée du Sud, où ils disposent de bases aériennes et navales. Avec des GI’s et des bases au Japon, en Corée du Sud et dans leur ancienne colonie des Philippines, les États-Unis ont une forte présence militaire en Asie orientale*.

« Pivot asiatique »

À la fin des années 1960, avec l’essor économique et industriel du Japon et l’engagement militaire américain au Vietnam, l’Asie orientale devient encore plus importante pour les États-Unis. L’expression « Asie-Pacifique » s’impose dans les années 1970-1980 et est formalisée avec la création en 1989, à l’initiative de l’Australie, de l’Asia-Pacific Economic Cooperation (APEC), par 12 pays – soit en outre Bruneï, le Canada, la Corée du Sud, les États-Unis, l’Indonésie, le Japon, la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, les Philippines, Singapour et la Thaïlande. Par la suite, d’autres pays rejoindront ce groupement, dont notamment la Chine et la Russie mais aussi des pays d’Amérique latine, portant le nombre de pays membres à 21.
*Obama est né à Hawaii et a passé quatre années de son enfance à Jakarta. **Aux États-Unis, le State Secretary est le ministre des Affaires étrangères. Il est 4ème dans l’ordre de succession présidentielle (après le vice-président, le président de la Chambre des représentants et le président du Sénat, donc le premier des ministres).
Au cours d’une tournée en Asie orientale en 2009, le président Barack Obama prononce à Tokyo un discours dans lequel il présente les États-Unis comme « an Asia Pacific nation »* . En 2011 sa secrétaire d’État**, Hillary Clinton, écrit dans un article publié dans la revue Foreign Policy : « Alors que la guerre en Irak se réduit et que l’Amérique commence à retirer ses troupes d’Afghanistan, les États-Unis se trouve à un moment pivot de leur histoire. » L’expression « pivot asiatique » est lancée. Les États-Unis s’investiront de plus en plus dans une région Asie-Pacifique qu’ils définissent comme « s’étirant du sous-continent indien aux côtes occidentales des Amériques » et dans laquelle se trouvent des alliés mais aussi des puissances montantes comme la Chine, l’Inde et l’Indonésie. Devant le parlement australien, Obama déclare : « Les États-Unis sont, et seront toujours, une nation du Pacifique. »
Dans un article publié en 2013, commentant la tournée en Corée du Sud, au Japon et en Chine du secrétaire d’État John Kerry, Matt Schiavenza de l’Asia Society préfère parler d’un « rééquilibrage » des intérêts des États-Unis, de l’Europe et du Moyen-Orient vers l’Asie orientale. Sur le plan économique, il s’agit d’améliorer les relations, non seulement avec les marchés établis que sont Tokyo et Seoul mais aussi avec ceux « émergents » de Jakarta et Manille. « Le pivot est irréversible », conclut Schiavenza.
Deux caractéristiques vont amener à un retour de l’expression « Indo-Pacifique ». Pour Nick Bisley, professeur en relations internationales à l’université La Trobe en Australie, cette expression se justifie par la connexion qu’établit la mondialisation entre l’océan Indien et l’océan Pacifique. Selon Rory Medcalf, qui dirige le National Security College de l’Australian National University à Canberra, « Indo-Pacifique » met en avant l’océan Indien comme voie commerciale la plus importante du monde devant l’Atlantique. Un des principaux facteurs en est l’émergence de la Chine et de l’Inde comme puissances qui se projettent de plus en plus vers l’extérieur. Même si elle ne la nomme pas, l’expression donne une place centrale à l’Asie maritime.
En 2013 déjà, deux chercheurs européens, Karl Kaiser, un ancien directeur du Council on Foreign Relations allemand et Manuel Muñiz, professeur en relations internationales à l’IE School of Global and Public Affairs de Madrid, prêchent pour un « pivot asiatique » de l’Europe. La France entreprend le sien avec deux motivations principales : le commerce et des partenariats stratégiques.

De Mitterrand à Macron

Plus grand archipel du monde en étendue, l’Indonésie est un État maritime par excellence. Création du colonialisme néerlandais qui a regroupé l’archipel en une entité administrative unique, elle proclame son indépendance en 1945, mais n’est reconnue par la communauté internationale qu’avec le transfert officiel de souveraineté par le royaume des Pays-Bas en décembre 1949. La France est le troisième pays à établir des relations diplomatiques avec l’Indonésie, après les États-Unis, qui avaient fait pression sur les Pays-Bas pour renoncer à leur souveraineté sur l’archipel, et l’Inde, qui avait soutenu la cause indonésienne dès sa propre indépendance en 1947. Soekarno, le premier président indonésien, vient en France en 1961 et Soeharto, son successeur, en 1972. Le premier président français à se rendre en Indonésie est François Mitterrand en 1986. Les deux pays auront l’occasion de coopérer comme co-présidents de la conférence de Paris sur le Cambodge en 1991. Le régime autoritaire de Soeharto, arrivé au pouvoir en 1966, prend fin en 1998. Abdurrahman Wahid, premier président indonésien à être élu dans un processus démocratique, visite la France en 2000. Pour l’Indonésie, la France est un pays à prendre en considération.
À Paris, une affaire va défrayer la chronique. En 2005, Serge Atlaoui, un artisan soudeur français embauché pour la construction d’un laboratoire qui s’est révélé une installation de production d’ecstasy « dont il jure qu’il ignorait tout » est arrêté en Indonésie où il est condamné à mort en 2007. Lors d’une visite en Azerbaïdjan en 2015, François Hollande déclare que « s’il est exécuté, il y aura des conséquences avec la France et l’Europe parce qu’on ne peut pas accepter ce type d’exécutions », qui seraient essentiellement « diplomatiques » et évoque la suspension des coopérations avec l’Indonésie. Le président français se rendra néanmoins dans l’archipel en 2017, peu avant la fin de son mandat pour signer des accords dans différents domaines.
Une autre affaire va marquer les relations franco-indonésiennes. Lors de l’hommage d’Emmanuel Macron au professeur d’histoire et géographie Samuel Paty, assassiné le 16 octobre 2020 par un jeune Tchétchène musulman, il parle de « la lutte contre islamisme politique, radical ». Deux semaines plus tard à Jakarta, dans une allocution où il est entouré des représentants des six religions officiellement reconnues par l’État indonésien, Joko Widodo déclare que « le président français […] a insulté la religion musulmane et blessé les musulmans du monde entier ».

La France, le Rafale et le non-alignement

C’est dans ce contexte que début décembre 2020, la ministre des Armées Florence Parly annonce sur BFM TV l’intention de l’Indonésie d’acquérir des avions de combat Rafale de Dassault. En février 2021, le site de l’Élysée fait savoir qu’Emmanuel Macron a eu un entretien téléphonique avec son homologue indonésien, dans lequel « les deux chefs d’État sont convenus de soutenir conjointement le respect du droit international dans un espace Indo-Pacifique libre, ouvert et fondé sur un multilatéralisme efficace. Dans cette perspective, la coopération bilatérale s’intensifiera dans les secteurs de la défense, de l’aéronautique ainsi que sur les questions maritimes. » En juin, la ministre de la Mer Annick Girardin se rend en Indonésie, où elle signe différents accords de coopération. L’archipel est alors présenté comme un « pays au cœur de la stratégie Indo-Pacifique française ». En novembre, c’est au tour du ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian de s’y rendre. La France manifeste un intérêt grandissant pour l’Indonésie.
Le défi pour la France est de se positionner dans une géopolitique indonésienne caractérisée par un non-alignement déclaré en 1948, au début de la Guerre froide, par le vice-président Hatta, avec cette formule : « Ramer entre deux récifs » (Mendayung antara dua karang). Hatta prône une politique étrangère « libre et active » (bebas dan aktif). Reconnue par la communauté internationale en décembre 1949, l’Indonésie établit des relations diplomatiques avec la Chine devenue communiste. En 1955, elle accueille la conférence de Bandung, à laquelle participent 29 pays d’Afrique et d’Asie dont tous n’étaient pas non alignés. Certains pays étaient en effet militairement alliés aux États-Unis, d’autres, dirigés par des partis communistes, étant alignés sur l’Union soviétique. Quand le président Soekarno se rend à Washington en 1956, c’est avec l’aura d’un « neutraliste ». L’Indonésie est un des cinq membres fondateurs du Mouvement des non-alignés en 1961, avec l’Égypte, le Ghana, l’Inde et la Yougoslavie.
*« Une zone économique exclusive s’étend de la ligne de base à un maximum de 200 milles marins (370,4 km, 230,2 mi). Un État côtier contrôle toutes les ressources économiques (par exemple, la pêche, les activités minières ou l’exploitation pétrolière) à l’intérieur de sa zone économique exclusive, ainsi que toute pollution de ces ressources. »
Mais dans les faits, à partir de 1957, Soekarno, qui prend un tournant autoritaire, se rapproche de plus en plus de la Chine et propose la formation d’un axe Jakarta-Phnom Penh-Hanoi-Pékin-Pyongyang. La répression en 1965 d’un « Mouvement du 30 Septembre » par un certain général Soeharto et la remise à ce dernier des pleins pouvoirs par le président Soekarno met fin à cette expérience. Soeharto rompt les relations diplomatiques avec la Chine et inverse la politique de son prédécesseur, sans pour autant s’aligner sur les États-Unis. Il rétablit les relations avec la Chine en 1990. Mais l’année suivante, le ministre des Affaires étrangères Ali Alatas déclare que le différend qui oppose la Chine à cinq autres pays – Bruneï, la Malaisie, les Philippines, Taïwan et le Vietnam – à propos des îles Spratley, peut devenir une zone de conflit en Asie du Sud-Est. Néanmoins pendant longtemps, l’Indonésie prétendra ne pas être concernée par ces différends, alors que la revendication de la Chine sur la mer de Chine du Sud, qu’elle considère comme faisant partie de ses eaux territoriales, empiète sur la zone économique exclusive* des îles Natuna, qui appartiennent à l’Indonésie.

La crainte de déplaire

En 1999, l’Indonésie organise un référendum à Timor oriental, ancienne colonie portugaise qu’elle avait envahie et annexée en 1975. Près de 80 % des voix sont pour le détachement de l’archipel. Des milices pro-indonésiennes, soutenues par certains secteurs de l’armée, se lancent alors dans une campagne de violences qui amènent les États-Unis à mettre l’Indonésie sous embargo militaire.
Désireuse de moderniser son armée de l’air, Jakarta acquiert en 2003 seize avions Sukhoi Su-27 et Su-30 russes pour remplacer les Douglas A-4 Skyhawk américains achetés d’occasion, avec l’autorisation des États-Unis, à Israël en 1982. Pour remplacer ses vieux Northrop F-5 également américain, parmi divers candidats, le Sukhoi Su-35, version avancée du Su-27, semble avoir la préférence. Mais en 2020, les États-Unis forcent l’Indonésie à renoncer à cet achat, en expliquant qu’il pourrait tomber sous le coup de leur loi CAATSA (Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act). L’Indonésie se retourne donc vers les autres avions envisagés, dont le Rafale. C’est dans ce contexte que la ministre des Armées révèle les discussions avec l’Indonésie. Cette dernière annonce officiellement l’abandon des avions russes en décembre 2021. Le non-alignement indonésien est limité par la crainte de déplaire à une des parties.
L’Indonésie ne souhaite pas non plus déplaire à la Chine, son premier partenaire commercial et son premier investisseur. Le ministre des Affaires maritimes Luhut Binsar Panjaitan pousse à un rapprochement avec la Chine, se montrant ainsi de plus en plus influent. Pour Muhammad Zulfikar Rakhmat, professeur en relations internationales à l’université islamique d’Indonésie de Yogyakarta, ce rapprochement risque, d’une part de rendre l’Indonésie de plus en plus dépendante de la Chine, d’autre part de nuire à ses relations avec les États-Unis.
C’est d’ailleurs la tournure que semblait prendre ces relations. En août 2021, la vice-présidente américaine Kamala Harris faisait un voyage de quatre jours à Singapour et au Vietnam, jugé « creux » par le think tank américain Eurasia : elle ignore l’Indonésie, la Malaisie et la Thaïlande. Néanmoins, quelques mois plus tard, le secrétaire d’État Antony Blinken s’est rendu dans ces trois pays. La ministre indonésienne des Affaires étrangères résume cette visite en parlant d’un intérêt marqué des États-Unis pour un partenariat avec l’Indonésie, « en particulier dans les infrastructures ». Le ministre des Affaires maritimes Luhut, de son côté, dit avoir déclaré à Blinken que « l’Indonésie [était] un grand pays, un pays riche, un pays qui n'[avait] besoin de prendre parti pour personne » et pouvait être « une force d’équilibre entre la Chine et les États-Unis ». Le gouvernement indonésien est conscient de la position du pays.

Partenariat stratégique difficile

*Aux États-Unis, depuis 1962, les avions militaires, quel que soit le constructeur (en principe américain), doivent en théorie suivre un système de désignation comportant un préfixe de une ou deux lettres désignant la fonction de l’appareil, et un numéro d’ordre chronologique de la date du projet (même si l’avion n’est finalement pas construit). Ainsi l’A-4 Skyhawk de Douglas (constructeur absorbé par la suite par un autre constructeur, McDonnell) est un avion d’attaque au sol (A pour « attack ») et le F-15 est un chasseur (F pour « fighter ») construit par McDonnell Douglas (société depuis absorbée par Boeing).
Dans ce contexte, en quoi la France est-elle attractive pour l’Indonésie ? Quatrième pays le plus peuplé du monde avec quelque 275 millions d’habitants en 2021 et 16ème économie avec un PIB de 1 120 milliards de dollars en 2019, le pays a un intérêt commercial. C’est vrai dans le domaine de la défense : l’Indonésie ne consacre pour l’instant que 0,8 % de son PIB à des dépenses militaires, à comparer au 1,4 % de la Thaïlande et aux 2,4 % du Vietnam. Un indicateur sera la réalisation de l’achat de Rafale, pour une première tranche de 12 appareils alors que le nombre initialement envisagé était de 36, voire 48. Les États-Unis proposent la version la plus récente de leur F-15* mais également le F-16, dont l’Indonésie a déjà une trentaine d’exemplaires. Depuis un peu plus d’un an, plusieurs ministres français se sont rendus en Indonésie. Mais une visite de Florence Parly prévue pour fin janvier 2022 a été annulée. Il semble que la question des compensations et du financement ne soit pas encore réglée.
Un partenariat stratégique sera plus difficile, dans la mesure où la France soutient la position américaine sur la question de la mer de Chine du Sud, à savoir la liberté de navigation (un des principes fondamentaux du droit international). Il faudrait concevoir un partenariat qui ne soit pas perçu par l’Indonésie comme une mise en demeure de choisir face à la Chine, ce que même les États-Unis ne parviennent pas à faire. Mais l’Indonésie a un aspect qui présente un avantage : c’est une société qui essaie de construire une démocratie, et que la France peut séduire.
Par Anda Djoehana Wiradikarta

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A propos de l'auteur
Anda Djoehana Wiradikarta est enseignant et chercheur en management interculturel au sein de l’équipe « Gestion et Société ». Depuis 2003, son terrain de recherche est l’Indonésie. Ingénieur de formation, il a auparavant travaillé 23 ans en entreprise, dont 6 ans expatrié par le groupe pétrolier français Total et 5 ans dans le groupe indonésien Medco.