Culture
Critique de film

Sortie DVD : "Petite Forêt", ode à la gastronomie des campagnes sud-coréennes

L’actrice sud-coréenne Kim Tae-ri dans le film "Petite Forêt". (Crédits : Borealiafilms)
L’actrice sud-coréenne Kim Tae-ri dans le film "Petite Forêt". (Crédits : Borealiafilms)
Malgré un passage remarqué en 2018 au Festival du Film Coréen de Paris, Petite Forêt de la réalisatrice Yim Soon-rye n’était plus visible pour les spectateurs français depuis sa sortie en salles à l’été 2019 (15 000 entrées). Heureusement pour les cinéphiles, l’éditeur indépendant Borealia Films vient de sortir un livre-film permettant de découvrir la douceur de la campagne sud-coréenne à travers le parcours de la jeune Hyewon (Kim Tae-ri) qui plaque sa vie à Séoul pour retrouver le charme de son village natal. Au menu : amitié, vie simple et recettes de grand-mères. Gare à vos estomacs !
Métro, études, petits boulots, dodo. Pour de nombreux Sud-Coréens, la jeunesse se passe dans la fureur de la compétition au diplôme. Jusqu’au bac, le suneung, qui prend la forme d’un concours d’entrée aux universités, leur vie est entièrement régentée par la famille. Du petit matin à tard dans la nuit, s’enchaînent les cours, les devoirs et les instituts privés. Le plus dur est fait une fois arrivé à l’université : le nom de l’établissement est souvent une meilleure carte d’entrée dans le monde de l’entreprise que le diplôme lui-même. Pourtant de nouveaux impératifs viennent s’ajouter : les petits boulots en soirée où il faut endurer l’impolitesse des clients, les chambres de bonnes mal isolées, les vies sociales et amoureuses qui se doivent d’être réussies et les rêves de jeunesse qu’il faut absolument accomplir avant que la société et l’entreprise ne reprennent leurs droits sur la liberté individuelle. Sous cette pression sociale, de nombreux jeunes craquent, tombent en dépression ou pire, se suicident. Depuis quelques années, le mal-être de la jeunesse sud-coréenne a même un surnom affiché partout sur la toile : « Hell Joseon », l’enfer en Corée du Sud. Pour échapper au stress, certains entament un retour à la terre.
Scène du film sud-coréen "Petie Forêt". (Crédits : Borealiafilms)
Scène du film sud-coréen "Petie Forêt". (Crédits : Borealiafilms)

Résumé du film

Hyewon (Kim Tae-ri), vingt ans, est une jeune fille ordinaire qui jongle entre ses études, son job alimentaire et son petit ami. Lassée de cette vie au rythme infernal, elle décide de tout plaquer sur un coup de tête et de retourner dans le village de son enfance dans la campagne sud-coréenne. Le hanok où elle a grandi est toujours là, mais il est inhabité depuis longtemps. La jeune femme retrousse ses manches et bien vite, ses amis d’enfance viennent partager les rires, les souvenirs et les ragots dans la maison en bois. Au fil des saisons, Hyewon retrouve même les gestes de ses aînés en cultivant son jardin et en cuisinant les aliments de la région : elle fait sienne les recettes que lui préparait sa maman. C’est alors qu’elle découvre peu à peu la véritable raison qui l’a poussée à revenir.

Avec deux millions d’entrées en Corée du Sud, Petite Forêt est un succès public en forme de symbole du refus d’une partie de la jeunesse de jouer la compétition qu’on lui impose. En misant sur l’équilibre retrouvé entre vie personnelle et vie professionnelle, le huitième film de la réalisatrice Yim Soon-rye met le temps sur pause et réchauffe les cœurs au rythme des saisons. Adapté du manga éponyme de Igarashi Daisuke publié en 2004 au Japon par Kodansha, puis sorti en France en 2008 chez Casterman, Petite Forêt est donc une ode à la simplicité qui détonne dans le paysage cinématographique sud-coréen habituellement visible dans nos contrées. Loin des thrillers intenses, le film prend la forme d’un véritable guide visuel de la cuisine sud-coréenne traditionnelle dont les recettes sont le fil rouge. Il est donc vivement conseillé de le voir une fois le ventre plein sous peine de souffrir le martyr devant les images des petits plats encore fumants.
À voir : la bande-annonce du film Petite Forêt :
Au casting de ce feel-good movie, on retrouve l’actrice Kim Tae-ri qui y rayonne de simplicité aux côtés de Moon So-ri, Ryu Jun-yeol et Jin Ki-joo. Il y a deux ans, la réalisatrice Yim Soon-rye confiait à Asialyst que la jeune femme avait accepté le rôle afin de casser son image de « femme fatale » véhiculé par le succès mondial de Mademoiselle. Pari gagné, puisque Petite Forêt met en exergue la sensibilité du jeu et le charme naturel de Kim Tae-ri, sans jamais la sexualiser, à l’opposé de son rôle dans le film de Park Chan-wook. Ce choix d’utiliser l’actrice à l’opposé du rôle qui l’a rendue célèbre n’est pas anodin puisque la réalisatrice Yim Soon-rye est très engagée dans la protection des femmes dans le cinéma sud-coréen et participe activement à un centre de prévention contre les violences sexuelles. Notons d’ailleurs que l’édition en DVD d’un film de femme est une très bonne nouvelle puisque si de nombreuses réalisatrices sud-coréennes obtiennent de beaux succès critiques lors du passage de leurs films en festivals en France, très peu d’entre elles trouvent un éditeur dans l’Hexagone.
L’édition du film sud-coréen "Petite Forêt" existe soit en DVD, soit sur clef USB. (Crédits : Borealiafilms)
L’édition du film sud-coréen "Petite Forêt" existe soit en DVD, soit sur clef USB. (Crédits : Borealiafilms)
L’édition proposée par Borealia est composée du film sur DVD ou clef USB et d’un livret de trente-deux pages contenant des photographies, une présentation de la réalisatrice et de ses actrices, ainsi que de courtes interviews de la réalisatrice Yim Soon-rye, d’Igarashi Daisuke, le dessinateur du manga dont est adapté le film, mais aussi de David Tredler, le programmateur du Festival du Film Coréen à Paris qui a permis de faire connaître le film en France.
Par Gwenaël Germain

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A propos de l'auteur
Gwenaël Germain est psychologue social spécialisé sur les questions interculturelles. Depuis 2007, il n’a eu de cesse de voyager en Asie du Sud-Est, avant de s’installer pour plusieurs mois à Séoul et y réaliser une enquête de terrain. Particulièrement intéressé par la question féministe, il écrit actuellement un livre d’entretiens consacré aux femmes coréennes.