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Face à la Chine, l’UE et l’OTAN exhortent Joe Biden à restaurer le lien transatlantique

La Chancelière allemande Angela Merkel reçoit Joe Biden, alors vice-président américain, à Munich le 7 février 2015. (Source : Time)
La Chancelière allemande Angela Merkel reçoit Joe Biden, alors vice-président américain, à Munich le 7 février 2015. (Source : Time)
Presque en même temps, l’Union européenne et l’OTAN ont lancé des appels pressants à la future administration de Joe Biden pour réparer le lien transatlantique, rompu par le président sortant Donald Trump. L’un des objectifs : être ensemble à nouveau pour mieux faire face à la montée en puissance de la Chine.
Dans un rapport préparé fin novembre par la Commission européenne, Bruxelles invite Washington à saisir « l’opportunité d’une génération » de forger une nouvelle alliance globale avec l’Europe afin de répondre au « défi stratégique » que pose la Chine. Dans ce document, dont fait état le Financial Times, la Commission propose à l’administration du président élu Joe Biden, qui prendra les rênes des États-Unis le 20 janvier prochain, de « revitaliser » le partenariat transatlantique et souligne le besoin d’un « renouveau » pour une alliance du monde démocratique face aux régimes autoritaires, dont tout particulièrement la Chine.
Ce rapport, préparé la Commission et les principaux représentants de l’UE pour les affaires étrangères, doit être présenté pour adoption par les dirigeants des États membres à l’occasion du sommet européen ce jeudi 10 et ce vendredi 11 décembre. Il suggère de profiter de la tenue d’un sommet euro-américain au cours du premier semestre 2021 pour le lancement d’un « nouveau calendrier transatlantique ».
« En tant que sociétés démocratiques et économies de marché, l’Union européenne et les États-Unis sont d’accord sur le défi stratégique que pose l’ascension de la Chine sur la scène internationale, même si nous ne sommes pas toujours d’accord sur la meilleure façon d’y faire face », souligne ce document.

Autoritarisme et ambitions territoriales

Presque au même moment, l’OTAN a publié un rapport intitulé « OTAN 2030 » dans lequel les pays membres lancent un appel pressant aux États-Unis pour ranimer l’organisation confrontée à une menace militaire croissante venue de la Chine. Dans leurs conclusions, un groupe de conseillers indépendants commissionnés par le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg étudie les voies menant à une alliance transatlantique plus forte.
« L’échelle de la puissance chinoise et son influence globale font peser des défis aigus aux sociétés ouvertes et démocratiques, en particulier à la lumière de la trajectoire suivie par ce pays vers un autoritarisme et des ambitions territoriales plus forts », explique le rapport de l’OTAN.
Comme pour appuyer ces propos, le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas a déclaré le 3 décembre que l’émergence de la Chine comme puissance militaire globale devait faire partie des discussions en cours au sein de l’OTAN sur la réforme de cette institution.

L’Amérique de nouveau « prête à diriger le monde »

Ce constat posé, quelle sera la réponse de Joe Biden après quatre ans de présidence Trump ? Ces quatre années ont vu un détricotage progressif du lien transatlantique, à la plus grande satisfaction du régime de Pékin. S’engouffrant dans la brèche, la Chine en a profité pour renforcer sa présence dans les principales institutions internationales.
Mais tout indique déjà que Joe Biden et son équipe vont, dès le 20 janvier, orienter leur politique vers un retour des États-Unis sur la scène internationale et un renforcement de l’alliance transatlantique. « L’Amérique est de retour », a proclamé le président élu le 25 novembre. La nouvelle équipe qu’il a mise en place « assurera la sécurité de notre pays et de notre peuple. C’est une équipe qui reflète le fait que l’Amérique est de retour, prête à diriger le monde, et non à s’en retirer. Une fois de plus, assis en tête de table, nous serons prêts à affronter nos adversaires et non pas à rejeter nos alliés », a-t-il ajouté.
Le meilleur artisan de cette politique sera le prochain secrétaire d’Etat, Antony Blinken, choisi par Joe Biden pour conduire la diplomatie américaine à partir du 20 janvier. Ce diplomate chevronné, parfait francophone et francophile, n’a eu de cesse de critiquer ces dernières années les dégâts provoqués par la diplomatie de Donald Trump.
Antony Blinken est très attaché au multilatéralisme, en tant que spécialiste des relations transatlantiques, et aux « valeurs » américaines. Ainsi, il estime qu’il est du devoir de la diplomatie américaine de promouvoir la démocratie et de défendre les droits de l’Homme partout dans le monde.

Contrer la Chine dans le Pacifique et en Afrique

Déjà, les voix se multiplient sur le sol américain, y compris dans le camp républicain, pour le renforcement de l’alliance transatlantique face à la Chine. C’est ainsi que le président républicain de la Commission des Affaires étrangères du Sénat, Jim Risch, a diffusé début décembre un rapport qui souligne la nécessité d’une meilleure coopération entre les États-Unis et l’Europe « d’autant plus importante » dans le Pacifique et en Afrique pour contrer l’influence croissante de la Chine dans ces deux régions.
Le régime chinois a donc quelques soucis à se faire. Ce qui n’a pas empêché le chef de la diplomatie chinoise et Conseiller d’État Wang Yi de lancer un appel ce lundi 7 décembre pour une amélioration des relations entre les deux premières économies de la planète qui n’ont pas cessé de se dégrader depuis 2018 : « Fondées sur un bénéfice mutuel pour nos deux peuples et nos deux pays, nous avons besoin de rechercher la reprise du dialogue et de retourner dans la bonne direction afin de reconstruire la confiance. »
Par Pierre-Antoine Donnet

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A propos de l'auteur
Ancien journaliste à l'AFP, Pierre-Antoine Donnet est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages consacrés à la Chine, au Japon, au Tibet, à l'Inde et aux grands défis asiatiques. En 2020, cet ancien correspondant à Pékin a publié "Le leadership mondial en question, L'affrontement entre la Chine et les États-Unis" aux Éditions de l'Aube. Il est aussi l'auteur de "Tibet mort ou vif", paru chez Gallimard en 1990 et réédité en 2019 dans une version mise à jour et augmentée. Après "Chine, le grand prédateur", paru en 2021 aux Éditions de l'Aube, il a dirigé fin 2022 l'ouvrage collectif "Le Dossier chinois" (Cherche Midi). Début 2023, il signe "Confucius aujourd'hui, un héritage universaliste", publié aux éditions de l'Aube. Son dernier livre, "Chine, l'empire des illusions", est paru en janvier 2024 (Saint-Simon).