En Corée du Sud, le coronavirus stoppé grâce au traçage numérique
Entretien
L’épidémie c’est fini, ou presque en Corée du Sud. Certains experts redoutent un rebond à l’automne, mais pour l’instant, l’heure est à la détente. Si les slogans de la campagne de distanciation sociale sont encore présents jusque sur les sentiers de randonnées en montagnes, Séoul n’enregistre plus de nouveaux cas locaux de contaminations depuis trois jours. Une partie des élèves devraient retrouver les bancs de l’école le 13 mai prochain.
Les Sud-Coréens n’en menaient pourtant pas large lorsque le 31ème patient, une femme de 61 ans membre d’une secte protestante à Daegu dans le sud-est du pays, a mis le feux aux poudres de la pneumonie virale en février dernier. Face à l’emballement des cas de contaminations la doctrine sud-coréenne des trois T (tests, traçage, traitement et isolement des patients) a aussitôt été enclenchée. Le pays, comme la plupart des voisins de la Chine, a pris très tôt et très au sérieux la menace de cette « mystérieuse pneumonie » apparue sur un marché de Wuhan officiellement fin décembre. La Corée du Sud est le seul État à avoir aplati la courbe des nouveaux infectés sans avoir recours au confinement général, rappelle Pierre Joo dans La Règle du Jeu. C’est aussi l’un des rares pays a avoir laissé ses frontières ouvertes aux voyageurs venus de la Chine voisine, dont à la patiente zéro – une touriste chinoise venue de la province chinoise du Hubei et prise en charge dans un hôpital à Séoul le 20 janvier.
Le succès de l’endiguement ne doit donc rien au hasard. Pas plus qu’il n’y a de miracle économique, il n’y a pas de miracle épidémiologique. Confucius n’a ici rien à avoir dans l’affaire ! La lutte contre une épidémie n’a rien de culturelle, elle est d’abord le résultat de choix scientifiques et politiques. Quant aux clichés sur l’esprit de discipline et un comportement soit-disant moutonnier des Asiatiques, on remarque que c’est le premier argument dégainé lorsque les masques tombent, quand certains en Occident ne trouvent rien d’autres pour tenter de justifier l’incurie.
A l’heure des bilans, seules les vies sauvées comptent. La Corée du Sud rapporte 252 décès liés au coronavirus. L’expérience du SRAS et du MERS a beaucoup joué. Mais aussi et surtout, une politique de dépistage permettant d’isoler et de prendre en charge le plus rapidement les porteurs du virus à couronne. Avec une population de 52 millions d’habitants, le pays a testé près de 635 000 de personnes depuis début janvier. Le traçage permettant également de retrouver les personnes éventuellement contaminées.
Un traçage qui, contrairement à certains pays en Europe, fait peu débat en Corée, soulignait récemment Frédéric Ojardias dans La Croix. Et pour cause : il est strictement encadré par la loi, explique François Amblard dans cet entretien réalisé juste après la publication d’un premier rapport sur la lutte contre le coronavirus en Corée du Sud.
Voilà cinq ans ans que ce directeur de recherches au CNRS enseigne à l’Institut des Sciences et Technologies d’Ulsan au sud de la Corée du Sud. Les bonnes nouvelles sont rares par les temps qui courent. Ce document d’une trentaine de pages traduit en anglais est l’histoire d’un succès. Selon ce physicien, biologiste et amateur de nage au long cours dans la mer de l’Est, il est d’abord lié à la mobilisation générale d’un État et de ses administrés derrière l’avis des scientifiques.
« Si on entend par traçage le fait de coller un bracelet à quelqu’un, un GPS sous sa voiture, une puce sous la peau ou dans le téléphone, ce n’est pas du tout de cela dont il s’agit en Corée du Sud. Le traçage est strictement rétrospectif. »
« On a un itinéraire précis pour chaque personne positive. Et cet itinéraire va être diffusé dans tous les quartiers. Chaque habitant résident dans un endroit où est passé le contaminé aura cette information sur son téléphone portable. »
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