Films d'Asie du Sud
Une semaine de cinéma indépendant indien à Paris
C’est le rendez-vous annuel des passionnés de cinéma indien : le Festival du film d’Asie du Sud (FFAST) tient sa septième édition du 28 janvier au 2 février. L’occasion de voir une dizaine de films représentatifs du cinéma indépendant du sous-continent dans le cadre prestigieux du Grand Rex.
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Alors que dans l’esprit du grand public, « cinéma indien » est encore souvent synonyme de « films Bollywood », la montée en puissance des films d’auteurs se confirme d’année en année. Des films bien éloignés des mélos chantés et dansés qui font la particularité – et parfois, dans le meilleur des cas, le charme – du cinéma commercial de Bombay. En prise directe sur les réalités sociales du pays, ce cinéma indépendant, souvent de grande qualité, permet au spectateur occidental d’en découvrir des aspects qui lui sont normalement inaccessibles.
Les films d’auteur ont certes toujours existé en Inde mais leur émergence quantitative et qualitative, accompagnée parfois de vrais succès commerciaux, est récente. Malheureusement, ces films sont encore très peu distribués en France. Mis à part des exceptions comme The lunchbox ou Sir, que l’on peut assimiler plus ou moins à ce mouvement, un tout petit nombre de ces films fait l’objet d’une diffusion confidentielle dans quelques ciné-clubs. D’où l’intérêt d’un festival comme le FFAST qui apporte une fois par an une moisson de trouvailles en provenance d’Inde et des pays limitrophes.
Après un très bon cru 2019, l’édition 2020 s’annonce également prometteuse. Thème dominant cette année : « la sélection s’intéresse aux marges de la société indienne en milieu urbain, dans les mégapoles comme Mumbai, Delhi ou Calcutta », explique Floriane Zaslavsky, co-coordinatrice de la programmation, plusieurs films explorant « les stratifications sociales du pays, ses populations les plus marginalisées ».
C’est le cas dès le film d’ouverture, Moothon, de la cinéaste Geetu Mohandas. On y suit un garçon de treize ans qui fuit son île de l’archipel des Laquedives à la recherche de son frère aîné dans les bas-fonds de Bombay (Mumbai). « C’est un film noir, une quête qui nous plonge dans un milieu très sombre », affirme Floriane Zaslavsky. Gage de qualité : le film a été produit et co-scénarisé par Anurag Kashyap, chef de file du cinéma indépendant actuel et réalisateur de films comme The girl in yellow boots ou Gangs of Wasseypur et, pour partie, de la série Le seigneur de Bombay diffusée actuellement sur Netflix (lire notre interview avec lui).
Bombay encore avec Monsoon shootout, un polar nourri de courses-poursuites dans les rues glauques de la ville pendant la mousson. Un policier débutant affronte un tueur à la hache et se retrouve confronté à un dilemme moral : alors qu’il tient sa proie en joue, doit-il tirer, l’arrêter ou bien la laisser partir ? Bombay toujours pour le film de clôture, Gully Boy. Destiné au grand public, ce film, qui a remporté un grand succès en Inde, suit l’ascension sociale d’un jeune rappeur issu de Dharavi, le grand bidonville situé au cœur de la capitale financière du pays. Au-delà de son contenu musical, Gully Boy évoque aussi des questions comme les problématiques urbaines, les rapports entre musulmans et hindous, etc.
Autre exemple de film noir – au sens propre puisqu’il s’agit d’un film en noir et blanc : Cat Sticks, venu du Bengale-Occidental. Situé à Calcutta, il suit divers toxicomanes dans leur quête d’héroïne. Un film dur, là encore, mais « formellement assez impressionnant : photographe à la base, le réalisateur adopte délibérément la même lumière et le même type de photographie que le chef opérateur de Satyajit Ray avec de très forts contrastes entre le noir et le blanc », affirme Floriane Zaslavsky. Tourné de nuit, « ce film a une qualité d’image que j’ai rarement vue », ajoute-t-elle.
Toujours au chapitre des mégapoles, Delhi sert de cadre à Taking the horse to eat jalebis : basé sur des interviews de travailleurs migrants installés dans la capitale indienne, le film évoque à la fois leurs vies et leurs rêves, basculant ainsi dans le fantastique.
Une petite sélection de trois films est présentée sous l’intitulé « Bandits ». Outre Monsoon shootout déjà évoqué, y figure Bandit queen, un film de 1994 consacré à Phoolan Devi, la célèbre « reine des bandits » de l’Uttar Pradesh, et surtout Sholay. Ce film de 1975 est un véritable monument : sans doute le plus populaire de toute l’histoire du cinéma indien, projeté sans interruption des dizaines d’années durant, son histoire policière a tout du western. Des scènes entières sont d’ailleurs des copies conformes de Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone. Mais son énergie, son humour emportent tout. Et c’est le film qui a consacré Amitabh Bachchan, devenu grâce à lui la méga star de Bollywood. Une occasion en or, donc, de découvrir ce film mythique sur grand écran.
Contrairement à l’année dernière, le cinéma des pays voisins de l’Inde est peu présent dans cette édition, avec une exception : Bulbul, comédie sociale népalaise suivant une conductrice de rickshaw dans les rues de Katmandou. En revanche, trois films réalisés en Europe s’intéressent aux immigrés venus du sous-continent indien. Le film italien Bangla décrit une histoire d’amour entre un jeune homme d’origine bangladaise et une Italienne. Quant au jeune réalisateur français Lawrence Valin, il propose deux courts-métrages situés dans le quartier tamoul de Paris (gare du Nord-La Chapelle), dont Little Jaffna qui s’intéresse à l’impact de la guerre au Sri Lanka sur la population locale.
Comme en 2019, trois prix seront décernés aux films en compétition par un jury étudiant, un jury de professionnels et le public appelé à voter à la sortie de chaque projection.
Par Patrick de Jacquelot
A voir
La 7ème édition du Festival du Film d’Asie du Sud se déroulera du 28 janvier au 2 février 2020 au cinéma le Grand Rex à Paris (1 boulevard Poissonnière, 75019 Paris, métro Bonne Nouvelle). Informations, horaires et réservations sur le site du festival.
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