Politique
L'Asie du Nord-Est dans la presse

Corée du Sud : le bouclier antimissile en question après la "découverte" d'unités dissimulées

Le nouveau président sud-coréen Moon Jae-in lors de son investiture à l'Assemblée nationale à Séoul le 10 mai 2017. (Crédits : AFP PHOTO / POOL / Ahn Young-joon)
Le nouveau président sud-coréen Moon Jae-in lors de son investiture à l'Assemblée nationale à Séoul le 10 mai 2017. (Crédits : AFP PHOTO / POOL / Ahn Young-joon)
Moon Jae-in ne sortira pas de l’accord avec les Américains. Le nouveau président sud-coréen maintiendra le déploiement du bouclier antimissile THAAD (Terminal High Altitude Area Défense) dans son pays. Mais sa sainte colère fait douter une partie de la presse à Séoul. Ce mercredi 31 mai, quatre lanceurs américains de plus ont été « découverts » sur le sol sud-coréen. Le gouvernement de Moon se retrouve devant le fait accompli, n’étant jusque-là au courant de rien. Deux généraux de l’ancienne administration Park ont mené la procédure seuls, profitant de la période de flottement avant les élections. Le président de Corée du Sud ne semble pas souhaiter le retour des missiles non cités officiellement dans l’accord de déploiement.
« La question n’est pas de savoir qui dit la vérité mais de savoir quel effet cela va avoir sur le sort du THAAD. Telle que les choses sont en train d’évoluer actuellement, on ne peut exclure le renvoi du système aux États-Unis. » Ainsi commence l’éditorial du Korea Times ce jeudi 1er juin. Pour le quotidien sud-coréen, la question se pose du retour ou non des quatre lanceurs américains arrivés secrètement sur le sol sud-coréen dans le cadre du programme de bouclier antimissiles installé par les États-Unis en Corée du Sud depuis mars, afin de répondre au programme nucléaire du Nord. Pendant la campagne présidentielle, Moon Jae-in s’était déclaré favorable à une renégociation de l’accord avec les Américains. Par ailleurs, la Chine s’est déclarée formellement opposée au THAAD, tandis que l’accord pourrait à terme devenir un obstacle à un éventuel rapprochement des deux Corées, souhaité par Moon. Autre pression, celle de Donald Trump, qui n’a cessé de martelé vouloir faire payer à Séoul le prix du dispositif, soit un milliard de dollars.
Qui aurait donc « caché » l’arrivée des quatre lanceurs américains ? Selon la nouvelle administration, il s’agirait du ministre sud-coréen de la Défense Han Min-koo et l’ancien chef de la sécurité Kim Kwan-jin, les derniers rescapés du gouvernement sortant de Park Geun-hye. C’est la disparition dans le rapport officiel de cette livraison, pourtant présente dans le document provisoire, qui a alerté Yoon Young-chan, l’actuel secrétaire principal aux relations publiques. Le Korea Times raconte comment Yoon a fait cette découverte. Lorsqu’il a interrogé le ministre de la Défense à ce sujet, celui-ci a répondu étonné : « Vraiment ? » C’est à cet instant que Yoon Young-chan a compris que cela devait être délibéré. Le président Moon n’a découvert la supercherie que récemment et s’est déclare « choqué ». La Chine avait déjà séverement critiqué et punie la présence de deux engins sur le sol sud-coréen. Six lanceurs pourraient véritablement constituer un danger pour le fragile équilibre des puissances asiatiques et américaine.
Pourtant, même si cet événement fait scandale et met en danger les relations diplomatiques de la Corée du Sud avec ses voisins, Moon Jae-in a voulu rassurer un représentant américain de passage à Séoul, le sénateur Dick Durbin, lors d’une réunion hier mercredi 31 mai : le déploiement du THAAD se maintenu dans son état actuel. Le président ne prend pas à la légère cet accord bilatéral, a-t-il assuré, bien que celui-ci ait été conclu par l’administration Park. Il déclare que les opérations seront simplement menées avec « plus de rigueur » et « selon le droit national », rapporte l’agence Yonhap. Cependant, qui de Séoul ou de Washington paiera pour ces lanceurs ? Ce désaccord-là persiste.
En attendant, cette affaire de lanceurs « dissimulés » marque sans doute un tournant dans la gestion de la défense par l’administration centrale. A savoir un coup d’arrêt à l’influence de généraux « faucons », à laquelle le président Moon doit mettre fin, souligne le Korea Herald. Alors même que Kim Kwan-jin et Han Min-koo étaient des acteurs clés dans la négociation du traité THAAD et étaient considérés comme les plus informés à ce sujet, ils ont feint l’ignorance. Pendant ce temps, l’ancien chef de la sécurité achevait, dans le secret, la livraison des six lanceurs du THAAD lors de sa visite en janvier et en mars aux États-Unis, soit au moment où l’ancienne présidente Park était suspendue. Il semble alors que ces généraux aient profité de la période de flottement du « Choigate » pour mener un projet qui pourrait bien mettre en péril la paix entre la Corée du Sud et ses voisins, selon les détracteurs du bouclier américain. Briser cette prééminence des généraux « faucons », menant leur politique au mépris des lois et des procédures, voilà sans doute l’un des premiers chantiers du président Moon Jae-in afin d’achever la démocratisation du pays.
Par Amina Bouamrirène

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