Chine : "Le Music-hall des espions" de Bruno Birolli ou Shanghai au peigne fin
Critique
En juin 1930, le jeune René Desfossés se voit affecté au bureau du renseignement militaire de Shanghai. Avec pour tout bagage, la recommandation de son oncle sénateur qui s’est arrangé pour lui confier ce poste : « Shanghai, moins on en entend parler à Paris et mieux c’est ! » Voilà donc notre jeune homme partant à la découverte, la fleur au fusil, du Paris de l’Orient – ce Shanghai colonial à nul autre pareil.
Là, dans une ambiance magnifiquement retranscrite au fil des pages, il se retrouvera face au tourbillon des services secrets qui ont fait du Shanghai des concessions leur terrain de jeu. Entre le Bureau chinois des enquêtes du Grand Shanghai, l’Intelligence Service britannique et les différents services français (la sûreté publique et le renseignement militaire notamment), c’est dans une véritable fourmilière d’espions que notre jeune Français va mettre les pieds.
Et il aura très vite fort à faire car à cette période, la guerre entre le Guomindang au pouvoir et le Parti communiste chinois clandestin fait déjà rage en Chine. Les cadavres s’accumulent en aussi peu de temps qu’il en faut pour prononcer le nom du généralisme Tchang Kai-shek. Entre guerre larvée et diplomatie musclée, le tout sous le regard d’une population chinoise non indifférente mais résignée, René Desfossés et son supérieur Fiorini vont ainsi tout faire pour démêler les tenants et les aboutissants de l’attaque à main armée d’un préteur sur gage en plein centre-ville.
C’est d’ailleurs la ville qui a le plus beau rôle dans ce roman. Car de l’Astor Hotel à l’Hôtel des colonies, en passant par le Cercle sportif français, les Cathay Mansions, ou encore la salle de spectacle « Le Grand monde », c’est tout un pan de l’histoire de Shanghai qui s’offre à nous – en images noir et blanc comme en sensations. En effet, l’auteur a voulu se placer au plus près de la réalité historique et c’est donc avec bonheur qu’on se perd dans les méandres de la Concession Française (« La concession ») et internationale (« the Settlement »). Et le temps de reprendre son souffle à la poursuite du magicien, on se retrouve déjà sur les rives du Huangpu au milieu de la « masse crasseuse des pousses et des coolies qui guettaient à la sortie des pontons les passagers et les ballots qui débarquaient ».
Par Antoine Richard
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