Politique
Expert - Hong Kong, China

Hong Kong, la crise qui vient (suite)

Les militants indépendantistes hongkongais Baggio Leung (à gauche) et Yau Wai-ching lors d'une conférence de presse après leur libération à Hong Kong le 26 avril 2017. Disqualifiés de leur siège de députés après une cérémonie de serment mouvementée en octobre 2016, Yau et Baggio ont été arrêtés et mis en examen le 26 avril pour trouble à l'ordre public au parlement de la ville. (Crédits : AFP PHOTO / Anthony WALLACE)
Les militants indépendantistes hongkongais Baggio Leung (à gauche) et Yau Wai-ching lors d'une conférence de presse après leur libération à Hong Kong le 26 avril 2017. Disqualifiés de leur siège de députés après une cérémonie de serment mouvementée en octobre 2016, Yau et Baggio ont été arrêtés et mis en examen le 26 avril pour trouble à l'ordre public au parlement de la ville. (Crédits : AFP PHOTO / Anthony WALLACE)
A la fin du mois d’avril, deux anciens parlementaires avocats de l’indépendance de l’ancienne enclave britannique ainsi qu’un certain nombre de leurs soutiens ont été arrêtés. Si Mabel Au (區美寶), directrice d’Amnesty International, exhorte le gouvernement à ne pas poursuivre en justice ces démocrates hongkongais, Wang Zhenmin (王振民), directeur juridique du bureau de liaison du gouvernement central dans la région administrative spéciale (RAS) a récemment prévenu que le principe « un pays, deux systèmes » qui dirige l’arrangement régissant Hong Kong jusqu’en 2047, et qui garantit entre autres les libertés d’expression et de religion, pourra être écarté s’il menace d’être dommageable à la République populaire de Chine (RPC).
Les deux législateurs Yau Wai-ching (游蕙禎) et Baggio Leung Chung-hang (梁頌恆) ont été arrêtés le mercredi 26 avril, sous le prétexte un peu fallacieux de rassemblement illégal. Ils avaient été évincés du parlement pour avoir volontairement saboté leur intronisation au parlement hongkongais en octobre 2016, en refusant de reconnaître leur allégeance à la RPC.
Le lendemain, neuf activistes démocrates ont à leur tour été arrêtés pour avoir protesté contre l’interprétation pékinoise de la constitution hongkongaise (basic law) en novembre dernier. Un débat important sur la signification de l’ordre hongkongais avait en effet suivi le renvoi des deux législateurs. Ils ont été accusés de rassemblement illégal, obstruction du travail des policiers et de trouble à l’ordre public. Des accusations aussi vague qu’incertaines, mais qui fleurent bon l’habitude totalitaire du flou, qui permet d’intervenir n’importe quand contre la moindre contestation. « L’usage répété d’accusations obscures contre des figures importantes du mouvement pro-démocratique hongkongais respire à plein nez une campagne vengeresse et orchestrée par les autorités pour punir ceux qui défendent la démocratie à Hong Kong », a ainsi dénoncé Mabel Lau, avant d’ajouter que « le gouvernement de Hong Kong devrait protéger la liberté d’expression et les rassemblements pacifiques. Mais, au lieu de cela, il semble bien qu’il ait l’intention d’intimider ceux qui défient les autorités. »
Dans un discours durant une cérémonie organisé pour le 27e anniversaire de la Loi fondamentale, Wang Zhenmin, en présence de C. Y. Leung (梁振英), le chef de l’exécutif hongkongais sortant et contesté, a attaqué « l’inanité » du mouvement indépendantiste hongkongais. Il a affirmé que l’unité du « pays » primait sur les « deux systèmes » et qu’en cas de rupture de ce principe, la RAS souffrirait davantage que le Continent : « Si le système s’effondrait, le pays perdrait la face, mais Hong Kong perdrait tout. » L’autonomie de Hong Kong est un cadeau de Pékin, et pourra être révoqué.
Une rhétorique brutale qui augure assez mal du mandat de la nouvelle chef de l’exécutif Carrie Lam, ancienne numéro deux de l’administration hongkongaise qui sera intronisée le 1er juillet prochain. Elue par 777 voies (sur un comité électoral de 1194 grands électeurs), elle est confrontée au même problème de légitimité que ses prédécesseurs, et aura sans doute des difficultés à regagner la confiance d’une population hongkongaise qui ne supporte plus de ne pas être consultée sur les questions fondamentales qui touchent son quotidien et son avenir.

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A propos de l'auteur
Chercheur indépendant, David Bartel vit à Hong Kong depuis dix ans. Obtenue en 2017 à l'EHESS, sa thèse porte sur les Lumières chinoises du XXème siècle et leur reconfiguration contemporaine. Il s'intéresse particulièrement aux liens entre histoire, politique et langage. La cooptation des discours théoriques postmodernes et postcoloniaux - en Chine et ailleurs - par la rhétorique nationaliste, et l’effacement de la culture au nom du culturel sont au cœur de ses recherches.
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