Economie
Expert - Le Poids de l'Asie

Une croissance mondiale "made in Asia"

Un ouvrier chinois examine des chaussures de sport dans une manufacture de Jinjiang, dans la province du Fujian au sud-est de la Chine, le 27 juillet 2016.
Un ouvrier chinois examine des chaussures de sport dans une manufacture de Jinjiang, dans la province du Fujian au sud-est de la Chine, le 27 juillet 2016. (Crédits : Dong yanjun / Imaginechina /via AFP) The manufacturing sector struggled for growth in July, a Reuters poll showed, adding to expectations that Beijing will step up measures to boost growth in the world's second-largest economy. The official manufacturing Purchasing Managers' Index is expected to be 50.0 in July, the same as in June, according to the medium forecast of 23 analysts polled by Reuters. The neutral 50.0 mark separates expansion in activity from contraction on a monthly basis. After expanding for three consecutive months from March to May, growth in the mainland's factory sector stalled in June, suggesting a bounce in activity is ¬fizzling.
La Chine explique 40 % de la croissance mondiale et l’Asie 66 % (avec en outre 20 % pour l’Inde 6 % pour l’ASEAN). L’Asie en développement reste de loin la région la plus dynamique avec une croissance de 6,4 % en 2016 qui se tassera un peu en 2017. L’Inde a coiffé la Chine à la première place.
Dans son rapport d’octobre 2016 sur les perspectives de l’économie mondiale (World Economic Outook – WEO), le FMI insiste sur les difficultés à restaurer la croissance dans un monde en quête d’un nouveau souffle. À ces interrogations de long terme s’ajoutent les incertitudes politiques qui concernent non pas les pays émergents mais les pays avancés : les élections américaines et les modalités du Brexit.

Dans l’un et l’autre cas la globalisation est en procès : elle est accusée de détruire les emplois et de creuser les inégalités. Ce contexte a justifié l’organisation par le FMI d’une table ronde sur le paysage géopolitique et économique à l’occasion de la présentation de son rapport. Parmi les questions abordées, il y avait la perte de légitimité des États, la défiance des sociétés vis-à-vis des États, la montée des populismes qui, aujourd’hui cantonnés dans les pays avancés gagne les pays émergents : c’est le cas en Asie des Philippines et l’enquête sur le renouveau du maoïsme montre que cette évolution touche également la Chine.

Ces thèmes rarement débattus dans les enceintes du FMI ne sont toutefois pas abordé par le WEO qui traite de questions plus prosaïques comme les perspectives de croissance et les conséquences du rééquilibrage de l’économie chinoise.

Perspectives de croissance

Les perspectives de l’économie mondiale demeurent médiocres pour reprendre le qualificatif mis à la mode par Christine Lagarde depuis quelques années. Le FMI table sur 3,1 % pour le monde en 2016 et, méthode Coué oblige, prévoit un peu mieux (3,4 %) pour 2017. Pas de changement pour l’économie américaine où huit ans après la crise, la médiocrité de la reprise accrédite la théorie de la stagnation séculaire par Robert Gordon : en dépit des innovations technologiques des cinquante dernières années, la hausse de la productivité ne suffit pas à surmonter les vents contraires qui soufflent sur l’économie américaine à commencer par le vieillissement. Si elle s’est un peu améliorée, la croissance européenne reste anémique. La Russie et l’Amérique Latine sont en récession, et si l’Afrique fait mieux, le revenu per capita s’est contracté en 2016, une première depuis 1994.
L'évolution du taux de croissance économique des pays d'Asie de 2015 à 2017, exceptés le Japon. La Chine, la Malaisie, le Cambodge, le Vietnma, le Laos et Singapour sont en recul.
L'évolution du taux de croissance économique des pays d'Asie de 2015 à 2017, exceptés le Japon. La Chine, la Malaisie, le Cambodge, le Vietnma, le Laos et Singapour sont en recul.
Dans ce contexte, l’Asie en développement reste de loin la région la plus dynamique avec une croissance de 6,4 % en 2016 qui se tassera un peu en 2017. L’Inde a coiffé la Chine à la première place. Un coup de pouce au crédit a permis au gouvernement chinois de respecter son objectif de 6,5 % en 2016. La performance de l’ASEAN (4,8 %) masque des résultats contrastés entre les pays, la Thaïlande (3,2 %) restant en queue de peloton.

Pour les Chinois, le taux de croissance est le meilleur indicateur de l’évolution économique de leur pays. Est-ce vrai pour le reste du monde ? L’accroissement en valeur, en dollars, et non en pourcentage, du PIB chinois est tout aussi, sinon plus, pertinent. Paradoxalement, si la croissance de la Chine ralentit, cet accroissement s’accroît. Il y a une décennie, lorsqu’elle caracolait à 10 % l’an, la Chine ajoutait l’équivalent de la Suisse à l’économie mondiale, aujourd’hui avec une croissance plus lente, elle accouche d’une Espagne ou de la moitié de la France. La Chine explique 40 % de la croissance mondiale et l’Asie 66 % (avec en outre 20 % pour l’Inde 6 % pour l’ASEAN).

Les conséquences du rééquilibrage de l’économie chinoise

Si la montée en puissance de la Chine inquiète, son ralentissement aurait des conséquences plus préoccupantes. Le FMI a mesuré l’impact de la réduction d’un point de la demande chinoise – la somme de la consommation et de l’investissement – sur le reste du monde. Il a été multiplié par deux entre 1995 et 2015 et il provoque une baisse presque identique en Asie (0,9 point), un peu moins dans les pays exportateurs de matières premières (0,7) et de 0,5 pour les pays avancés. Dans l’ASEAN, les pays les plus concernés sont l’Indonésie, la Malaisie et la Thaïlande.
L'impact sur la croissance mondiale d'une baisse d'un point de la demande chinoise.
L'impact sur la croissance mondiale d'une baisse d'un point de la demande chinoise.
Même si la demande chinoise ne diminue pas, son rééquilibrage n’est pas une évolution neutre pour le reste du monde. En effet, l’investissement tirant davantage les importations que la consommation, le rééquilibrage vers la consommation est une mauvaise nouvelle pour les fournisseurs de la Chine. Par contre, l’effet de la remontée des filières industrielles est neutre car s’il diminue les importations chinoises de pièces détachées et de composants, il exige plus d’investissement et il augmente les importations. La montée en gamme de l’industrie chinoise est une bonne nouvelle pour ses voisins, du Vietnam au Bangladesh en passant par le Cambodge et la Birmanie. Quant à la réduction des surcapacités, considérables dans la sidérurgie et la métallurgie, elles permettront une hausse des prix.

En 2015, le krach de Shanghai et le décrochage du yuan qui semblait annoncer une dévaluation, avaient fait chuter les bourses dans le monde entier. Toutefois, le commerce international est la principale courroie de transmission entre la conjoncture chinoise et le reste du monde. Alors que le taux de croissance de la Chine a diminué d’1 point entre 2014 et 2015, ce ralentissement a diminué le volume des importations chinoises de 7 points ; en dollars courants, la contraction a été plus sévère – 15 % en 2015 et 8 % entre janvier et août 2016 – car elle s’est accompagnée de la baisse des cours des matières premières. Ses conséquences sont plus fortes sur les exportateurs de matières premières que sur les exportateurs de produits manufacturés. L’empreinte de la Chine se fait sentir sur tous les marchés – elle absorbe 60 % du minerai de fer, 53 % de l’aluminium, 50 % du cuivre et du nickel – à l’exception de ceux qui concernent le petit-déjeuner. Toutefois, si elle demeure un importateur modeste de cacao et de café, elle importe presque autant de sucre que les États-Unis, le premier acheteur mondial.

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A propos de l'auteur
Jean-Raphaël Chaponnière est membre du groupe Asie21 (Futuribles) et chercheur associé à Asia Centre. Il a été économiste à l’Agence Française de Développement, conseiller économique auprès de l’ambassade de France en Corée et en Turquie, et ingénieur de recherche au CNRS pendant 25 ans. Il a publié avec Marc Lautier : "Economie de l'Asie du Sud-Est, au carrefour de la mondialisation" (Bréal, 2018) et "Les économies émergentes d’Asie, entre Etat et marché" (Armand Colin, 270 pages, 2014).
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