Revue de presse Asie - 27 septembre 2016

L'Asie dans le débat Trump/Clinton, Duterte en Chine et guerre de l'eau indienne

Donald Trump a bien plus insisté sur la Chine que son adversaire Hillary Clinton. Copie d'écran du South China Morning Post, le 27 septembre 2016.
Donald Trump a bien plus insisté sur la Chine que son adversaire Hillary Clinton. Copie d'écran du South China Morning Post, le 27 septembre 2016.

Asie du Nord-Est

South China Morning Post – Donald Trump et Hillary Clinton auront fait référence par 12 fois à la Chine lors de leur premier débat télévisé, hier lundi 26 septembre. Beaucoup plus que lors des deux dernières élections présidentielles américaines – 5 fois en 2008, 5 fois en 2012, note le South China Morning Post – lors desquelles les références à Pékin étaient essentiellement cantonnées à l’économie. Mais hier, la Chine était également au coeur des discussions en matière de cybersécurité, de terrorisme et de menace nucléaire.

C’est Donald Trump qui a, pour l’essentiel, soulevé le cas chinois – accusant entre autres Pékin d’être responsable des « maux économiques » américains et d’avoir son rôle à jouer dans le règlement de la crise nucléaire nord-coréenne. Hillary Clinton s’est limitée a citer trois fois la Chine, notamment en matière de cyberespionnage – sans la cibler directement. Pour autant, toutes les références au pays n’ont pas été négatives : le candidat républicain s’est par exemple appliqué à souligner la qualité des aéroports chinois. Une lubie que n’ont pas manqué de relever les internautes, plus ou moins satisfaits.

Pour autant, Donald Trump n’a toujours pas précisément formulé de politique chinoise, estime le directeur du Carnegie-Tsinghua Centre à Pékin, Paul Haenle. « Il prend la Chine pour exemple afin de montrer son attachement à la défense des intérêts américains dans le monde. » Concernant Hillary Clinton, un expert de l’Institut des études américaines de l’Académie chinoise des sciences sociales, Yuan Zheng, estime que la retenue actuelle de la candidate démocrate pourrait bien ne pas perdurer tout au long de la campagne. Cela dépendra de l’opinion publique américaine.

Quelle que soit l’issue de l’élection, la Chine aura fort à faire avec le nouveau président des Etats-Unis. « Trump sera très dur avec Pékin en matière de politique commerciale tandis que Clinton renforcera la coopération avec ses alliés asiatiques, tels que le Japon et les Philippines, afin de contrer l’influence géopolitique chinoise dans la région », commente Zhang Yuquan, expert en relations internationales à l’Université Sun Yat-Sen de Guangzhou.

Yonhap – C’est l’une des multiples lignes de fracture qui séparent Donald Trump et Hillary Clinton : la défense des alliés américains en Asie. Si le candidat républicain évoque la nécessité de « payer » Washington « en retour » de la sécurité que les Etats-Unis leur accordent, son adversaire démocrate a tenu à rassurer le Japon et la Corée du Sud. Son pays « honorera » les traités de défense qui les lient, a promis Clinton.

Le quotidien japonais Mainichi a ainsi tenu à répondre aux invectives de Trump. En vertu de l’accord nippo-américain sur le statut des forces armées de 1960 (Japan-U.S. Status of Forces Agreement), Tokyo se doit de financer « l’accueil des troupes américaines ». Il prend également en charge, depuis 1987, l’intégralité des frais de main-d’oeuvre des employés civils de ces installations – normalement imputés aux Etats-Unis. Au total, le Japon paye donc 70 % des coûts liés à l’accueil des bases américaines sur son sol – contre 30 à 40 % pour les autres nations telles que la Corée du Sud et l’Allemagne.

South China Morning Post – L’entreprise chinoise Dandong Hongxiang Industrial Development Company s’est-elle soustraite aux sanctions de Washington visant Pyongyang ? C’est ce que craint le département américain de la Justice, qui a annoncé des actions pénales contre la firme et quatre de ses dirigeants hier lundi 26 septembre. En cause : de potentiels « services financiers » apportés à l’entreprise nord-coréenne Korea Kwangson Banking Corporation. Hongxiang aurait notamment fourni de l’oxyde d’aluminium ainsi que d’autres matériaux nécessaires à la fabrication de combustible nucléaire, affirme un think tank sud-coréen.

La semaine dernière, les autorités chinoises avaient promis qu’elles enquêtaient sur l’entreprise ; la police et le ministère des Affaires étrangères la soupçonnant même de « graves crimes économiques » (voir notre revue de presse du 20 septembre). Une annonce « inhabituellement explicite de la part de Pékin », commente le South China Morning Post. Car malgré le renforcement des contrôles aux frontières imposé depuis mars – à la suite des nouvelles sanctions onusiennes contre Pyongyang – la Chine est toujours soupçonnée d’entretenir une politique « accomodante », voire laxiste, avec son voisin, notamment en matière « d’activités commerciales illicites ».

Asie du Sud-Est

South China Morning Post – Manille et Pékin parviendront-ils à mettre de côté leur contentieux en mer de Chine ? Le président philippin Rodrigo Duterte doit se rendre dans la capitale chinoise mi-octobre et la question épineuse de la Mer de Chine, notamment celle du récif de Scarborough, devrait être au centre de l’attention. Manille, qui revendique cette zone contrôlée par Pékin, craint que ce dernier n’entame une poldérisation transformant ce récif très riche en ressources halieutiques en base militaire. En outre, il se trouve à 230 kilomètres à peine de la base américaine de Subic Bay. Le 12 juillet dernier, la Cour permanente d’arbitrage de la Haye a conclu qu’aucun pays n’a de droit souverain sur cette zone où pêchent Chinois, Philippins et Vietnamiens. Une décision qui a ravivé les tensions, la Chine refusant de reconnaître le verdict. Mais Manille semble bien décidé à adoucir les relations avec Pékin. La mise en place d’un accord sur la pêche dans cette zone controversée pourrait donc être discutée.

Objectif de Rodrigo Duterte : se détourner ainsi des Etats-Unis en faveur de la Chine et de la Russie. Selon lui, ses relations avec Washington sont en effet arrivées à « un point de non retour », rapporte le Straits Times. Il tentera donc d’initier des accords commerciaux avec Pékin et Moscou, même si le peso philippin est au plus bas depuis sept ans. Lundi dernier, Duterte aurait par ailleurs dit au Premier ministre russe Dimitri Medvedev qu’il était sur le point « de fanchir le Rubicon, c’est-à-dire, atteindre un point de non retour, avec les Etats-Unis ».

Les relations entre Washington et Manille se sont fortement déteriorées depuis l’arrivée au pouvoir de Rodrigo Duterte au mois de juin. Ce dernier est fortement critiqué pour sa « guerre anti-drogue » qui a provoqué la mort d’au moins 3 000 personnes depuis cette date. A l’approche du sommet de l’ASEAN au Laos début septembre, le président philippin avait par ailleurs traité son homologue américain de « fils de pute », ce qui avait provoqué l’annulation de leur rencontre. La semaine dernière, les Etats-Unis et l’Union européenne déclaré ensemble leurs inquiétudes face à la situation aux Philippines. Une critique qui a de nouveau valu la colère de Duterte.

Le ministre philippin des Affaires étrangères, Perfecto Yasay a cependant rapidement nuancé les propos de son président qui a, selon lui, simplement voulu « dramatiser son ressenti » rapporte le Philippine Star .

Myanmar Times – Aung San Suu Kyi a-t-elle des soucis de santé ? C’est une photo qui a provoqué la rumeur dimanche 25 septembre. Après deux semaines de voyage à l’étranger, la Premier ministre de facto de la Birmanie aurait été photographiée en fauteuil roulant à sa sortie de l’avion. Rapidement, la Ligue nationale pour la Démocratie (LND – parti ua pouvoir) a voulu rassurer sur l’état de santé de sa leader en affirmant qu’il n’y avait « rien de sérieux ». La rumeur s’est cependant renforcée lorsque la rencontre de l’ancienne prix Nobel de la paix avec plusieurs hommes d’affaires birmans, prévue le 28 septembre, a été annulée.

« Après avoir effectué un bilan de santé avec un médecin, nous avons pu déterminer que ces maux étaient dû au voyage épuisant qu’elle vient d’effectuer. Elle avait mal au ventre de ne pas avoir pu manger normalement et mal à la tête à force d’utiliser l’ordinateur », précise un communiqué. Aung San Suu Kyi avait débuté son voyage à Londres le 10 septembre dernier avant de se rendre à Washington où elle avait notamment rencontré Barack Obama puis à New York assister à l’Assemblée générale de l’ONU.

Pour l’ancien président Thein Sein, cet épisode révèle un problème d’organisation de la part du gouvernement. Ce dernier serait trop centré sur Aung San Suu Kyi et devrait penser à répartir les fonctions de la Premier ministre de facto entre plusieurs personnes.

The Jakarta Post – L’Indonésie réaffirme sa souveraineté sur les îles Natuna. Djakarta a annoncé la construction de nouvelles bases militaires dans l’archipel. Au total, trois bases – une aérienne, une maritime et une terrestre – devraient être installées d’ici trois ans dans la zone, en bordure de la mer de Chine du Sud.

Ce territoire est source de conflits entre Djakarta et Pékin, les Chinois considérant que ces îles sont situées dans l’une de leurs zones de pêche traditionnelles. Une affirmation que l’Indonésie réfute. Mi-juin, les tensions entre les deux pays s’étaient renforcées. L’Indonésie, qui a accéléré sa répression de la pêche illégale ces derniers mois, avait ouvert le feu sur un chalutier chinois et blessé un pêcheur qui naviguait dans cette zone (voir notre revue de presse du 20 juin).

Pourtant, les revendications territoriales de la Chine ne comprennent pas les îles Natuna, situées à 2 000 km de ses côtes. Mais la « ligne à neuf traits », revendiquée par Pékin pour délimiter sa souveraineté maritime sur près de 90% de la mer de Chine du Sud, empiète sur la zone économique exclusive de l’Indonésie, dont les limites ont été fixées en vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, et qui donne la possession de cette zone à Djakarta.

Asie du Sud

Firtspost – La guerre de l’eau aura-t-elle lieu ? Alors que le Premier ministre indien cherche à venger l’attaque de la base militaire indienne d’Uri dans le Cachemire indien, qui a provoqué la mort de 18 soldats, remettre en cause le traité de l’Indus, qui partage les eaux du fleuve entre l’Inde et le Pakistan, semble s’imposer comme l’une des alternatives à une réponse armée. Et les conséquences pour la Pakistan pourraient être dramatiques. Pour cause, 90% de l’agriculture pakistanaise dépend du bassin de l’Indus. Si l’eau venait à manquer, non seulement la population risquerait la famine mais la principal source d’emplois actuelle disparaîtrait. Le pays en proie à une crise économique et où un tiers des Pakistanais vit déjà dans une situation d’extrême pauvreté serait ainsi « réduit à une pile de déchets et tomberait dans l’anarchie », plaide The First Post.

Hier, lundi 26 septembre, le Premier ministre indien Narendra Modi a organisé une rencontre avec les membres des ministères des Ressources en Eau et des Affaires étrangères afin d’étudier ses possibilités d’action sur le traité de l’Indus, rappelle The Hindu. Si aucune décision visant à abroger le traité n’a été signée, l’Inde a décidé de suspendre les discussions bilatérales avec le Pakistan via la Commission permanente sur le partage de l’Indus, qui officie depuis la signature du traité, quant à la gestion des ressources du fleuve. Modi a cependant affirmé accroître son utilisation des fleuves dans l’Etat du Jammu-et-Cachemire. Le Premier ministre indien fait donc fi des dernières contestations du Pakistan face à la construction d’un important projet hydraulique dans le Cachemire indien. Islamabad avait appelé à soumettre l’affaire à la Cour permanente d’arbitrage de la Haye. En 2013, la Cour avait donné raison à l’Inde. Une décision qu’a refusé le Pakistan, demandant à ce que le dossier soit réetudié.

Quoi qu’il en soit, l’Inde ne pourrait pas rompre unilatéralement le traité de l’Indus, rappelle Dawn, dans un entretien avec un avocat de la Cour suprême. Ce dernier rappelle que les deux Etats doivent s’accorder pour appeler à la suspension du traité. Malgré tout, si l’Inde venait à ne plus en respecter les modalités, Islamabad n’aurait aucune marge de manoeuvre pour obliger New Delhi à limiter ses actions. En revanche, traité ou non, aucun Etat en amont n’a le droit de couper l’accès à l’eau au pays en aval et l’Inde se retrouverait dès lors sous le joug de la loi internationale, commente le quotidien pakistanais.

Lors du sommet de l’ONU à New York, la chef de la diplomatie indienne a réitéré son souhait « d’isoler le Pakistan », rapporte le Firstpost dans un second article. Elle l’accuse de nouveau de favoriser le terrorisme et appelle de fait la communauté internationale à rompre les relations avec Islamabad.

The Express Tribune – Ennemis pendant la guerre froide, le Pakistan et la Russie tiennent actuellement leurs premiers exercices militaires conjoints. Un « tremblement de terre dans l’équilibre géostratégique régional », commente le quotidien pakistanais The Express Tribune – favorable à Islamabad mais mauvais pour New Delhi. Car les autorités indiennes auraient tenté à plusieurs reprises de faire annuler la rencontre au nom de « sensibilités bien connues »… D’autant plus que la Russie a longtemps été considérée comme un allié de l’Inde.

Côté pakistanais en revanche, on se félicite des progrès que ces exercices militaires conjoints permettront de faire en matière de contre-insurrection : Islamabad dispensera ses techniques tandis que Moscou opèrera des démonstrations avec son matériel. D’après le quotidien pakistanais, c’est la dégradation de ses relations avec les Etats-Unis qui a poussé la Russie à se rapprocher du Pakistan et de la Chine, contribuant à une recomposition de l’équilibre des puissances en Asie. « Il n’y a ni alliés ni ennemis permanents en relations internationales », conclut un général de brigade pakistanais à la retraite.

The Hindu – L’événement remonte à plusieurs jours mais n’a été communiqué que ce mardi 27 septembre par le quotidien indien The Hindu. 40 soldats chinois ont construit des abris temporaires au niveau du « Plum Post », situé en Arunachal Pradesh – revendiqué par la Chine mais administré par l’Inde – à 45 km de la ligne de contrôle réel entre les deux Etats. Objectif : appuyer les prétentions chinoises de souveraineté. Plusieurs soldats ont quitté les lieux le 13 septembre, mais une rencontre bilatérale doit encore être tenue le 1er octobre prochain, afin de mettre un terme à ce type d’opérations. Car si Pékin envoie souvent de petits escadrons dans la région, à raison de deux à trois fois par an, c’est la première fois que ses hommes pénètrent dans la zone du « Plum Post », s’inquiète The Hindu.
Par Alexandre Gandil, Cyrielle Cabot et Joris Zylberman

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