Revue de presse Asie - 30 août 2016

Attentat anti-chinois au Kirghizistan, séparatistes thaïlandais et Patel en Inde

Copie d'écran du China Daily, le 30 août 2016
Un attentat a eu lieu aujourd'hui devant l'ambassade chinoise au Kirghizistan, faisant 3 blessés. Copie d'écran du China Daily, le 30 août 2016.

Asie du Nord-Est

China Daily – Ce n’est pas une première pour la Chine au Kirghizistan. A Pékin, le ministre de la Santé a annoncé ce mardi 30 août l’explosion d’une voiture près de l’ambassade chinoise à Bichkek, la capitale kirghize, tuant son conducteur et blessant 3 membres de l’ambassade. Il s’agit, selon un haut responsable de la sécurité kirghize, d’un attentat-suicide à la voiture piégée. Le conducteur serait mort après avoir tenté d’enfoncer la porte de l’ambassade, faisant exploser son véhicule. Les victimes sont, selon un membre du personnel de l’ambassade, une jardinière et deux gardes kirghizes.
Aucune organisation n’a pour l’instant revendiqué l’attentat. La minorité ethnique ouïgoure pourrait cependant être suspectée selon The Guardian. Les tensions ont monté un cran au Xinjiang depuis au moins 2009 et les émeutes interethniques d’Urumqi. Le nombre d’attentats commis par des Ouïghours protestant contre la répression religieuse et les discriminations sociales, a grimpé sensiblement. Depuis 2014 et l’explosion d’une bombe dans un marché d’Urumqi, Pékin a lancé une « guerre du peuple contre la terreur » au Xinjiang, qui a fait des dizaines de morts et mené à des milliers d’arrestations.
Le Kirghizistan est l’un des pays frontaliers qui subit le contre-coup de cette violence au Xinjiang. En 2002, un diplomate chinois était tué dans le pays par un groupe supposé en connection avec les séparatistes du Mouvement islamique du Turkestan oriental (aujourd’hui connu sous le nom de Parti islamique du Turkestan). En 2014, 11 hommes d’ethnie ouïghoure également suspect de liens avec les indépendantistes ont été abattus au Kirghizistan après avoir franchi illégalement la frontière avec la Chine.
La porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Hua Chunying, a condamné au nom de son pays l’attaque de ce mardi 30 août, la qualifiant « d’extrême et violente ». La Chine est selon elle « profondément choquée » par l’incident. Elle a également pressé les autorités kirhizes de « faire la lumière sur l’incident », rapporte le Straits Times. Selon le vice-Premier ministre kirghize, Jenish Razakov, cité par le South China Morning Post, l’identité de l’attaquant est en train d’être établie. Un secrétariat de l’ambassade a également indiqué que plusieurs proches du personnel avaient été aussi blessés, rapporte CCTV. Le nombre total de victimes reste donc incertain.
South China Morning Post – Son nom est à retenir. Parce qu’il vient d’être nommé chef du PC au Xinjiang par Xi Jinping, Chen Quanguo est en bonne place pour intégrer le Politburo à l’aube du XIXe Congrès du Parti, en 2017. Il pourrait ainsi remplacer Zhang Chunxing, rapporte le South China Morning Post. Le poste de chef du PC au Xinjiang – de même qu’à Pékin, Shanghai, Tianjin, Chongqing et au Guangdong – est considéré comme un tremplin vers l’instance dirigeante du Parti. Néanmoins, cette règle implicite pourrait être brisée par Xi Jinping : alors que ses prédécesseurs avaient identifié leurs successeurs plus de cinq ans avant de quitter le pouvoir, l’actuel président chinois ne s’est pas encore exprimé sur la question. Tant que les luttes de pouvoir au sommet du PC ne seront pas réglées, il n’est donc pas certain que Chen intègre le Politburo, explique Zhang Lifan, analyste politique basé à Pékin.
Avant d’être considéré comme « l’étoile montante » du PC, Chen Quanguo a travaillé pendant près de 25 ans dans la province du Henan, où il est devenu chef du Parti en 2003 et a officié sous l’égide de l’actuel Premier ministre Li Keqiang entre avril 2003 et décembre 2004. Chen a par la suite été nommé gouverneur de la province voisine du Hebei début 2010. Mais à peine un an et demi plus tard, il était déjà propulsé chef du PC au Tibet – poste qu’il a occupé jusqu’au week-end dernier.
Mainichi Shimbun – La polémique continue. Une ancienne « femme de réconfort » coréenne s’est opposée hier lundi 29 août, lors de l’inauguration d’un site commémoratif, à l’accord nippo-sud-coréen sur la question des femmes prostituées de force par le Japon durant la Seconde Guerre mondiale.
Kim Bok-dong a indiqué qu’elle n’accepterait pas l’argent du fonds mis en place et approuvé en décembre dernier par les gouvernements sud-coréen et japonais dans le cadre de l’accord sur les « femmes de réconfort ». Selon elle, le Japon ne s’est pas excusé ou n’a pas suffisamment indemnisé les victimes de cet esclavage sexuel. Le Japon a versé 1 milliard de yens au nouveau fond créé par l’accord. Kim Bok-dong appelle ainsi à refuser la compensation financière.
Le site inauguré hier lundi au parc Namsan de Séoul par d’anciennes « femmes de réconfort » (dont Kim Bok-dong), des groupes de soutien et par le maire de Séoul, a été nommé « lieu de mémoire ». Edifié en hommage aux anciennes « femmes de réconfort », il porte les noms et témoignages de 257 d’entre elles. La cérémonie s’est tenue le jour-anniversaire de la promulgation du traité d’annexion de la Corée par le Japon en 1910.

Asie du Sud-Est

The Bangkok Post – Les jours passent et la piste d’une attaque des séparatistes du Sud thaïlandais se confirme toujours plus. Après plusieurs semaines dans la confusion, la police thaïlandaise semble avoir identifié l’un des auteurs de la série d’attentats qui a frappé sept provinces de la Thaïlande les 11 et 12 août derniers (voir notre revue de presse du 12 août). Selon le Bangkok Post, un mandat d’arrêt a été émis hier lundi 29 août à l’encontre d’Asameen Gatem-madee, un habitant de la province de Pattani, touchée par l’insurrection. Ce suspect est également mêlé à un autre attentat à la voiture piégée à Koh Samui, qui a eu lieu en 2015.
Asameen Gateem-madee, ainsi que deux autres personnes, dont une originaire de la province de Songkhla, ont été repérés sur les vidéos des caméras de surveillance et sont suspectés d’être les auteurs des explosions de Hua Hin, qui ont causé deux morts et des dizaines de blessés. Les autorités thaïlandaises ne veulent cependant pas affirmer dès à présent que les attentats sont liés aux rebelles musulmans du sud du pays, qui habituellement n’attaquent que leurs propres provinces. Elles confirment néanmoins que les attaques ont été commises par un réseau « connecté » aux rebelles.
Myanmar Times – Que signifie exactement « l’esprit de Panglong », auquel Aung San Suu Kyi fait sans cesse référence ? Les observateurs sont sceptiques. Car en en appelant à ce même esprit plutôt qu’aux accords du même nom entérinés par son père en février 1947, celle qui est de facto la Première ministre birmane se détache peu de son prédécesseur Thein Sein, dont le gouvernement civil était l’émanation de l’ancienne junte militaire. Autrement, il s’agit toujours d’un « appel aux ethnies à rendre les armes et à retourner sur un terrain légal », prérequis à la signature d’un accord national de cessez-le-feu. D’autant plus que le refus de participation émis à l’encontre de l’Arakan Army, de la Ta’ang National Liberation Army et de la Myanmar National Democratic Alliance souligne l’influence encore prégnante de l’armée, malgré la transition démocratique entreprise depuis le tournant des années 2010.
En effet, ce sont les militaires qui se sont opposé à la participation de ces trois groupes ethniques armés à la nouvelle Conférence de Panglong – une opposition adoubée par le gouvernement d’Aung San Suu Kyi. Et l’avocat birman des droits de l’homme U Aung Htoo de déplorer au Myanmar Times : « Nous ne serons capable de rien faire si nous craignons que les chefs de l’armée soient insatisfaits… »
Channel News Asia – Les Philippines s’emmêlent les pinceaux. Perfecto Yasay, ministre des Affaires étrangères a déclaré ce mardi 30 août que la Chine se devait de respecter l’arbitrage du tribunal de La Haye sur le conflit en Mer de Chine, rapporte Channel News Asia. « Nous essayons de faire comprendre à la Chine, surtout lorsque les choses se seront calmées, que si elle ne respecte et ne reconnaît pas le tribunal d’arbitrage, elle sera finalement perdante dans l’affaire », a-t-il affirmé lors d’une audience du Congrès. Ces propos viennent contredire ceux du président Rodrigo Duterte, qui affirmait hier lundi 29 août vouloir « mettre de côté » le jugement de La Haye (voir notre revue de presse du 29 août).
En effet, Duterte s’est adressé directement à l’ambassadeur chinois lors d’un discours pour déclarer sa volonté de privilégier une discussion bilatérale avec Pékin, au détriment de l’arbitrage du tribunal international. Ce n’est pas la première fois que le ministre des Affaires étrangères reprend Duterte : la semaine dernière, Perfecto Yasay avait rectifié les propos controversé du président qui avait sous-entendu vouloir retirer les Philippines des Nations Unies (voir notre revue de presse du 22 août).

Asie du Sud

Firstpost – Modi tente le tout pour le tout. Le Premier ministre indien s’est rendu ce mardi 30 août à Rajkot, dans l’Etat du Gurajat, afin de désamorcer la crise des Patel, l’une des cates de l’Inde. Selon le site Firstpost, il s’agit de la deuxième visite de Narendra Modi dans la région, signifiant l’urgence de la situation pour le BJP, le parti au pouvoir, qui tente d’empêcher une escalade de la crise, afin de préserver le soutien électoral de la communauté à l’approche des élections de l’Assemblée du Gujarat, dont Modi fut le ministre-en-chef de 2001 à 2014.
Pour la première fois depuis 1996, le BJP pourrait subir une défaite dans cet Etat indien – défaite qui pourrait affaiblir le parti aux yeux de l’opposition mais aussi en son sein. Les Patel, qui représentent 18% de la population de l’Etat, constituent une communauté économique et politiquement puissante. Cependant, son soutien au BJP s’affaiblit alors que la jeune génération, de plus en plus en colère et mobilisée par l’activiste Hardik Patel, réclame des quotas à l’université et dans la fonction publique.
Times of India – Washington l’a une nouvelle fois prouvé : son implication en Asie est totale. En atteste la signature avec New Delhi d’un « accord de logistique militaire » hier lundi 29 août – Logistics Exchange Memorandum of Agreement (LEMOA). L’accord permet aux deux Etats d’utiliser les bases aériennes, navales et terrestres de chacun dans une optique de réparation ou de réapprovisionnement. En cela, les Etats-Unis se sont engagés à élever l’Inde au même rang que ses plus proches alliés en matière de transfert de technologie et de commerce militaire. Les exercices et opérations conjointes s’en verront facilités. Néanmoins, le texte ne permet pas à Washington de stationner ses troupes sur le territoire indien ni ne présage une alliance militaire entre les deux pays – ce à quoi New Delhi s’opposait en vertu de sa traditionnelle politique d’autonomie.
L’armée américaine ne s’en est pas caché : cet accord doit permettre de contrebalancer le poids de la Chine. En ligne de mire : la préservation de la liberté de navigation en mer de Chine du Sud, que l’affirmation unilatérale de souveraineté opérée par Pékin dans la région pourrait remettre en cause, d’après les observateurs. Le quotidien pakistanais Dawn ne manque pas de citer un papier engagé publié dans le magazine américain Forbes : « Chinois et Pakistanais, faites attention – cette semaine, l’Inde et les Etats-Unis signent un important pacte de guerre. » Ainsi d’après l’article, le transfert américain de technologie pourrait rendre caduque l’arsenal conventionnel pakistanais de défense – tout en évoquant de possibles actions de l’armée de l’air et de la marine américaines en Asie du Sud, notamment dans une optique antiterroriste.
The Hindu – La Cour suprême est catégorique. La plus haute instance judiciaire du Bangladesh a maintenu son verdict concernant Mir Quasem Ali. Le leader et chef financier du groupe Jamaat-e-Islami, accusé de crime de guerre, est donc définitivement condamné à mort. La Cour, composée de cinq membres et dirigée par Surendra Kumar Sinha, n’aura prononcé qu’un seul mot : « rejeté » en réponse à l’appel interjeté pour annuler la peine capitale.
L’avocat général Mahbubey Alam a indiqué, dans un bref commentaire aux journalistes après le verdict, qu’Ali ne pouvait plus que demander la grâce présidentielle, sans laquelle il sera exécuté. Le leader du groupe Jamaat-e-Islami avait soumis une demande de révision après que la Cour suprême a publié son verdict et que le Tribunal pénal international l’a condamné à mort le 6 juin dernier. Mir Quasem Ali avait été accusé d’avoir torturé et assassiné plusieurs personnes.
3 millions d’individus auraient été tués par l’armée pakistanaise et leurs collaborateurs locaux durant la guerre d’indépendance du Bangladesh en 1971. Quatre personnes – dont trois leaders de Jamaat-e-Islami et un du Parti National du Baloutchistan – ont été pendues depuis le début du procès pour crime de guerre il y a six ans, et deux autres sont mortes de vieillesse en prison.
Par Joris Zylberman, Alexandre Gandil, Myriam Sonni et Marie Bonnamy

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