Revue de presse Asie - 30 mai 2016

Otage japonais en Syrie, nouveau Panglong en Birmanie et terroristes sihks au Canada

Aung San Suu Kyi saura-t-elle ranimer l'esprit des accords de Panglong, initiés par son père en 1947 ? Copie d'écran du "Myanmar Times", le 30 mai 2016.
Aung San Suu Kyi saura-t-elle ranimer l'esprit des accords de Panglong, initiés par son père en 1947 ? Copie d'écran du Myanmar Times, le 30 mai 2016.

Asie du Nord-Est

Mainichi Shimbun – Est-ce la dernière chance de sauver Jumpei Yasuda enlevé en Syrie en juin 2015 ? Dans une photo publiée hier dimanche 29 mai, le journaliste freelance nippon de 42 ans tient une pancarte sur laquelle est inscrit le message : « S’il vous plaît, aidez-moi. C’est mon ultime chance. Jumpei Yasuda. » D’après les informations divulguées au Mainichi Shimbun par l’homme qui a publié cette photographie, Yasuda serait otage du Front al-Nosra, organisation terroriste affiliée à Al Qaida – mais aucune preuve formelle ne l’atteste, tempère le quotidien nippon. Le même homme a également indiqué que le groupe terroriste demandait le versement d’une rançon par le gouvernement de Tokyo, dont le montant n’a pas été dévoilé, sous un délai d’un mois, sans quoi Yasuda serait exécuté.
China Daily – Dans son combat pour revendiquer sa souveraineté en mer de Chine du Sud, Pékin n’a de cesse d’exhumer d’anciennes cartes de la région appuyant son discours. Ce lundi 30 mai, voilà que le China Daily évoque l’acquisition en 2015 par un Américain d’origine chinoise, Zeng Yinging, du livre du géogaphe américain J. Martin Miller, intitulé The Twentieth Century Atlas and Illustrated World (1899). Lequel recèle une carte des Philippines à l’issue du Traité de Paris (1898), dont les frontières maritimes n’englobent ni le récif Scarborough, ni les îles Spratleys – contrairement aux revendications actuelles de Manille. De là à affirmer que « les îles de la mer de Chine du Sud n’ont jamais été sous souveraineté philippine » , il n’y a qu’un pas pour le China Daily. Les tensions entre Pékin et Manille autour du confit de souveraineté dans la zone sont d’autant plus violentes que la Cour permanente d’arbitrage de La Haye doit statuer d’ici les prochaines semaines sur ce litige. Il s’agit de la première instance de juridiction internationale à s’être déclarée compétente sur ce dossier, après avoir été saisie par les Philippines en 2013 et malgré les profondes réticences de la Chine, qui a toujours déclaré qu’elle rejetterait son jugement.
Taipei Times – La nouvelle présidente taïwanaise, Tsai Ing-wen, veut attirer les touristes en provenance d’Asie du Sud-Est. Un bureau tout spécialement consacré à cette première incarnation de la « nouvelle politique en direction du Sud » devrait ainsi se charger de faciliter l’accès à l’île des visiteurs issus des « classes moyennes » sud-est asiatiques, indique le Taipei Times.

« Promouvoir le tourisme et l’exemption de visas » pour les citoyens d’Asie du Sud-Est constitue le premier temps d’une stratégie en trois étapes, explique James Huang, président de ce nouveau bureau. En effet, Taipei compte ensuite lancer des programmes de bourses universitaires dont les bénéficiaires, qui auront pu observer le monde taïwanais de l’entreprise, pourront servir de « pont » entre Taïwan et l’association des nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN). C’est seulement à l’issue de ces rapprochements que Taipei entend faciliter l’investissement étranger provenant des pays du Sud-Est asiatique.

La « nouvelle politique en direction du Sud » vise en effet à développer les relations avec les voisins plutôt que l’investissement, affirme un officiel taïwanais cité par le Taipei Times. La quotidien rappelle d’ailleurs que ce « pivot [taïwanais] vers l’Asie du Sud-Est » n’est pas une initiative inédite. Dans les années 1990, l’île avait déjà promu une politique « vers le sud », exclusivement portée sur les investissement et les accords commerciaux, et qui n’avait pas réellement porté ses fruits. Avec cette nouvelle stratégie, Tsai Ing-wen entend donc tirer les leçons des erreurs du passé. Pour approfondir, lire notre temps fort sur le défis de la nouvelle présidente taïwanaise à la suite de son investiture, le 20 mai dernier.

Asie du Sud-Est

Myanmar Times – 59 ans après, Aung San Suu Kyi veut reprendre l’oeuvre de son père. En 1947, le Général Aung San, alors président du gouvernement intérimaire birman, avait organisé la Conférence de Panglong, dont l’accord du même nom avait ouvert la voie à la création de l’Union birmane en 1948. Aujourd’hui sa fille organise en juillet prochain la « conférence de Panglong du XXIème siècle ». Maid l’initiative provoque une vague de scepticisme. Pour les opposants, cela pourrait compliquer le processus de paix plutôt que de le faire avancer. Tandis qu’Aung San Suu Kyi entend seulement inviter les partis politiques représentés à l’Assemblée nationale, les représentants des groupes ethniques se battent pour que toutes les organisations politiques soient représentés à la conférence. Le chef du Conseil pour la restauration dans l’Etat de Shan , en particulier, ne voit l’idée d’un bon oeil : les conflits armés dans le pays, a-t-il déclaré, sont déjà une conséquence de la conférence de 1947 – dont l’accord n’a jamais été appliqué – et qu’une nouvelle conférence pourrait bien aggraver la situation.

Aux yeux des analystes politiques, la volonté du gouvernement relancer le processus de paix le plus vite possible est motivé par son désir de réforme constitutionnelle. L’objectif est de garantir des droits pour les minorités ethniques afin de supprimer la clause qui empêche la « Dame de Rangoun » d’accéder à la présidence. Pour cause, une loi stipule qu’un individu dont le conjoint ou les enfants ne sont pas de nationalité birmane, ne peut être président. Or une réforme nécessite un consensus entre toutes les parties, notamment les minorités ethniques. Min Aung Hlaing, un avocat général, avait précedemment déclaré que la « maturité démocratique » et la « paix interne » accelèrerait le retrait des militaires de l’organe législatif. La Constitution actuelle (entérinée en 2008) leur garantit 25% des sièges de députés.

Prachatai« Dans un futur proche, les mendiants sur le bord de la route, qu’ils soient jeunes, vieux, ou infirmes, devraient complètement disparaître. » C’est le rappel du site thaïlandais Prachatai, alors qu’une nouvelle version de la loi sur le contrôle des mendiants (adoptée en 1941) a été adoptée en mars dernier et prendra effet dans les prochains jours en Thaïlande. Elle interdit toute forme de mendicité, directe ou indirecte. Les pénalités s’éleveront à 10 000 bahts (environs 250 euros), et pourront être assorties d’un an de prison pour les mendiants. Quant aux trafiquants, ils pourront être condamnés à 30 000 bahts d’amende (environs 755 euros) et 3 ans de prison. Même les « performances artistiques » de rues (musiciens ou autres artistes faisant la quête) seront interdites si elles ne sont pas au préalable enregistrées par les autorités. Le but est notamment d’empêcher les enfants d’être exploités.

Le ministère thaïlandais du Développement social et de la Sécurité humaine (MSDHS) estime le nombre de mendiants à 3 221 à travers le pays. Pour la Mirror Foundation, une organisation privée qui soutient des projets de développement, le chiffre serait supérieur à 6 000. Pire encore, plus de 1 000 d’entre eux seraient des enfants, dont 80% de nationalité cambodgienne. Principaux facteurs d’explication derrière ces chiffres : le chômage et le trafic d’êtres humains provenant des pays voisins.

La loi prévoit d’aider les mendiants à se réinsérer après leur période de détention. Les autorités veulent « tirer les mendiants hors des sentiers de Bangkok » en améliorant leurs conditions de vie. Mais étant donné le nombre de personnes dans le besoin, Prachatai « attend de voir » si le gouvernement pourra atteindre ses objectifs.

Channel News Asia – Des provocations qui portent à confusion. Hier, dimanche 29 mai, les Forces armées indonésiennes ont déclaré dans un communiqué de presse qu’une frégate nationale Oswald Siahaan 354 avait détecté et arrêté ce vendredi 27 mai un vaisseau chinois, le Gui Bei Yu, près des îles Natuna, qui sont administrées par l’Indonésie. Jakarta avait saisi un autre vaisseau chinois au même endroit pas moins de deux jours auparavant. Ce dernier était suspecté de pêche illégale. La Chine, qui se sert régulièrement de ses pêcheurs comme avant-garde de ses revendications insulaires, considère qu’elle a le droit de pêcher dans les eaux autour des Natuna.

Au total, 8 personnes ont été arrêtées dans l’incident de vendredi. Un représentant de l’armée a affirmé que le garde-côte chinois se tenait prêt lorsque les officiers indonésiens sont montés a bord pour arrêter l’équipe du chalutier. Le même type d’incident a été recensé en mars dernier. Dès lors, les tensions diplomatiques se sont aggravées entre la Chine et l’Indonésie. Les parties s’étaient mises d’accord pour interpréter l’incident comme un « malentendu » pour régler la dispute. Channel News Asia rappelle qu’un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères avait déclaré que les îles Natunas appartenaient bien à l’Indonésie.

Voir notre article sur le conflit en mer de Chine du Sud et l’Indonésie.

Asie du Sud

Dawn – En matière de protection des femmes, la province du Pendjab est à l’avant-garde au Pakistan. Après le vote à l’unanimité par l’assemblée provinciale de la « loi contre les violences faites aux femmes » en février dernier, le gouvernement local souhaite désormais s’assurer de la bonne application du texte. Il s’agit de permettre aux femmes de pouvoir efficacement porter plainte en cas de violences à leur encontre – en évitant les méandres bureaucratiques et toute la « paperasse administrative », responsables de « délais indésirables et déplacés », explique un membre du gouvernement pendjabi. Pour ce faire, un nouveau réseau d’institutions a dû être mis sur pied. L’Autorité des Centres contre les Violences faites aux Femmes a ainsi été créée ce lundi 30 mai. Elle doit s’assurer du contrôle, de la coordination et de la bonne gestion des « Centres locaux contre les violences faites aux femmes », établis dans chacun des 36 districts du Pendjab.
Times of India – Le Canada abriterait-t-il un camp d’entraînement terroriste ? C’est ce que redoute le gouvernement de l’Etat indien du Pendjab, d’après un rapport transmis au Premier ministre canadien Justin Trudeau. Selon les enquêteurs, cinq « terroristes sikhs » liés à la Khalistan Terror Force (KTF) s’entraineraient depuis l’année dernière à tirer à l’AK47 dans la ville de Mission (en Colombie britannique, dans l’Est canadien). Objectif : perpétrer une attaque sur le sol indien en faveur de l’indépendance du Khalistan (nom de l’Etat revendiqué par les séparatistes sikhs du Pendjab). Leur leader présumé, Hardeep Nijjar, est déjà sous mandat d’arrêt indien, en lien avec l’explosion au cinéma de Shingaar qui avait fait six morts en 2007. Les autorités pendjabies demandent désormais son extradition.

Les révélations de ce rapport tiennent à l’arrestation récente de l’un des membres du groupe, Mandeep Singh, il y a quinze jours. Lors de son interrogatoire, il a notamment révélé s’être rendu plusieurs fois au Pakistan avec Hardeep Nijjar afin de se former auprès des services secrets pakistanais (ISI). Les deux complices étaient censés entreprendre des attaques au Pendjab dès le mois de janvier à l’encontre de policiers, de leaders du Shiv Sena et de leaders de « dera » (nom pundjabi donné à des lieux de socialisation). La surveillance accrue de la frontière indo-pakistanaise à la suite des attentats de Pathankot le 2 janvier dernier avait néanmoins contrecarré leurs plans : Hardeep Nijjar n’a pas pu faire passer d’armes depuis le Pakistan à Mandeep Singh, alors en Inde.

Khaama Press – L’agence de presse Khaama rapporte aujourd’hui lundi 30 mai l’arrestation d’un correspondant de la BBC, Nematullah Kariab, dans la province afghane de Nangarhar (est du pays). Très peu d’informations ont été livrées sur l’opération conduite ce samedi 28 mai, si ce n’est qu’elle a été organisée par le personnel de sécurité de la ville de Jalalabad, la capitale provinciale. Les motifs de l’arrestation demeurent inconnus. Néanmoins, le leader de l’ONG afghane Nai, qui lutte pour la liberté de la presse dans le pays, a publiquement demandé que les autorités s’expliquent sur ce geste, et que Nematullah Kariab soit immédiatement libéré s’il était détenu en raison de sa couverture de l’actualité depuis Jalalabad.
Par Joris Zylberman, Alexandre Gandil et Alice Hérait, avec Hubert Kilian à Taipei, Sylvie Lasserre Yousafzaï à Istanbul et Anda Djoehana Wiradikarta à Paris

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