Cette semaine en Asie - 28 mai 2016

Japon : une visite pour l'Histoire

Le président américain Barack Obama et le Premier ministre japonais Shinzo Abe se recueillent devant le cénotaphe des victimes de la bombe A dans le parc du mémorial pour la paix de Hiroshima.
Le président américain Barack Obama et le Premier ministre japonais Shinzo Abe se recueillent devant le cénotaphe des victimes de la bombe A dans le parc du mémorial pour la paix de Hiroshima. (Crédit : Ma Ping / POOL / AFP)
Barack Obama est décidément l’homme des premières fois. Sa visite historique à Hiroshima ce vendredi 27 mai sur les traces de la première bombe nucléaire américaine devrait rester dans les annales. En grande partie à cause d’un discours que tous les médias du monde ont qualifié « d’émouvant ».
« La révolution scientifique qui nous a conduits à la fission de l’atome appelle également une révolution morale, » voilà en substance le discours du premier président américain en exercice à se rendre sur les lieux où des centaines de milliers de Japonais ont péri sous le feu nucléaire.
Ce fut une visite forte en symboles. De l’accolade entre Barack Obama et Shigeaki Mori, l’un des hibakusha, survivants de la bombe atomique présents ce vendredi, à la signature de « l’homme le plus puissant du monde » dans le livre d’or destiné aux visiteurs de Hiroshima.

« Il y a 71 ans, la mort est tombée du ciel » et depuis lors, l’existence de la bombe nucléaire« démontre que l’humanité a les moyens de se détruire elle-même ». Malgré les critiques et les soubresauts antérieurs à cette visite historique, Barack Obama n’a pas mâché ses mots durant un discours destiné à « rendre hommage aux morts ». Pas question d’excuses américaines ici, mais plus d’un plaidoyer pour un monde sans armes nucléaires dans lequel « Hiroshima serait connue non pour son rôle à l’aube de la guerre nucléaire, mais comme l’endroit de notre réveil moral ». Et cela alors même que la situation dans la belliqueuse Corée du Nord voisine fait ressurgir à chaque nouvel essai, la complexité de la question de la non prolifération.

Cette visite faite en marge du G7 a aussi permis aux dirigeants des sept plus grandes puissances économiques au monde – les Etats-Unis, le Japon, le Canada, la France, l’Allemagne, le Royaume Uni et l’Italie (la Russie est suspendue jusqu’à nouvel ordre) – de disserter et d’accorder leurs points de vue face aux échéances à venir et aux vastes problèmes qui troublent un monde toujours plus militarisé.

Retour sur une semaine au Japon à travers la presse asiatique et internationale.

Lundi 23 mai

Mainichi Shimbun – La visite de Barack Obama approche et l’affaire prend de l’ampleur. Le gouverneur d’Okinawa, Takeshi Onaga, a demandé au Premier ministre Shinzo Abe de lui organiser un rendez-vous avec le président américain. Cette demande intervient suite à l’aveu il y a quelques jours du meurtre d’une jeune Japonaise par un civil ancien marine employé sur la base américaine de la ville. Après une réunion pendant laquelle le Directeur de cabinet du Premier ministre, Yoshihide Suga, a annoncé qu’un tel rendez-vous serait « difficile » à organiser, Takeshi Onaga a appelé à une nouvelle version de l’accord du statut des forces. Cet accord signé entre le Japon et les Etats-Unis définit la gestion des militaires et personnels américains au Japon. « Nous ne pouvons tolérer un tel incident. C’est un crime simplement parce que les bases militaires américaines existent à Okinawa », s’est plaint le gouverneur. Il a déclaré vouloir parler directement au président Obama pour s’assurer de la sécurité des vies et propriétés des résidents de sa préfecture, ainsi que de celles des générations futures. Une marche « massive » pour protester contre ce crime se prépare, rapporte le Mainichi Shimbun dans un autre article. Une autre marche avait déjà eu lieu en 1995 après le viol d’une fillette par trois militaires américains. 85 000 personnes y avaient participé.

Mardi 24 mai

Mainichi Shimbun – Soupçons de corruption au Japon. Le président du comité olympique japonais a annoncé hier lundi 23 mai qu’il avait approuvé le paiement de plus de 2 millions de dollars fait à une agence de consulting singapourienne, lié au processus de candidature de Tokyo pour accueillir les Jeux de 2020. Les deux versements ont été effectués dans les mois qui ont précédé la victoire de la capitale nippone en septembre 2013. La société concernée, Black Tidings, est dirigée par Ian Tan Tong Han, un proche de l’un des fils de l’ex-patron de l’athlétisme mondial Lamine Diack. L’ancien membre du CIO suspendu en novembre 2015 soutenait d’abord la candidature d’Istanbul mais avait fini par approuver celle de Tokyo. Ces virements suspects font peser des soupçons sur la victoire du Japon et sont au coeur d’une enquête pour corruption ouverte fin 2015 à Paris et confiée à trois juges d’instruction.

Mercredi 25 mai

Mainichi Shimbun – Les gouvernements américains et japonais prévoient d’inviter les survivants de la bombe atomique au parc du Mémorial pour la paix d’Hiroshima, a annoncé une source du gouvernement japonais. Cette venue aurait lieu lors du dépôt d’une gerbe par le président Barack Obama au cénotaphe des victimes de la bombe A ce vendredi 27 mai. Le gouverneur d’Hiroshima et le maire de la ville avaient rencontré le Premier ministre nippon Shinzo Abe dans son bureau à Tokyo le 24 mai pour lui demander que le président américain rencontre des survivants de la bombe. Tokyo et Washington seraient aussi en train d’arranger la venue d’un ancien prisonnier de guerre américain de la Seconde Guerre mondiale pour cette même cérémonie à Hiroshima.

Rappelons que ce dimanche 22 mai, Obama avait déclaré à la télévision japonaise qu’il ne s’excuserait pas pour le bombardement atomique d’Hiroshima lors de sa visite.

Jeudi 26 mai

Mainichi Shimbun – Au Japon, Barack Obama ne pourra faire l’impasse sur d’épineux dossiers grevant les relations entre Washington et Tokyo. Ainsi le quotidien nippon The Mainichi révèle que le président américain pourrait s’entretenir demain vendredi 27 mai, lors de sa visite à Hiroshima, avec des survivants de l’attaque nucléaire de 1945, appelés hibakusha. Une décision justifiée par le symbole fort qu’une telle rencontre pourrait représenter, en faveur d’un monde débarrassé de toute arme nucléaire.

Mais outre les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, l’ombre de la Seconde guerre mondiale continue de flotter sur les relations nippo-américaines, souligne le Mainichi dans un second article. Sur l’île d’Okinawa, où sont implantées des bases militaires américaines depuis 1945, le sentiment anti-Etats-Unis ne cesse d’enfler au sein de la population locale. Dernier événement en date responsable de cette hostilité : « l’abandon du corps sans vie » – donc, le meurtre – d’une habitante de l’île par « un civil américain » travaillant dans l’une des bases militaires… Un « incident » que Barack Obama s’est empressé de qualifier « d’inexcusable » et que les autorités des deux pays ont immédiatement pris en charge.

Malgré ces facteurs de tension, Shinzo Abe a néanmoins réaffirmé sa volonté de consolider son alliance avec les Etats-Unis, qu’il considère comme « le cœur de sa diplomatie et sa principale relation bilatérale en matière de sécurité ». De même, le Japon représente le « principal relai » du pivot américain vers l’Asie, commente le quotidien nippon.

Vendredi 27 mai

Japan Times – Il est officiellement le premier président américain en exercice à se rendre à Hiroshima. Barack Obama s’est exprimé aujourd’hui vendredi 27 mai sur le théâtre du premier bombardement nucléaire, après avoir déposé une couronne de fleurs au Mémorial pour la paix et visité un musée exposant des photographies de victimes, ainsi que des reliques de l’attaque. S’il ne s’est pas excusé, le président américain a rappelé la nécessité de « réfléchir à la terrible force déversée dans un passé pas si lointain » en « regardant l’Histoire droit dans les yeux », et de se rappeler de « tous les innocents tués au cours de cette guerre atroce ». Comme convenu, Barack Obama s’est également entretenu avec un hibakusha, survivant de l’attaque nucléaire : Sunao Tsuboi, alors étudiant de 20 ans lors du bombardement du 6 août 1945, relève le Washington Post. Dans le livre d’or destiné aux visiteurs de Hiroshima, le président américain a rappelé son désir de voir le monde « libéré de toute arme nucléaire ».
The Jakarta Post – Les relations nippo-indonésiennes vont-elles regagner en confiance ? Depuis que Jakarta a écarté Tokyo au profit de Pékin pour développer son premier réseau de train à grande vitesse l’année dernière, les rapports entre les deux archipels ne sont plus vraiment au beau fixe… Et pourtant. L’Indonésie et le Japon continuent d’être dans une situation « d’interdépendance économique », souligne le Jakarta Post : Tokyo est le premier créancier de Jakarta, l’un de ses plus gros investisseurs et de ses plus importants importateurs. Du point de vue nippon, il ne faudrait pas que la Chine ne vienne trop perturber cet équilibre. C’est pourquoi le président Jokowi et le Premier ministre Shinzo Abe doivent se rencontrer ce vendredi 27 mai, en marge du G7.

L’occasion d’évoquer deux projets de développement d’infrastructures en Indonésie, auxquels le Japon aimerait prendre part – le port en eaux profondes de Patimban (Java) et la ligne de chemin de fer entre Jakarta et Surabaya – mais aussi de soulever des points de friction dans leurs relations bilatérales. C’est le cas de l’investissement de 1,6 milliard de dollars effectué par l’entreprise nippone Inpex pour l’exploitation offshore du bloc gazier de Masela, remis en cause au mois de mars par le président Jokowi qui a demandé une exploitation onshore. Le Japon attend également de l’Indonésie qu’elle assume son statut de leader de l’ASEAN, notamment sur le dossier des conflits de souveraineté en mer de Chine du Sud.

Par la Rédaction d’Asialyst

Soutenez-nous !

Asialyst est conçu par une équipe composée à 100 % de bénévoles et grâce à un réseau de contributeurs en Asie ou ailleurs, journalistes, experts, universitaires, consultants ou anciens diplomates... Notre seul but : partager la connaissance de l'Asie au plus large public.

Faire un don
[asl-front-abonnez-vous]
[asl-front-abonnez-vous]