Corée du Nord : la consécration de Kim Jong-un
Une véritable consécration officielle pour Kim Jong-un qui n’a en réalité qu’un véritable but : s’inscrire dans l’histoire et notamment se placer dans les pas de Kim Il-sung, son grand-père, le père fondateur de la nation, dont le simple nom évoque un âge d’or à tous les Nord-Coréens, une époque durant laquelle le pays était prospère, plus encore que la Corée du Sud.
Pour cela quelques moyens subliminaux bien étudiés par les services de communication nord-coréens ont été mis en œuvre: être proche du peuple comme l’était Kim Il-sung (on entendait le son de la voix de Kim Jong-un lors de la retransmission du discours par la chaîne d’Etat, alors que les discours de son prédécesseur et père, Kim Jong-il, n’étaient eux jamais diffusés à l’oral), porter les mêmes vêtements aussi que Kim Il-sung (même complet veston occidental, même cravate grise, mêmes lunettes, même papier tenu à la main)… Il est vrai en outre que la ressemblance physique entre le jeune Grand soleil du XXIème siècle et son grand-père, le « Soleil éternel » est frappante. Toutefois, à travers de choix d’un costume occidental « moderne », Kim Jong-un souhaite s’affirmer aussi en tant que dirigeant contemporain, avec la volonté de se distinguer de ce même grand-père qui lors du sixième Congrès en 1980 portait, lui, une veste à col officier.
Des détails très symboliques de ce qui pourrait être le nouveau slogan politique du régime: « Le changement dans la continuité ». C’est ce qui ressort du discours d’ouverture de Kim Jong-un, diffusé en différé vers 22.00 heures (heure locale) sur la chaîne de télévision nord-coréenne. Un discours classique finalement avec trois axes forts : la réaffirmation du pays comme puissance nucléaire avec une mention particulière pour « un magnifique premier essai de bombe à hydrogène » à considérer comme « le glorieux prélude de l’année à venir » ; la nécessité de combattre aussi « dans des temps exceptionnellement difficiles qui ont vu la chute du monde socialiste » et en dépit « des manœuvres vicieuses des forces hostiles impérialistes, à travers sanctions (économiques NDLR) et étranglement » et enfin : l’importance du « développement économique et de l’amélioration du niveau de vie du peuple ».
Un message fort pour le peuple de Corée du Nord qu’il faut unir dans un avenir « héroïque et grandiose » afin notamment de faire face à un quotidien rendu difficile par les sanctions économiques, mais aussi pour la communauté internationale (et les Etats-Unis, dont les intentions du successeur d’Obama seront certainement mises à l’épreuve) : Kim Jong-un a le pouvoir en main et il faudra compter avec lui encore pendant de longues années…
Retour sur une semaine en Corée du Nord à travers la presse asiatique et internationale.
Lundi 2 mai
Face à cette hémorragie humaine, la Corée du Nord a ces derniers temps renforcé la protection de sa frontière avec la Chine, au nord du pays. Les défections sont souvent organisées par les églises évangéliques sud-coréennes et américaines particulièrement prosélytes et actives en Mandchourie chinoise. C’est dans ce cadre que s’inscrit probablement l’assassinat ce samedi d’un pasteur chinois de la minorité ethnique coréenne dans la province chinoise du Jilin. D’après le site chrétien sud-coréen d’actualités Nocutnews le pasteur activiste Han Chung-ryeol, qui supervisait les défections entre Hyesan en Corée du Nord et la zone autonome coréenne de Yanbian en Chine, aurait été tué à l’arme blanche sur le versant chinois du mont Changbai. L’assassinat pourrait être le fait d’agents nord-coréens, infiltrés en Chine.
Mardi 3 mai
Le pays entier est mobilisé depuis le 23 février dernier pour la préparation de Congrès historique, dans une campagne spéciale qui, d’après le calendrier nord-coréen, a pris fin hier. Cette période, destinée à exalter le sentiment national, a été appelée la « lutte des Soixante-dix jours », en mémoire du « combat des Cent jours » qui avait précédé le sixième Congrès en 1980.
Les Nord-Coréens, jeunes ou vieux, hommes, femmes et enfants, ont en effet été appelés par tous les moyens à démontrer leur loyauté au régime : en travaillant deux fois plus et en faisant tout effort supplémentaire pouvant aider à la gloire de la nation. Ils ont aussi été incités à donner de l’argent, de préférence en devises étrangères, en échange de jours de congés ou d’autres avantages. La propagande s’est aussi faite de plus en plus visible à travers le pays où de nombreux panneaux colorés avec des slogans à la gloire de la nation ont été installés par de véritables escadres de volontaires.
Mercredi 4 mai
Par « exploits », le quotidien nord-coréen entend des projets d’infrastructures et le développement de missiles balistiques lancés par sous-marin. Des observateurs estiment néanmoins que l’objet principal du Congrès sera de confirmer l’achèvement du programme de dissuasion nucléaire. D’aucuns s’attendent à un cinquième essai nucléaire juste avant ou pendant le Congrès en guise de démonstration de force. Pour le Rodong Sinmun, l’arme nucléaire est une « épée précieuse » , « un trésor de bonheur qui nous protègera de beaucoup de choses dans les années à venir ». Le deuxième thème majeur sera le développement économique du pays. En effet, lors de son investiture, Kim Jong-un avait déclaré que les Nord-Coréens n’auraient plus jamais à « se serrer la ceinture ». Le dernier Congrès du Parti des travailleurs a eu lieu en 1980, sous le règne du « Grand dirigeant » Kim Il-sung.
Jeudi 5 mai
Corée du Nord : diplomatie du sport et menace nucléaire
En effet, derrière cette confraternelle diplomatie du sport, se cache un double message : en se montrant raisonnable et bienveillant, le Nord souhaite en effet attiser les divisions politiques au Sud entre conservateurs, favorables à la présidente, et l’opposition. Mais il compte surtout, d’après certains experts, par cet avant-goût de relations apaisées, culturelles et sportives, rappeler à Séoul qu’une normalisation des rapports ne tient qu’à un fil : celui du nucléaire ! Pour Daniel Pinkston, maître de conférence à l’université Troy, c’est un avertissement que l’on peut traduire en ces termes : « soit vous nous reconnaissez en tant qu’état nucléarisé et nous entretiendrons de riches relations intercoréennes sur tous les plans, soit vous refusez, nous n’abandonnerons de toutes les façons pas l’arme nucléaire mais nous ne vous laisserons jamais de répit. »
Vendredi 6 mai
(Pour approfondir, lire notre Temps fort de ce jour: Kim Jong-un et les priorités économiques, entretien avec Antoine Bondaz)
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