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Témoin - Siau-Lian-Lang, être jeune à Taïwan

 

Taïwan : les jeunes et la lecture, une passion fragile (½)

Le Salon international du livre de Taipeï attire chaque année plus de 500 000 visiteurs.
Le Salon international du livre de Taipeï attire chaque année plus de 500 000 visiteurs. (Crédit : Pierre-Yves Baubry).
Bonne nouvelle ! Les jeunes Taïwanais aiment lire – enfin c’est ce qu’ils disent quand on les interroge. Dans l’enquête sur les habitudes de lecture réalisée en 2014 pour le ministère taïwanais de la Culture et publiée en décembre dernier, 76 % des 12-19 ans et 72 % des 20-29 ans déclarent aimer la lecture. A contrario, moins de la moitié des plus de 60 ans trouve du plaisir à tourner les pages d’un livre : à Taïwan, l’amour de la lecture semble décroître avec l’âge.
C’est aussi parmi les jeunes que l’on trouve le moins de personnes ne lisant pas du tout. En 2014, 86 % des 12-19 ans et 75 % des 20-29 ans ont lu au moins un livre, contre 61 % en moyenne pour les Taïwanais âgés de plus de 12 ans.
Logiquement, les jeunes sont aussi ceux qui lisent le plus de livres par an. En 2014, les 12-19 ans ont lu en moyenne un peu plus de 18 livres contre 13 pour les 20-29 ans et huit pour les plus de 50 ans.

On peut illustrer de bien des manières cet engouement. Le Salon international du livre de Taïpei attire chaque année plus de 500 000 visiteurs (soit le triple des visiteurs au Salon du livre de Paris), et une multitude d’adolescents et de jeunes adultes peuple alors ses allées, feuilletant les ouvrages et se bousculant aux séances de signatures. En outre, Taïwan compte une librairie et des bibliothèques publiques ouvertes 24h/24, et la production éditoriale y est foisonnante, avec environ 40 000 titres publiés chaque année.

Vue du Salon international du livre de Taipeï.
Vue du Salon international du livre de Taipeï. (Crédit : Pierre-Yves Baubry).
La situation est toutefois plus contrastée.

A l’image des jeunes Français, si les jeunes Taïwanais peuvent se targuer d’être de plus grands lecteurs que leurs aînés, c’est en partie en raison des obligations scolaires et des lectures studieuses qui les accompagnent, celles d’ouvrages scientifiques et techniques notamment.
Les manuels scolaires et de préparation aux examens sont omniprésents – à la faveur de nouveaux programmes scolaires, ils ont d’ailleurs représenté en 2014 le cinquième des nouveaux titres publiés par les 874 maisons d’édition les plus actives du pays.

Plus largement, les professeurs et les bibliothèques scolaires restent les premiers prescripteurs : 70 % des lycéens disent suivre leurs conseils de lecture, à en croire une enquête de la librairie en ligne books.com parue en 2014.

Pour le reste, les 12-19 ans lisent, pour passer le temps, avant tout des « romans légers » : des romans de cape et d’épée à la Jin Yong (金庸), des romans policiers comme ceux du Japonais Keigo Higashino, des récits d’aventure du type « The Hunger Games » ou « Percy Jackson », des histoires sentimentales signées Giddens Ko (九把刀) ou Hu Hsuan (護玄), ou encore des récits de science fiction.
Ils sont aussi lecteurs d’œuvres littéraires (dont les classiques exigés par l’école), de biographies, ainsi que de bandes dessinées.

A Taïwan, la lecture de bandes dessinées est d’ailleurs le propre de l’adolescence : plus de la moitié des moins de 20 ans en lisent, contre 36 % des 20-29 ans et très peu ensuite. Il s’agit principalement de mangas japonais traduits en chinois, même si les auteurs taïwanais gagnent en visibilité, à l’image de la dessinatrice Akru (沈穎杰) par exemple.

Reflet de leurs lectures mais aussi sans doute de leur moindre mobilité, 22% des collégiens et lycéens sont clients des librairies indépendantes : librairies scolaires, librairies de mangas ou petites librairies de quartier. A l’inverse, les 20-29 ans délaissent ces dernières et plébiscitent les grandes chaînes et les librairies en ligne.

Les jeunes Taïwanais aiment lire : c'est ce qu'il ressort d'une enquête publiée par le ministère taïwanais de la Culture en décembre 2015.
Les jeunes Taïwanais aiment lire : c'est ce qu'il ressort d'une enquête publiée par le ministère taïwanais de la Culture en décembre 2015. (Crédit : Pierre-Yves Baubry).
Quand ils entrent à l’université ou dans la vie active, les jeunes Taïwanais continuent d’apprécier les ouvrages de fiction mais leurs lectures se diversifient. Ils prennent goût aux sciences humaines, à l’histoire et à la politique, aux guides sur l’entreprise, la finance ou le voyage, et plébiscitent les manuels d’apprentissage de langues étrangères, montre l’étude du ministère de la Culture.

Les jeunes parents investissent par ailleurs beaucoup dans l’achat de livres d’éveil et d’albums illustrés pour leurs enfants en bas âge. En dépit d’un taux de natalité parmi les plus faibles au monde, Taïwan a ainsi engendré un secteur de l’édition jeunesse des plus dynamiques.

D’où vient alors cette impression, largement répandue dans l’île, que les jeunes Taïwanais lisent de moins en moins ?

A suivre

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A propos de l'auteur
Après avoir travaillé en France et en Chine dans le domaine de la communication et des médias, Pierre-Yves Baubry a rejoint en 2008 l’équipe de rédaction des publications en langue française du ministère taïwanais des Affaires étrangères, à Taipei. En mars 2013, il a créé le site internet Lettres de Taïwan, consacré à la présentation de Taïwan à travers sa littérature.
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