Politique
Analyse

Taïwan : Tsai Ing-wen, la prochaine présidente ?

"Que la force soit avec Tsai." Illustration d’Ivan Gros. Tsai Ing-wen, la candidate du Parti Démocrate-Progressiste (DPP) à la présidentielle taïwanaise de 2016, est ici surplombée par trois personnages : à gauche, le Kuomintang (KMT, parti conservateur au pouvoir, dont la candidate Hung Hsiu-chu est très bas dans les sondages), au centre, la République populaire de Chine (RPC, qui pèse de tout son poids dans l’élection) et à droite, le People First Party (PFP, dirigé par James Soong qui a récemment déclaré sa candidature à la présidentielle, et qui a immédiatement dépassé la candidate du KMT dans les sondages). (Copyright : Ivan Gros)
"Que la force soit avec Tsai." Illustration d’Ivan Gros. Tsai Ing-wen, la candidate du Parti Démocrate-Progressiste (DPP) à la présidentielle taïwanaise de 2016, est ici surplombée par trois personnages : à gauche, le Kuomintang (KMT, parti conservateur au pouvoir, dont la candidate Hung Hsiu-chu est très bas dans les sondages), au centre, la République populaire de Chine (RPC, qui pèse de tout son poids dans l’élection) et à droite, le People First Party (PFP, dirigé par James Soong qui a récemment déclaré sa candidature à la présidentielle, et qui a immédiatement dépassé la candidate du KMT dans les sondages). (Copyright : Ivan Gros)
Lorsqu’en février 2015, Tsai Ing-wen, présidente du Parti démocrate-progressiste (DPP) dans l’opposition, annonce sa candidature à l’élection présidentielle de janvier 2016, l’idée semble plus cohérente qu’en 2012. Donnée aujourd’hui gagnante dans les sondages, elle s’appuie sur un parti qu’elle a reconstruit et sur une crédibilité patiemment élaborée.
Le DPP a payé cher l’héritage politique légué par Chen Shui-bian. Le second mandat de l’ancien président (2004-2008) fut rythmé par les scandales de corruption et les tensions dans le détroit de Taïwan, entre le mécontentement des Etats-Unis et les menaces furibondes du Parti communiste chinois (PCC). Bête noire de Pékin et discrédité aux yeux des Taïwanais en 2008, le parti indépendantiste a connu une longue traversée du désert sous la direction de Tsai Ing-wen. Mais cette dernière est parvenu, à la surprise de ses détracteurs, à lui redonner une nouvelle crédibilité.

Contexte

Avec son style de technocrate marqué par la discrétion et la simplicité, Tsai Ing-wen, 58 ans, n’a pas l’image d’une politicienne rompue aux joutes oratoires et aux discours musclés. Elle jouit pourtant d’une grande expérience au service de l’Etat taïwanais, doublée d’une pratique assidue de la politique. Alors qu’elle n’est membre d’aucun parti, elle prend part dès la fin des années 1990 à l’élaboration de la théorie des relations spéciales d’Etat à Etat, lancée par l’ancien président taiwanais Lee Teng-hui en 1999, dont elle est proche. Ce qui la rend particulièrement suspecte aux yeux des Chinois qui la critiquent violemment. Elle participe ensuite aux négociations pour l’entrée de Taïwan à l’Organisation mondiale du commerce en 2001. Ministre des Affaires continentales dans le gouvernement de Chen Shui-bian de 2000 à 2004, elle en devient vice-Premier ministre en 2006. Une ascension rapide pour celle qui est entrée au Parti Démocrate-Progressiste seulement en 2004.

Lors de la présidentielle de janvier 2012, face à l’actuel chef de l’Etat Ma Ying-jeou, elle réunit 45,6 % en menant une campagne très axée sur le social. Trois ans après, en juin 2015, le magazine américain Time lui consacre sa couverture en titrant : « Elle pourrait diriger la seule démocratie du monde chinois. » La dynamique ainsi enclenchée semble difficile à stopper face à un Kuomintang exsangue après huit ans d’exercice du pouvoir.

Tsai Ing-wen, présidente du Parti Démocrate-Progressiste salue l’audience d’une conférence de presse à Taipei le 15 avril 2015, jour de l’annonce de sa candidature à la présidentielle de 2016. (Crédit : AFP PHOTO / Sam Yeh)
Tsai Ing-wen, présidente du Parti Démocrate-Progressiste salue l’audience d’une conférence de presse à Taipei le 15 avril 2015, jour de l’annonce de son investiture par son parti comme candidate à la présidentielle de 2016. (Crédit : AFP PHOTO / Sam Yeh)
La remise à flot du DPP

Désormais, aux yeux de Washington, la perspective d’un retour aux affaires du DPP n’est plus synonyme d’une crise militaire dans le détroit de Taïwan. En témoigne l’accueil inédit bien qu’officieux, réservée par la Maison Blanche à Tsai Ing-wen lors de sa visite de 12 jours en juin dernier. Loin d’un changement soudain, c’est le fruit du long travail de la candidate et de son parti pour reconstruire ses réseaux de communication avec Washington, mais aussi avec Pékin au profit d’un dialogue recherché et qualifié de « constructif ». A regarder le niveau de protocole et la manière dont les Américains ont géré cette visite, comme le détaille le site Question Chine, on s’aperçoit à quel point l’image et la crédibilité du DPP ont évolué.
Certains observateurs lisent toutefois dans l’attitude de Washington un calcul motivé par les tensions nées de la posture agressive de Pékin dans les conflits de souveraineté en mers de Chine méridionale et orientale. D’autres, notamment dans la presse anglophone pro-chinoise, estiment que les Américains font un choix tactique pour prévenir la signature d’un accord de paix ou l’adoption de mesures pour construire la confiance sur le plan militaire entre Taipei et Pékin. Des mesures qui figurent au programme de la candidate du Kuomintang (KMT), mais qui sont peu conformes aux intérêts des Etats-Unis dans un contexte de crispation de la relation sino-américaine. Quoi qu’il en soit, Tsai Ing-wen a su séduire les responsables à Washington. Elle semble aussi en avoir fini avec l’image négative d’un parti indépendantiste fauteur de trouble, et susceptible de déstabiliser à tout moment les équilibres stratégiques dans le détroit de Taïwan.

Le KMT n’a plus le monopole de Pékin

Cependant, la crédibilité du DPP ne s’est pas reconstruite en un jour. Parmi les chantiers qui ont nécessité un long et patient travail, l’un des plus déterminants a résidé dans l’établissement d’une communication « constructive » avec Pékin. Tsai Ing-wen, qui a déjà assumé les fonctions de ministre des Affaires continentales de 2000 à 2004, en a retiré une capacité à communiquer et à travailler avec les Chinois. En août 2012, elle a créé la fondation Thinking Taiwan avec l’ambition d’utiliser cette structure pour lancer des échanges académiques avec les chercheurs chinois, et petit à petit dialoguer avec Pékin. La chose devient possible après janvier 2014 et le voyage en Chine d’une délégation d’universitaires menée par Lin Chuan, directeur de la fondation et ancien ministre des Finances de Chen Shui-bian. En parallèle, une diplomatie « municipale » est mise en place. Deux maires DPP, Chen Chu à Kaoshiung et William Lai à Tainan, effectuent des visites en Chine. Malgré tout, plusieurs observateurs s’interrogent sur l’efficacité et la pérennité de cette démarche d’édile dans le contexte des deux rives.
Peu importent les doutes : pour Tsai Ing-wen et le DPP, l’objectif est de faire en sorte que le Kuomintang ne soit plus l’exclusif détenteur de la communication avec Pékin au travers de la relation construite avec le Parti communiste chinois à partir de 2005. Opposée à ce monopole diplomatique qui échappe ainsi à la scrutation démocratique et parlementaire, Tsai réfute cette dimension de parti à parti des relations entre les deux rives, son appropriation par les hauts-fonctionnaires et l’absence de transparence qui en résulte. De la même manière, il est aussi important qu’un dialogue entre Pékin et le DPP ne transite pas par le KMT. Selon certains observateurs avertis, les Chinois sont aussi très demandeurs d’une communication directe avec le parti indépendantiste, car ils cherchent à en comprendre la démarche.
Lorsqu’on examine le contenu des récentes déclarations chinoises, le changement de ton et de vocabulaire vis-à-vis du DPP est manifeste : la rhétorique n’est plus aussi belliqueuse qu’avant. Si le parti de Tsai est désormais capable de gérer un dialogue avec Pékin, le KMT perd alors une de ses précieuses cartes électorales, soit celle de sa capacité, revendiquée comme inégalée, à gérer sereinement les relations entre les deux rives. Durant la campagne de 2008, cet argumentaire de la gestion capable a valu la victoire à Ma Ying-jeou. En 2012 face à Tsai Ing-wen candidate, le scénario s’est répété car celle-ci avait échoué à convaincre sur ce thème central. En 2015, cette carte est passée dans son jeu.

Ambiguïté stratégique ou nouvel ordre constitutionnel ?

*Le consensus de 1992 se réfère à l’accord oral obtenu cette année-là par Taipei et Pékin selon lequel il n’existe qu’une seule Chine, chaque partie en retenant une interprétation différente. Ma Ying-jeou en a fait la pierre de touche de sa politique continentale et Pékin cherche désormais à l’imposer aux relations entre les deux rives. Le DPP a toujours rejeté son existence.
Face à la volonté du DPP d’apparaître comme une formation pragmatique et crédible pour Pékin et Washington, plusieurs chercheurs ont relevé une ambiguïté stratégique, se demandant si elle était entretenue à dessein par le parti. Concrètement, celle-ci pourrait donner une marge de manœuvre lorsque Pékin se fera plus pressant sur le respect du principe d’une seule Chine et le consensus de 1992* ou lorsque, à l’inverse, la base partisane du parti réclamera des garanties sur l’indépendance.
Pour convaincre lors de sa visite à Washington, Tsai Ing-wen a avancé, dans son allocution devant le Center for Strategic and International Studies (CSIS), un des plus influents think tank américain, l’idée d’un « nouvel ordre constitutionnel ». Selon sa définition, il s’agit de capitaliser sur « l’accumulation des résultats de vingt années de négociations et d’échanges devant servir de base solide à mes efforts pour renforcer la paix et la stabilité du développement des deux rives ; une continuation, non pas de la politique de Ma Ying-jeou, mais de la création d’une stabilité permettant aux Taïwanais de maintenir le statu quo ».
Si ce discours illustre l’ambition chez Tsai de s’inscrire dans la continuité, sans chercher à définir de nouveau cadre politique pour les deux rives, il s’appuie sur la fameuse « Résolution sur l’Avenir de Taïwan ». Votée en 1999 par le DPP pour stabiliser son ascension au pouvoir, elle énonce la fusion de la « République de Chine » avec « Taïwan », les deux termes étant dès lors équivalents. Sa position rappelle la “Chine constitutionnelle”, formule de Franck Hsieh, le candidat malheureux à l’élection de 2008 face à Ma Ying-jeou. Ce faisant, Tsai Ing-wen évite de se couper de sa base partisane tout en éloignant le potentiel de conflit avec Pékin.
« Je m’engage en faveur d’une relation durable, prévisible et consistante avec la Chine », déclare-t-elle encore lors de sa visite à Washington. Son discours ne semble ainsi plus faire de l’ambiguïté tactique un mode de gouvernance des relations entre les deux rives. Au contraire, il tente de se dégager de l’éternel dilemme stratégique, de cette articulation classique à Taïwan entre politiques étrangère et continentale, souvent l’une au détriment de l’autre, au profit d’une démarche économique sans dimension politique au sens des deux rives. De ce point de vue, l’idée de « nouvel ordre constitutionnel » avancé par Tsai Ing-wen cherche une rupture avec le passé du DPP, et en particulier de l’instabilité née de la contradiction entre statut international de Taïwan et principe d’une seule Chine.
Dans un article qu’elle a publié le 1er juin dans le Wall Street Journal, elle liste les quatre fondements de sa politique étrangère : une coopération élargie avec les Etats-Unis, une participation de Taïwan à des projets internationaux bénéfiques à la communauté internationale, la protection de l’autonomie économique de l’île à travers la diversification commerciale et le renforcement d’une coopération avec la Chine encadrée par des principes. On note ainsi une forte dimension coopérative et participative au service d’une « autonomie économique », autre nouveauté digne d’intérêt.

Répondre aux attentes économiques des Taïwanais

Tsai Ing-wen fonde son approche sur un certain désintérêt des Taïwanais, selon elle, pour le conflit de souveraineté avec Pékin. Elle a donc déplacé le curseur sur la lutte contre les inégalités, en dotant sa politique économique d’une forte dimension sociale. La variable chinoise est par ailleurs englobée sans état d’âme dans son équation économique. Elle promet des emplois, une politique de redistribution, la justice sociale et la création d’un nouveau modèle de croissance fondé sur l’innovation et la 4e révolution industrielle. « La mondialisation et l’émergence de la Chine comme usine du monde ont remis en cause le modèle économique de Taïwan fondé sur l’efficience de la production, ce qui a progressivement résulté en un accroissement des inégalités sociales, une fuite des emplois et une stagnation des salaires. Les Taiwanais souffrent », a-t-elle expliqué devant le CSIS.
*Voir Françoise Mengin, Trajectoires chinoises Taiwan Hong-Kong et Pékin, Karthala Paris 1998
Le mouvement des Tournesols d’avril 2014 n’a pas seulement fait échouer la signature d’un accord de coopération économique avec la Chine. Point d’orgue et de convergence de la grogne sociale qui règne à Taïwan depuis ces dernières années, il a spectaculairement démontré les limites de la politique continentale menée par Ma Ying-jeou : ce dernier avait soumis ses objectifs de politiques économique et étrangère au succès de sa politique chinoise. En ce sens, Tsai ing-wen et le DPP souhaitent répondre aux attentes des Taïwanais sans s’appuyer sur les résultats de la politique continentale avec Pékin ou de la politique étrangère avec Washington. Ils souhaitent ainsi « réinventer Taïwan de l’intérieur ». Ce qui rejoint l’analyse de la chercheuse Françoise Mengin : depuis les années 1990, l’espace de visibilité internationale de Taïwan est fonction de sa puissance économique, et non pas politique*.
La candidate du Kuomintang (KMT), Hung Hsiu-chu (au centre), entourée à gauche par Eric Chu, le président du parti, et Ma Ying-jeou, l’actuel président de la République, lors du congrès du KMT le 19 juillet 2015. (Crédit : AFP PHOTO / Sam Yeh)
La candidate du Kuomintang (KMT), Hung Hsiu-chu (au centre), entourée à gauche par Eric Chu, le président du parti, et Ma Ying-jeou, l’actuel président de la République, lors du congrès du KMT le 19 juillet 2015. (Crédit : AFP PHOTO / Sam Yeh)

L’inconnu des élections législatives

Depuis sa déclaration de candidature, Tsai Ing-wen caracole à 45% dans les sondages, loin devant la candidate du KMT, Hung hsiu-chu qui n’arrive toujours pas à passer la barre des 20% d’intentions de vote. Voyant les limbes dans lesquelles erre la campagne du KMT, Soong Chu-yu, habile politicien vétéran et président du Parti pour le Peuple (People First Party), a fait une entrée tardive mais surprise dans la campagne. Plusieurs fois candidat malheureux à la présidentielle, il rassemble aujourd’hui 25% des intentions de vote.
Le Parlement est composé de 113 députés élus grâce à un mode de scrutin mixte à un tour, avec 73 députés élus à la majorité simple dans des circonscriptions uninominales, et 34 élus à la proportionnelle sur liste de parti.
A Taïwan, l’élection du président n’a qu’un seul tour, et ce sont les législatives, organisées le même jour, qui feront vraisemblablement office de second tour. Le KMT, peut-être acquis à l’idée de sa défaite, cherchera à priver Tsai Ing-wen d’une majorité parlementaire pour la condamner à l’impuissance politique. Le parti de la majorité sortante risque toutefois de voir ses plans contrecarrés par Soong Chu-yu qui cherchera à se constituer un groupe parlementaire plus conséquent, en profitant de l’impopularité de Ma Ying-jeou, l’actuel président, et des maladresses de Hung Hsiu-chu.
Malgré tout, les dynamiques à l’œuvre dans les circonscriptions sont souvent sans lien avec la situation politique nationale. D’où l’inconnu qui demeure sur le sort du DPP aux législatives, même si ce dernier a particulièrement travaillé sur le terrain comme l’a montré sa victoire aux élections locales de novembre 2014. Si rien de décisif ne se produit d’ici cinq mois, le prochain président de l’unique démocratie chinoise sera effectivement une femme. Une première dans sa courte histoire.
Victor Yu à Taipei

DERRIERE LE DESSIN

Pour quoi représenter Tsai Ing-wen en maître Yoda ? C’est un clin d’oeil d’Ivan Gros, notre illustrateur, aux internautes taïwanais. A la parution de la couverture du Time avec le portrait serré et grave de la leader du DPP, le public a trouvé le profil bien peu avantageux pour Tsai, la montrant sous un jour jugé « trop âgé et avec une vilaine peau » ou bien « digne d’un film d’horreur ». Des photos-montages ont aussitôt fleuri avec le visage du vieux sage de la Guerre des Etoiles. Ce qu’Adam Ferguson, l’auteur de la couverture du Time n’a pas renié : « Mon intention dans cette photo était de démontrer la détermination et le fort caractère de Mme Tsai, pas la beauté. Et puis finalement, si seulement Maître Yoda était au pouvoir ! », s’est amusé le photographe.

Photo-montage rapprochant le portrait de Tsai Ing-wen avec celui de Maître Yoda. Capture d’écran du Taipei Times, le 22 juin 2015.
Photo-montage rapprochant le portrait de Tsai Ing-wen avec celui de Maître Yoda. Capture d’écran du Taipei Times, le 22 juin 2015.
Tsai Ing-wen en maître Yoda. Copie écran d’un forum de discussion taïwanais (https://disp.cc/b/163-8MEI).
Tsai Ing-wen en maître Yoda. Copie écran d’un forum de discussion taïwanais.

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A propos de l'auteur
Hubert Kilian vit à Taiwan depuis 2003 où il a travaillé comme journaliste pour des publications et des médias gouvernementaux. Il a régulièrement contribué à la revue "China Analysis". Il suit les questions de politiques étrangères et continentales à Taïwan, ainsi que certaines questions de société. Photographe, il a exposé à Paris, Taipei et Bandung.