Rony Brauman : "Je faisais partie de la piétaille du maoïsme français"
Entretien
Ce ne sont plus alors seulement des intellectuels de Normale Sup. Dans la famille gauchiste, donnez-moi le militant de base ! C’est à ce groupe de jeunes prêts à donner le coup de poing à la sortie des usines, qu’appartient Rony Brauman. Comme d’autres de sa génération, le jeune étudiant en médecine qu’il est alors entend faire durer le plaisir. Pour les « anarcho-robespierristes », comme les qualifiera l’écrivain Olivier Rollin en 2002, pas question de laisser retomber l’effervescence et les idées qui ont agité les campus du monde occidental en Mai 68 ! Grand gaillard, adepte du karaté, le jeune Brauman descend dans l’arène maoïste via la Gauche Prolétarienne. Mais l’envie d’en découdre avec le capitalisme et les institutions est plus forte que l’idéologie. La figure du Grand Timonier et le culte de la personnalité le terrifient. De ces courtes années maoïstes, Rony Brauman retient surtout le fait d’apprendre à dire non à l’ordre établi. Un bagage bien utile, lorsque, plus tard, il sera amené à présider l’organisation Médecins Sans Frontières. Entretien.
Ensuite, je suis rentré à la Fac en 1967. J’ai adhéré à l’UNEF et je me suis retrouvé à la fin de l’année universitaire dans les manifs auxquelles l’UNEF appelait. Puis, il y a eu le mouvement de Mai, les manifestations, les barricades, l’occupation de la Sorbonne et de l’Odéon. A la rentrée universitaire suivante, j’ai eu envie de continuer à militer. Les manifestations de 68 venaient de s’arrêter avec les vacances d’été, mais nous contestions toujours la société capitaliste, l’ordre bourgeois, etc.
Les maos, en tous cas dans leur version dite « spontex » de la toute nouvelle Gauche Prolétarienne, m’apparaissaient alors comme assez accueillants parce que privilégiant la rue, l’agitation, l’action, les grèves sauvages, les occupations d’usine, les occupations de facultés. C’est ça qui m’a tout de suite intéressé, beaucoup plus que la Révolution Culturelle et ce qui se passait en Chine qui était vraiment très lointain, très abstrait pour nous. Je ne voyais qu’un mouvement voulait continuer une mobilisation de rue, en opposition au parti communiste qui jouait la stratégie institutionnelle. Les « Pro-chinois » nous ressemblaient finalement, nous qui étions à moitié politisés ou en tous cas plus radicaux que politisés. J’étais alors à la faculté de médecine de Cochin. Les militants de la Gauche Prolétarienne de Cochin étaient extrêmement sympas. Pour moi, la dimension personnelle et relationnelle joue beaucoup dans ce type d’engagement. Quand on est un peu incertain, quand comme moi on dispose d’une culture politique assez superficielle, quand on ne sait finalement pas très bien pourquoi on va dans tel groupe plutôt que dans tel autre, ce sont des choses qui motivent.
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