Chine : "Je suis gay et je vais devenir papa…!"
Contexte
En Chine, l’homosexualité n’est pas considérée comme un péché au sens chrétien du terme. Si le confucianisme souligne qu’un homme doit se conformer à son rôle traditionnel, c’est-à-dire se marier et procréer, l’homosexualité, évoquée comme une chose courante et naturelle dès l’époque les dynasties Shang et Zhou (XVIIème av. J.-C. – 256 av. J.-C.) n’est devenue un acte criminel qu’avec l’arrivée de Mao en 1949.
Aujourd’hui, même si le mariage gay est encore loin d’être acquis, le droit des homosexuels n’a cessé de progresser depuis un peu plus d’une dizaine d’années. Documentaires ou comédies sur les gays ont déjà été diffusés sur les écrans de télévision, plaçant cette réalité très visible au centre de nombreux débats de société.
Dernière nouveauté en date, un film du réalisateur chinois Cheng Qingsong, Looking for Rohmer, mettant en scène une romance gay au cœur du Tibet entre un jeune Chinois et son compagnon français, devrait « bientôt » être diffusé dans les salles. Ainsi, en dépit d’un refroidissement politique général en Chine, les attitudes conservatrices à l’égard des relations homosexuelles changent. En 1997, l’homosexualité n’a plus été passible de prison. En 2001, le ministère de la Santé a retiré l’homosexualité de la liste des maladies mentales.
Un long parcours semé d’embûches
Interloqué de le voir si sûr de lui, je lui demande d’abord comment son « coming out » vis-à-vis de ses parents s’était passé. « J’avais 26 ans, il y a dix ans, je vivais avec un compagnon et nous nous demandions comment en parler ou ne pas en parler du tout à nos parents. A l’époque, la réalité homosexuelle en Chine n’était pas encore aussi visible qu’aujourd’hui mais j’avais décidé de leur en parler un soir. Mon père m’a demandé pourquoi j’aimais les garçons. Je lui ai répondu que je n’aimais pas les filles. Ma mère est restée silencieuse un long moment, tête baissée, puis a soudain lancé : ‘Allez, à table, le repas est prêt !' »
« J’ai d’abord réussi à acheter l’ovule d’une femme en passant par les services d’un hôpital de la ville où mes parents ont des connexions dans le milieu médical. »
« Ma cousine portera mon enfant »
« Normalement, le recours à des mères porteuses est totalement interdit en Chine mais il y a des agences souterraines qui se sont créées afin d’en procurer aux couples stériles ou bien à des homosexuels comme moi. C’est la seule façon de pouvoir avoir un enfant car l’adoption n’est pas très populaire. »
Wang Li exulte, ce sera son bébé, qui sera enregistré sur le lieu de naissance de la cousine en province et une amende devra être payée car le « couple » qu’il forme avec elle aura donc eu un enfant sans être marié. Une amende calculée en fonction de la richesse de la ville où elle va accoucher. « Après, je garde le bébé et je m’en occuperai avec mes parents qui sont encore plus excités que moi car ils vont devenir grands-parents. En plus, nous savons déjà qu’il s’agit d’un garçon, tout est parfait ! »
Aider les autres gays et affronter le sida
« Même si Chongqing est immense et surpeuplée, les mentalités ici sont encore très conservatrices, pas comme à Shanghai, Pékin, Hangzhou ou Shenzhen… Et le nombre de gays, difficile à évaluer, ne cesse de croître car la révolution sexuelle générale fait que ce sont des garçons de plus en plus jeunes qui viennent nous voir au petit bureau de notre association. Cela commence à 14 ans et va jusqu’à 70 ans ! »
Un coming out douloureux
Certains parents envoient parfois leurs enfants chez le médecin lorsqu’ils révèlent leur homosexualité, pensant que c’est une maladie qui se soigne par des médicaments. « L’Etat a retiré l’homosexualité des maladies psychiatriques dans les textes mais, dans la réalité, l’évolution des mentalités prend plus de temps. » Wang Li se plaint d’un esprit encore très traditionnel, d’une très mauvais éducation sexuelle dans les écoles et de la part des parents mais aussi d’un flot d’informations contradictoires, sinon fausses, sur Internet à propos des gays, de la drogue ou du sida.
« Pour autant, de plus en plus de groupes de défense existent en Chine. Des gays, leurs parents, des adultes, des professeurs se battent pour leurs enfants ou leurs élèves afin qu’ils ne soient pas stigmatisés par la société. L’Etat a lui aussi fait des progrès même si c’est parfois un pas en avant et deux en arrière. Mais des pressions existent car de nombreux enfants de cadres politiques sont gays ; ils connaissent la réalité. Maintenant, en arriver à obtenir le droit de se marier légalement prendra encore du temps ! Même si je pense qu’une forme de Pacs pourrait être créée plus tôt qu’on ne l’imagine. »
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