Chine : les rituels d'une journée type
C’est aussi vrai en France, et je peux citer mes parents pour qui manger après 20h le soir serait assez concevable.
La Chine vit également sous des rythmes tout aussi imposés. La prise des repas évidemment mais pas seulement : le rituel de la journée type semble immuable, que l’on soit étudiant, travailleur ou retraité.
Certains rituels semblent même être indifférents à l’évolution de certains pans d’une société qui semble courir à tout prix derrière la modernité et la réussite matérielle.
De l’importance du petit-déjeuner
Les premières gargotes de rue ouvrent dès 5h du matin et c’est en service continu jusqu’à 9h. Pas un enfant sans ses petits petits baozi (包子), ces petites brioches vapeurs fourrés à la viande ou aux légumes ; ses you tiao 油条, ces beignets cuits dans l’huile ; ou encore une jeune cadre dynamique pomponnée avec une crêpe fourrée à la main courant derrière son bus.
Si une telle observation peut paraître très banale, à titre personnel, elle me donne l’impression que ce petit déjeuner est l’étape fondamentale au commencement d’une journée.
Rien ne se fera, ni ne se fait, avant le petit déjeuner. « Comment ça, tu n’as pas pris de petit déjeuner ? Mais comment fais-tu jusqu’à midi ? Ce n’est pas possible ! » me demandait-on souvent à l’université.
Et ma réponse invariable : « Je n’ai pas très faim, juste un café et la journée peut commencer » n’était pas en mesure d’emporter une quelconque conviction.
Quand l’étonnement se mêle à la stupéfaction, vous ne cherchez plus à argumenter… et le petit déjeuner viendra à vous !
12h, ce n’est déjà plus l’heure
Pour avoir expérimenté (et toujours avec joie) la vie d’étudiant et de salarié en contact permanent avec des chinois, la période de déjeuner est la plus « exotique ».
Chaque jour, dès 11h les messages sont envoyés via Wechat ou QQ (équivalent de feu MSN messenger) : « Qu’est-ce qu’on mange au déjeuner ? » « Pâtes ou riz ? » « On se fait livrer un repas (Wai Mai – 外卖) ? » .
L’agitation devient frénétique quand les 11h30 approchent et je me souviens encore d’une collègue débarquant en trombe dans le bureau, la tension dans les yeux, à 11h31 :
« Mais il faut que l’on aille manger là ! ». « Ah mais c’est que je n’ai pas très faim à vrai dire. C’est un peu tôt » répliquais-je. « Comment ça tu ne viens pas manger ? » « Tu sais, en France on mange rarement avant 12h30 ! » « Hein ?! »
Non pas que les autres pays ne fonctionnent pas ainsi, mais de l’école primaire jusqu’au monde du travail, le segment du « déjeuner » est une coupure nette.
Les cours à l’université sont ainsi organisés de façon identique au collège ou au lycée – soit entre 11h30 et 12h, la sortie de classe où deux, trois, quatre voire 5 000 étudiants s’agglutinent sur 30 minutes de temps dans de grands réfectoires pour le sacro-saint déjeuner.
A 12h45, les cantines ferment ; et là où en France la coupure « entre midi et deux » se veut plus mouvante, les chinois perpétuent très naturellement au fil des temps cette rythmique de tous les jours.
« Bon, on va se reposer d’abord »
Juste après le déjeuner tout le monde va tranquillement piquer du nez, généralement sur son lieu de travail : le nez dans le clavier pour certains, à même les fruits & légumes pour le vendeur du marché, sur le scooter pour d’autres (dans un grand moment d’équilibrisme, dos sur la selle et pieds sur le guidon).
Rien ne se semble se faire tant que la sieste n’aura pas été prise, comme si le pays se paralysait pendant une bonne demi-heure après le repas. L’image détonne assez au regard de l’idée que l’on se fait des chinois qui travaillent « 18 heures par jour » alors que chez nous l’idée même de la sieste après le déjeuner est inconcevable.
Quand je m’étonnais de cela, c’est encore la raison du fonctionnement du corps qui m’était donnée (et à juste titre) : l’énergie du corps se focalisant sur le processus de digestion, l’envie de dormir pour récupérer des forces invite donc à un repos bien mérité, et ce, afin de pouvoir mieux travailler par la suite.
Loin de l’image d’oisiveté, la sieste est le repos qui permettra justement de mieux se consacrer à son effort (scolaire, professionnel) et s’agissant d’un processus aux ressorts physiologiques, les chinois semblent s’en être saisis avec pragmatisme.
La médecine chinoise ne prescrit rien de très différent de l’apophtegme « L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt » : diner à 17h30 pour se coucher entre 21h-21h30 est un standard plus que répandu.
Dans les dortoirs étudiants, c’est extinction des feux (et de l’électricité en général) à 22h pour un réveil entre 6h30 – 7h00, histoire de se préparer…. avant le petit déjeuner évidemment.
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