Politique
Analyse

Face à la Chine, le Japon s’engage progressivement dans un soutien à Taïwan

Le Japon, dont la constitution lui interdit de faire usage de la force militaire pour trouver une solution à tout conflit militaire, s’est depuis l’an dernier progressivement rangé du côté de Taïwan et des États-Unis dans la crise entre Pékin et Taipei. (Source : ORF)
Le Japon, dont la constitution lui interdit de faire usage de la force militaire pour trouver une solution à tout conflit militaire, s’est depuis l’an dernier progressivement rangé du côté de Taïwan et des États-Unis dans la crise entre Pékin et Taipei. (Source : ORF)
Lentement mais sûrement, le Japon déclare son soutien à Taïwan. Dernier épisode en date, l’état des lieux annuel du ministère nippon de la Défense publié le 13 juillet, où Tokyo s’inquiète des tensions croissantes autour de l’ancienne Formose.
C’est la première fois que le ministère japonais de la Défense aborde dans son état des lieux annuel la situation autour de Taïwan. Approuvé par le Premier ministre japonais Yoshihide Suga mardi 13 juillet, cet état des lieux s’attache à énumérer différents points illustrant l’inquiétude que fait peser la présence militaire chinoise sur la sécurité nationale de l’archipel nippon.
« Il est nécessaire pour nous de prendre conscience de la situation actuelle avec un sentiment de crise plus élevé que jamais, souligne ce document. Tout particulièrement, la compétition dans les domaines technologiques va devenir de plus en plus intense. Il est indispensable pour nous de surveiller étroitement la situation avec un sentiment de grande urgence sans précédent », ajoute ce texte, qui fait référence à Taïwan.
La Chine a renforcé ses activités militaires autour de Taïwan avec l’entrée de 380 avions de combat chinois dans la zone d’identification aérienne taïwanaise au cours de 2020, expose le document japonais. « Stabiliser la situation autour de Taïwan est important pour la sécurité et la stabilité de la communauté internationale. Il est donc de ce fait nécessaire de demeurer vigilants, énonce ce document. L’équilibre militaire entre la Chine et Taïwan penche actuellement en faveur de la Chine et le fossé entre les deux semble se creuser avec chaque année qui passe. »
La croissance de l’activité militaire chinoise autour de Taïwan a suscité ces derniers mois une inquiétude elle aussi croissante au Japon, l’île étant géographiquement proche des côtes japonaises et tout particulièrement d’Okinawa qui héberge la plus grande base aérienne américaine sur le théâtre de l’Asie de l’Est, la base de Kadena.
Le ministère taïwanais des Affaires étrangères, via sa porte-parole Joanne Ou, a remercié le Japon pour « son haut degré d’inquiétude à propos de la sécurité dans le détroit de Taïwan ». « Notre gouvernement va continuer de travailler étroitement avec le Japon et les autres pays qui partagent les mêmes valeurs démocratiques afin de défendre ces valeurs de même que la promotion de la paix, de la prospérité dans la région », a-t-elle déclaré.

Double dépendance

Le Japon, dont la constitution lui interdit de faire usage de la force militaire pour trouver une solution à tout conflit militaire, s’est depuis l’an dernier progressivement rangé du côté de Taïwan et des États-Unis dans la crise entre Pékin et Taipei. Un processus qui a maintes fois déjà provoqué l’ire de Pékin.
De nouveau, la colère n’a pas tardé à surgir à Pékin. Le Japon a « depuis quelques temps déjà » exprimé des accusations sans fondement contre des activités militaires de routine dans la zone, a dénoncé le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian. Ceci est tout à fait faux et irresponsable. La Chine a exprimé son profond mécontentement et son opposition ferme à ce ceci. » Ce document, a ajouté Zhao Lijian, révèle « une mentalité de guerre froide ». Le Japon exagère, selon lui, de façon grossière la supposée menace chinoise et est « extrêmement irresponsable ».
À l’occasion du 100ème anniversaire du Parti communiste chinois le 1er juillet dernier, Xi Jinping a, une nouvelle fois, exhorté Taïwan a accepté la réunification avec le continent chinois. Le président a rappelé que, si nécessaire, la force pourrait être utilisée pour y arriver. En juin, il avait estimé que les États-Unis étaient devenus « un facteur de risque » après que la marine américaine eut patrouillé à plusieurs reprises dans le détroit de Taïwan.
Début juillet, le vice-Premier ministre japonais et ministre des Finances Taro Aso avait publiquement déclaré que le Japon devait joindre ses forces armées à celles des États-Unis pour défendre Taïwan contre toute tentative d’invasion chinoise. Le même Taro Aso avait néanmoins un peu plus tard modéré ses propos, estimant que toute situation d’urgence devait trouver solution par le dialogue.
L’affrontement entre la Chine et les États-Unis, déjà palpable sous le mandat de Donald Trump, n’a cessé de s’approfondir depuis l’arrivée à la Maison Blanche de Joe Biden le 20 janvier dernier. Cet affrontement s’est étendu aux domaines économique et surtout technologique, les Américains ayant plusieurs fois affirmé qu’il n’était pas question de céder aux Chinois la suprématie dans des secteurs tels que l’intelligence artificielle et la technologie quantique. Cette course à la suprématie technologique représente un défi pour le Japon : son économie est très dépendante à la fois de la Chine et des États-Unis.
Par Pierre-Antoine Donnet

Soutenez-nous !

Asialyst est conçu par une équipe composée à 100 % de bénévoles et grâce à un réseau de contributeurs en Asie ou ailleurs, journalistes, experts, universitaires, consultants ou anciens diplomates... Notre seul but : partager la connaissance de l'Asie au plus large public.

Faire un don
A propos de l'auteur
Ancien journaliste à l'AFP, Pierre-Antoine Donnet est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages consacrés à la Chine, au Japon, au Tibet, à l'Inde et aux grands défis asiatiques. En 2020, cet ancien correspondant à Pékin a publié "Le leadership mondial en question, L'affrontement entre la Chine et les États-Unis" aux Éditions de l'Aube. Il est aussi l'auteur de "Tibet mort ou vif", paru chez Gallimard en 1990 et réédité en 2019 dans une version mise à jour et augmentée. Après "Chine, le grand prédateur", paru en 2021 aux Éditions de l'Aube, il a dirigé fin 2022 l'ouvrage collectif "Le Dossier chinois" (Cherche Midi), puis début 2023 "Confucius aujourd'hui, un héritage universaliste" (L'Aube).