Culture
L'Asie dessinée

BD : Chine et Hong Kong, répressions d’hier et d’aujourd’hui

Extrait de la bande dessinée "Robinson à Pékin, Journal d’un reporter en Chine", scénario Eric Meyer, dessin Aude Massot, Urban Graphic. (Copyright : Urban Graphic)
Extrait de la bande dessinée "Robinson à Pékin, Journal d’un reporter en Chine", scénario Eric Meyer, dessin Aude Massot, Urban Graphic. (Copyright : Urban Graphic)
Deux ouvrages très différents présentent le travail d’un journaliste en Chine lors du printemps de Pékin et des fictions fantasmagoriques tournant autour du monde des livres. Point commun : le premier traite de la répression de la place Tiananmen et le second – implicitement – de celle qui s’abat sur Hong Kong.
Double-cliquez sur les diaporamas pour les visualiser en plein écran. Retrouvez ici tous les articles de notre série « L’Asie dessinée ».
*Robinson à Pékin, Journal d’un reporter en Chine, scénario Éric Meyer, dessin Aude Massot, 192 pages, Urban Graphic, 25 euros
Après le récit autobiographique d’une journaliste française installée au Japon dans notre dernière chronique (Ivre du Japon), voici aujourd’hui l’équivalent pour un journaliste français ayant vécu de nombreuses années en Chine. Éric Meyer s’est en effet installé dans le pays en 1987 et n’est rentré en France que tout récemment. Dans Robinson à Pékin*, il raconte son arrivée dans le pays et ses deux premières années – une période brève mais intense puisqu’elle s’achève avec le mouvement des étudiants en faveur de la démocratie et la répression de la place Tiananmen en juin 1989.
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Couverture de la bande dessinée "Robinson à Pékin, Journal d’un reporter en Chine", scénario Eric Meyer, dessin Aude Massot, Urban Graphic. (Copyright : Urban Graphic)

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Extrait de la bande dessinée "Robinson à Pékin, Journal d’un reporter en Chine", scénario Eric Meyer, dessin Aude Massot, Urban Graphic. (Copyright : Urban Graphic)

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Extrait de la bande dessinée "Robinson à Pékin, Journal d’un reporter en Chine", scénario Eric Meyer, dessin Aude Massot, Urban Graphic. (Copyright : Urban Graphic)

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Extrait de la bande dessinée "Robinson à Pékin, Journal d’un reporter en Chine", scénario Eric Meyer, dessin Aude Massot, Urban Graphic. (Copyright : Urban Graphic)

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Extrait de la bande dessinée "Robinson à Pékin, Journal d’un reporter en Chine", scénario Eric Meyer, dessin Aude Massot, Urban Graphic. (Copyright : Urban Graphic)

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Extrait de la bande dessinée "Robinson à Pékin, Journal d’un reporter en Chine", scénario Eric Meyer, dessin Aude Massot, Urban Graphic. (Copyright : Urban Graphic)

 
 
La première partie de l’ouvrage couvre l’arrivée en Chine de Meyer, qui avait décidé d’y partir tout seul, parce que fatigué de son travail de journaliste couvrant la bureaucratie bruxelloise. Mais les autorités chinoises de l’époque voyaient d’un très mauvais œil ce pigiste inconnu et sans attache. Au point qu’il fallut une intervention de la diplomatie française pour lui obtenir un visa – fragile et sans cesse menacé de révocation.
Les multiples anecdotes évoquant cette période sont d’un intérêt inégal. Apprendre aujourd’hui que l’armoire de la famille Meyer est arrivée cassée au terme de son déménagement depuis la France n’émouvra pas grand monde. Nettement plus intéressantes sont les informations données sur l’état de la Chine à l’époque et le contraste avec aujourd’hui. En 1989, la pénurie régnait encore. Les tickets de rationnement étaient de rigueur, les étrangers avaient leur propre devise parallèle leur donnant accès à des temples de la consommation comme le « Magasin de l’Amitié » qui leur était réservé – le tout s’accompagnant évidemment de tous les trafics imaginables au marché noir. La vie quotidienne se heurtait à des gags difficilement pensables aujourd’hui : par exemple, les « horaires de travail étant établis pour le bonheur de la classe ouvrière », tous les restaurants fermaient à 19h.
La grande paranoïa qui sévissait déjà à l’époque envers les journalistes étrangers donne lieu à des anecdotes comme la visite d’une usine organisée un jour où tous les ouvriers sont en congés. Éric Meyer évoque aussi l’espionnite omniprésente, nécessité absolue dans un régime dictatorial de ce type.
La deuxième partie de l’ouvrage, consacrée au printemps de Pékin, est la plus intéressante. L’auteur rappelle l’enchaînement des événements, commencés en avril 1989 par une mobilisation des étudiants suite à la mort du chef de file des réformateurs. Présent sur place de bout en bout, Meyer évoque la mobilisation de cette jeunesse chinoise, ses espoirs, le vent d’utopie qui souffle alors, ainsi que l’arrivée en masse de journalistes étrangers alors que le monde entier tourne les yeux vers Pékin.
Et puis la répression s’abat. Là encore, le journaliste est aux premières loges quand l’armée intervient et massacre les étudiants. Il décrit ses reportages dans les rues de Pékin vidées par la terreur puis, un peu plus tard, l’ampleur de la répression : appels aux dénonciations, arrestations, disparitions, propagande éhontée avec un bilan officiel de vingt-trois morts – tous des militaires !
Très joliment mis en images et en couleurs par Aude Massot, dont le dessin est plein de charme, ce « journal d’un reporter en Chine » constitue un témoignage de première main sur une époque et sur la pratique du journalisme dans un État autoritaire. Il est malgré tout un peu dommage que l’intérêt des anecdotes rapportées soit assez inégal. Et si, à la fin de l’ouvrage, l’ode à la passion de témoigner qui imprègne le journaliste est bienvenue, on peut regretter qu’elle comprenne la phrase suivante à la formulation quelque peu maladroite : « Nous sommes déterminés, poussés par la merveilleuse aventure chinoise, où la répression tient lieu de piment. »
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Couverture de la bande dessinée "La bibliothèque", scénario et dessin Chihoi, 120 pages, Éditions Atrabile. (Copyright : Atrabile)

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Extrait de la bande dessinée "La bibliothèque", scénario et dessin Chihoi, 120 pages, Éditions Atrabile. (Copyright : Atrabile)

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Extrait de la bande dessinée "La bibliothèque", scénario et dessin Chihoi, 120 pages, Éditions Atrabile. (Copyright : Atrabile)

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Extrait de la bande dessinée "La bibliothèque", scénario et dessin Chihoi, 120 pages, Éditions Atrabile. (Copyright : Atrabile)

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Extrait de la bande dessinée "La bibliothèque", scénario et dessin Chihoi, 120 pages, Éditions Atrabile. (Copyright : Atrabile)

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Extrait de la bande dessinée "La bibliothèque", scénario et dessin Chihoi, 120 pages, Éditions Atrabile. (Copyright : Atrabile)

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Extrait de la bande dessinée "La bibliothèque", scénario et dessin Chihoi, 120 pages, Éditions Atrabile. (Copyright : Atrabile)

 
 
*La bibliothèque, scénario et dessin Chihoi, 120 pages, Éditions Atrabile, 16 euros.
La démarche de Chihoi dans La Bibliothèque* est radicalement différente. Cet artiste de Hong Kong ne fait pas œuvre de journaliste rapportant des faits : il livre des récits étranges, fantastiques, où la réalité ne se laisse percevoir qu’à travers des miroirs déformants. Comme le titre l’indique, il est beaucoup question de livres et de bibliothèques dans cet ouvrage. Mais il ne s’agit pas de bibliothèques confortables et feutrées où l’on se plonge avec délectation dans le savoir. Non, dans les bibliothèques de Chihoi, les employés arrachent les pages suspectes dans les livres ; quiconque demande à voir les collections spéciales se trouve enfermé dans une pièce dont personne ne ressort jamais ; on peut brûler des livres en hommage à un être cher disparu ; des livres géants écrasent les passants dans un parc.
Pour Voitachewski, à la fois traducteur, préfacier et ami de Chihoi, il ne fait aucun doute que le monde de La Bibliothèque « correspond à une réalité proche de celle que Hong Kong connaît actuellement ». On peut d’ailleurs relever des références plus explicites dans le récit consacré à un parc d’attraction dans lequel figurent les tourments infligés dans les cercles de l’enfer à quiconque « pratique l’inquisition littéraire, brûle des livres, enterre des intellectuels vivants, déforme l’Histoire, manipule les mots pour réprimer la liberté de penser ».
Incontestablement original, ce recueil de courts récits souffre malgré tout d’un dessin assez frustre et sans grand charme.
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Couverture de la bande dessinée "Sengo, tome 6, Obsessions", scénario et dessin Sansuke Yamada, Casterman. (Copyright : Casterman)

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Extrait de la bande dessinée "Sengo, tome 6, Obsessions", scénario et dessin Sansuke Yamada, Casterman. (Copyright : Casterman)

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Extrait de la bande dessinée "Sengo, tome 6, Obsessions", scénario et dessin Sansuke Yamada, Casterman. (Copyright : Casterman)

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Extrait de la bande dessinée "Sengo, tome 6, Obsessions", scénario et dessin Sansuke Yamada, Casterman. (Copyright : Casterman)

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Extrait de la bande dessinée "Sengo, tome 6, Obsessions", scénario et dessin Sansuke Yamada, Casterman. (Copyright : Casterman)

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Extrait de la bande dessinée "Sengo, tome 6, Obsessions", scénario et dessin Sansuke Yamada, Casterman. (Copyright : Casterman)

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Extrait de la bande dessinée "Sengo, tome 6, Obsessions", scénario et dessin Sansuke Yamada, Casterman. (Copyright : Casterman)

 
 
*Sengo, tome 6, Obsessions, scénario et dessin Sansuke Yamada, 192 pages, Casterman, 9,45 euros.
La parution du formidable manga Sengo* consacré au Japon au lendemain de la Seconde Guerre mondiale se poursuit avec le tome six (voir les critiques des tomes 1 et 2, du tome 3, du tome 4 et du tome 5). Parmi les temps forts de ce volume figurent à la fois des séances de photos pornographiques organisées par des magouilleurs de l’armée américaine et des visites des deux militaires démobilisés héros de la série aux familles de leurs camarades morts au combat. Sengo poursuit ainsi dans cette veine inimitable qui combine humour grotesque et émotion poignante. Un régal qui touche à sa fin puisque ce sixième volume est l’avant-dernier de la série.
Couverture de la bande dessinée "Le château dans le ciel" (anime comics), scénario et dessin Hayao Miyazaki, Glénat Manga. (Copyright : Glénat)
Couverture de la bande dessinée "Le château dans le ciel" (anime comics), scénario et dessin Hayao Miyazaki, Glénat Manga. (Copyright : Glénat)
Un des plus prodigieux créateurs d’images en Asie demeure l’immense Miyazaki, concepteur et réalisateur de dessins animés qui ont enchanté le monde entier. Les éditions Glénat consacrent de temps en temps à l’un des chefs-d’œuvres de l’artiste japonais une triple parution de livres : un épais volume reproduisant l’ensemble du dessin animé sous forme de bande dessinée (« anime comics »), un « album du film » le présentant de façon résumée et un livre L’Art de… détaillant le travail graphique. Après un tel ensemble portant sur Mon voisin Totoro , c’est aujourd’hui le tour du Château dans le ciel.
*Le château dans le ciel (anime comics), Scénario et dessin Hayao Miyazaki, 632 pages, Glénat Manga, 15,50 euros.
Faisant partie des œuvres les plus connues de Miyazaki, Le château dans le ciel* est une grande aventure combinant de multiples thèmes : science-fiction rétro, ville volante, robots, dirigeables, sortilèges, « méchant » voulant devenir maître du monde, etc. Au cœur de l’action, menée à un rythme d’enfer, figurent deux enfants qui auront fort à faire pour surmonter l’adversité.
Couverture de "L’art de Le château dans le ciel", Scénario et dessin Hayao Miyazaki, Glénat Manga. (Copyright : Glénat)
Couverture de "L’art de Le château dans le ciel", Scénario et dessin Hayao Miyazaki, Glénat Manga. (Copyright : Glénat)
*L’art de Le château dans le ciel, scénario et dessin Hayao Miyazaki, 192 pages, Glénat Manga, 24,90 euros.
La richesse visuelle du dessin animé est présentée et analysée dans le fort beau L’art de Le château dans le ciel*. Cet album grand format présente entre autres de multiples images tirées du film, des esquisses, des croquis, des plans du château, des éléments inédits. Le tout accompagné de commentaires et anecdotes, ainsi que de la reproduction intégrale du « scénario préparatoire ». Un must pour les passionnés de Miyazaki.
Par Patrick de Jacquelot

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A propos de l'auteur
Patrick de Jacquelot est journaliste. De 2008 à l’été 2015, il a été correspondant à New Delhi des quotidiens économiques La Tribune (pendant deux ans) et Les Echos (pendant cinq ans), couvrant des sujets comme l’économie, le business, la stratégie des entreprises françaises en Inde, la vie politique et diplomatique, etc. Il a également réalisé de nombreux reportages en Inde et dans les pays voisins comme le Bangladesh, le Sri Lanka ou le Bhoutan pour ces deux quotidiens ainsi que pour le trimestriel Chine Plus. Pour Asialyst, il écrit sur l’Inde et sa région, et tient une chronique ​​"L'Asie dessinée" consacrée aux bandes dessinées parlant de l’Asie.