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"Ensemble face à la Chine" : Joe Biden réchauffe les liens avec Tokyo et Séoul

Le secrétaire d'État américain Anthony Blinken avec les vice-ministre des Affaires étrangères du Japon, Akitaka Saiki, et de Corée du Sud, Lim Sung-nam, lors de leur réunion trilatérale à Tokyo, le 16 janvier 2021. (Source : CFR) their trilateral meeting, at the foreign ministry's Iikura guest house. January 16, 2016.
Le secrétaire d'État américain Anthony Blinken avec les vice-ministre des Affaires étrangères du Japon, Akitaka Saiki, et de Corée du Sud, Lim Sung-nam, lors de leur réunion trilatérale à Tokyo, le 16 janvier 2021. (Source : CFR) their trilateral meeting, at the foreign ministry's Iikura guest house. January 16, 2016.
La Chine est la priorité numéro un dans l’agenda diplomatique de Joe Biden. Le nouveau président américain consulte les alliés des États-Unis et renforce ses liens stratégiques avec le Japon et la Corée du Sud dans le but de trouver ensemble une posture commune face au géant asiatique.
« Ce n’est pas trahir un secret que de dire que la relation entre les États-Unis et la Chine est la plus importante de toutes dans le monde tel qu’il est, a déclaré le 27 janvier le secrétaire d’État Anthony Blinken devant la presse. Elle va façonner une grande partie de ce que nous allons vivre. »
« La Chine est tout en haut de la liste des sujets pour lesquels nous devons travailler ensemble, a corroboré deux jours plus tard Jake Sullivan, conseiller de Joe Biden pour la Sécurité nationale. Dans ce qui constitue sa première déclaration de politique étrangère depuis sa prise de fonction, le conseiller a souligné que le meilleur moyen de répondre à ce qui est perçu comme une menace chinoise était de montrer l’exemple. « Ils pointent les dysfonctionnements et les divisions aux États-Unis, a ainsi expliqué Jake Sullivan. Ils disent : « Jetez un coup d’œil sur ceci, ce système ne fonctionne pas. Notre système, si ». Première étape : renouer avec les principaux fondamentaux de notre démocratie [et] le modèle américain brillera de nouveau. »
Parmi les priorités de la politique chinoise de la nouvelle administration Biden : les investissements dans les secteurs de l’intelligence artificielle, les biotechnologies, les énergies vertes et d’autres domaines des hautes technologies, sans oublier la défense. Autant de sujets où la Chine entend mener la danse, a encore souligné Jake Sullivan.

Consensus bipartisan

Si le nouveau gouvernement américain a l’intention de revenir sur de nombreuses décisions de l’ancien président Donald Trump, les deux administrations sont d’accord à propos de la politique chinoise à tenir, a encore indiqué le conseiller. Celle-ci passe par l’importance cardinale donnée au « Quad », ce dialogue quadrilatéral pour la sécurité par lequel les pays membres – États-Unis, Japon, Inde et Australie – partagent leurs orientations à propos de l’Asie et plus précisément de la Chine.
« Nous avons devant nous une Chine très arrogante et très sûre d’elle qui est devenue le défi géopolitique numéro un pour les États-Unis et elle le restera pour une génération, a insisté quant à lui Robert O’Brien, le dernier conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump. C’est une question centrale et je pense que nous sommes parvenus à un consensus bipartisan sur ce sujet. »

« Pivot pour la paix »

L’une des premières décisions de Joe Biden a été de restaurer les manœuvres militaires conjointes avec Séoul sur le sol sud-coréen. Organisées au printemps chaque année, elles avaient été suspendues ou revues à la baisse depuis 2018 du fait de la « politique du sourire » de Donald Trump à l’égard du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, a expliqué le ministre sud-coréen de la Défense Suh Wook. Cette décision a été annoncée quelques jours après un entretien téléphonique entre ce dernier et son homologue américain Lloyd Austin. Le nouveau patron du Pentagone a assuré son interlocuteur du fait que les États-Unis renouvelaient leur engagement « solide comme le fer » dans le cadre de leur alliance stratégique.
Lors d’un entretien téléphonique avec le ministre sud-coréen des Affaires étrangères Kang Kyung-wha, Anthony Blinken a, lui, insisté sur « la vitalité et l’importance de l’alliance entre les États-Unis et la Corée du Sud » qui, a-t-il dit, représente « le pivot pour la paix, la prospérité et la sécurité dans une région indo-pacifique libre et ouverte », selon un compte-rendu du département d’État.

Îles disputées

Autre étape significative dans la région, le Japon. Lors d’un appel téléphonique au Premier ministre japonais Yoshihide Suga le 28 janvier, Joe Biden a convenu avec lui de renforcer le lien Washington-Tokyo en matière d’économie et de défense face à une puissance militaire chinoise toujours plus forte. La Maison Blanche a souligné l’importance de l’alliance entre les États-Unis et le Japon qui constitue « la pierre angulaire de la paix et de la prospérité dans la région indo-pacifique libre et ouverte ». Les deux parties se sont mises d’accord sur le principe d’une visite prochaine de Yoshihide Suga aux États-Unis.
Washington et Tokyo ont en outre profité de cet entretien téléphonique pour réaffirmer que leur traité de sécurité conjoint s’appliquait aussi aux îles Senkaku contrôlées par le Japon mais également revendiqués par la Chine sous le nom de Diaoyu. Joe Biden a rappelé que le Japon bénéficiait du parapluie nucléaire des États-Unis, selon un communiqué de la Maison Blanche, tandis qu’Anthony Blinken a mis l’accent sur l’importance des liens trilatéraux Washington-Tokyo-Séoul.
Les relations bilatérales des États-Unis avec la Corée du Sud et le Japon s’étaient profondément rafraîchies sous l’administration de Donald Trump. L’ancien président avait menacé à de nombreuses reprises de réduire la présence militaire américaine dans ces deux pays s’ils n’acceptaient pas de contribuer financièrement à ce dispositif militaire.
Selon le compte-rendu de la Maison Blanche publié après les récents entretiens de Joe Biden avec le président Emmanuel Macron, la chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre britannique Boris Johnson, la Chine figurait de façon proéminente dans ces discussions. Mais là, il reste à voir jusqu’où l’Union européenne suivra les États-Unis dans sa politique à l’égard de Pékin.
Par Pierre-Antoine Donnet

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A propos de l'auteur
Ancien journaliste à l'AFP, Pierre-Antoine Donnet est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages consacrés à la Chine, au Japon, au Tibet, à l'Inde et aux grands défis asiatiques. En 2020, cet ancien correspondant à Pékin a publié "Le leadership mondial en question, L'affrontement entre la Chine et les États-Unis" aux Éditions de l'Aube. Il est aussi l'auteur de "Tibet mort ou vif", paru chez Gallimard en 1990 et réédité en 2019 dans une version mise à jour et augmentée. Après "Chine, le grand prédateur", paru en 2021 aux Éditions de l'Aube, il a dirigé fin 2022 l'ouvrage collectif "Le Dossier chinois" (Cherche Midi). Début 2023, il signe "Confucius aujourd'hui, un héritage universaliste", publié aux éditions de l'Aube. Son dernier livre, "Chine, l'empire des illusions", est paru en janvier 2024 (Saint-Simon).