Culture
Reportage

Cinéma : le festival Filmosa veut faire connaître Taïwan au-delà des têtes d'affiche

Ouverture du Filmosa Festival, le 12 avril 2019 à Paris. (Copyright : Alice Hérait)
Ouverture du Filmosa Festival, le 12 avril 2019 à Paris. (Copyright : Alice Hérait)
Impossible d’évoquer le cinéma d’auteur taïwanais sans penser Hou Hsiao-hsien, Edward Yang ou Tsai Ming-liang. Pourtant, au Filmosa festival, qui s’est tenu du 12 au 14 avril à Paris, ce sont les méconnus Hsiao Ya-chuan, Ho Wi-ding, Sung Hsin-yin et Chang Tso-chi qui se partagent l’affiche.

Contexte

En 2018, une bande d’amis taïwanais étudiants en cinéma à Paris fondent l’association « Filmosa » – une contraction de « film » et « Formosa », nom donné au XVIIème siècle par les marins portugais à l’île de Taïwan et qui signifie « belle »). En 2019 a lieu pour la seconde année consécutive le « Filmosa Festival », à la cinémathèque du quartier Latin. Objectif : faire découvrir Taïwan aux cinéphiles français. L’initiative est d’ailleurs chaleureusement encouragée par le Bureau de représentation de Taïwan en France et le Centre culturel de Taïwan. A l’honneur cette année, le réalisateur Chang Tso-chi, 58 ans, primé au festival de Venise, de Berlin et au Golden Horse.

Salle comble, poulet frit et bubble tea pour l’ouverture du festival Filmosa. Dans la salle, les Taïwanais sont aussi nombreux que les Français. Le long-métrage Father to son de Hsiao Ya-chuan inaugure ce week-end spécialement dédié au cinéma taïwanais.
Ici, on vient pour parler de Taïwan, et de Taïwan seul. Pas une fois ne sera fait mention de son voisin, la Chine, hormis peut-être le temps d’une seconde, lorsque Ku Wen-Jiann, représentant adjoint de Taïwan à Paris compare son pays et la France dans son discours d’ouverture : « Nous sommes tous deux des pays de démocratie et de droits de l’homme, malgré les intimidations répétées de la… de l’autre partie ! » Des rires se font entendre.
Et pour cause, l’histoire moderne de Taïwan peut aussi se conter sans la Chine. Pour comprendre le particularisme de la société taïwanaise, il fait bon se pencher sur son cinéma d’auteur.
Ouverture du Filmosa Festival, le 12 avril 2019 à Paris. (Copyright : Alice Hérait)
Ouverture du Filmosa Festival, le 12 avril 2019 à Paris. (Copyright : Alice Hérait)

« C’est dommage que les Français ne connaissent pas les nouveaux talents taïwanais »

Hou Hsiao-hsien, Edward Yang et Tsai Ming-liang sont généralement les noms taïwanais qui résonnent dans les oreilles des cinéphiles occidentaux. Figures pionnières du mouvement de la « Nouvelle vague taïwanaise » dans les années 1980, ces auteurs ont dépeint un pays en pleine transition, se libérant petit à petit des tabous de la dictature. Selon Rachel et Ching-lo, les organisatrices de Filmosa, les auteurs présentés au festival, pourtant dignes héritiers de leurs aînés, peinent à se faire connaître du public occidental.
« En France, on ne connait que Hou Hsiao-hsien et Tsai Ming-liang, et ils ont déjà plus de soixante ans, se désole Rachel. C’est dommage, car les Français aiment le cinéma taïwanais. » Ancienne étudiante à Paris 3 et inspirée par le cinéma français de la Nouvelle vague, elle se réjouit de voir que l’événement attire plus de monde qu’à l’édition 2018.
« Nous avons prolongé l’idée de l’année dernière, de faire découvrir le cinéma taïwanais. Nous avons choisi de mettre à l’honneur Chang Tsuo-chi, très connu à Taïwan, mais pas en France. Ses œuvres sont intéressantes car elles parlent des minorités [de la société taïwanaise], des marginaux, des mafias, généralement de situations très difficiles. En même temps, il dresse un beau portrait de la famille asiatique. Son univers est assez contrasté. »
Ching lo (à gauche) et Rachel, les deux organisatrices du Filmosa Festival, le 12 avril 2019 à Paris. (Copyright : Alice Hérait)
Ching lo (à gauche) et Rachel, les deux organisatrices du Filmosa Festival, le 12 avril 2019 à Paris. (Copyright : Alice Hérait)

« Taiwan mérite d’être beaucoup mieux connue »

« C’est important de montrer quels sont les défis, les menaces, les opportunités des Taïwanais, confiait à Asialyst Ku Wen-Jiann, représentant adjoint de Taïwan en France. Mieux comprendre notre société est utile pour nos relations avec le monde occidental et notamment la France. Je suis très satisfait de voir un cinéma qui nécessite réflexion et qui permette d’apprendre Taïwan », poursuit-il, avant d’ajouter : « D’ailleurs, j’ai hâte de voir ce que va donner la programmation de la semaine prochaine. »
Cette année, les programmations taïwanaises s’enchaînent dans le monde cinéphile parisien. Du 17 avril au 2 mai, la cinémathèque française diffusera une série de films dits de « mauvais genre ». Méconnus en France, mais aussi à Taïwan, le public parisien pourra se régaler d’œuvres « transgressives » et loufoques des années 1960 et 1970, lorsque les réalisateurs tenaient tête aux films de propagande.
Par Alice Hérait

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A propos de l'auteur
Journaliste, Alice Hérait est spécialisée sur les questions contemporaine en Asie-Pacifique, et plus particulièrement sur le monde sinisé. Elle est titulaire du Master Hautes Etudes Internationales (HEI) à l'Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO). Sinophone, elle a vécu un an à Taïwan, où elle a étudié à l'Université Nationale de Taiwan (國立台灣大學). Elle nourrit un vif intérêt pour les relations entre Pékin et Taipei.