Culture
Photographes d'Asie

Portfolio : échecs, go ou combats de coq, ce que les jeux disent de l'Asie

Réunion de "cages-men", des hommes sans famille et âgés, trop pauvres pour pouvoir habiter un appartement et qui vivent dans des cages grillagées de la taille d’une paillasse. Ils se retrouvent quotidiennement dans le parc du temple Tin Hau à Kowloon (Hong Kong) pour suivre les parties d’échecs dits "des éléphants" ("Jyutping" en cantonnais, "Xiangqi" en mandarin, "Shôji" en japonais). (Copyright : Bruno Birolli)
Réunion de "cages-men", des hommes sans famille et âgés, trop pauvres pour pouvoir habiter un appartement et qui vivent dans des cages grillagées de la taille d’une paillasse. Ils se retrouvent quotidiennement dans le parc du temple Tin Hau à Kowloon (Hong Kong) pour suivre les parties d’échecs dits "des éléphants" ("Jyutping" en cantonnais, "Xiangqi" en mandarin, "Shôji" en japonais). (Copyright : Bruno Birolli)
Des rues indonésiennes aux parcs publics du Pakistan, ce qui fait le charme des jeux dans les pays asiatiques, ce sont les joueurs. Leurs visages, leurs habits et leur lieu de vie. Plongée photographique dans l’univers ludique de l’Asie.
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Jeux asiatiques

De 1998 à 2002, j’ai profité de mes reportages à travers l’Asie pour trouver le temps de photographier des joueurs. Jouer est une des grandes activités humaines au même titre que la guerre, l’amour, le travail depuis la nuit des temps. Et le jeu est bien plus présent en Asie qu’en Occident. Dès le XIXème siècle, les voyageurs européens constataient la passion du jeu des Asiatiques et ils y voyaient la marque d’un appât du gain insatiable qu’ils réprouvaient comme un vice atavique. Cette condamnation morale absolvait les empires coloniaux de la responsabilité d’avoir construit des champs de courses, des canidromes, d’avoir fondé des loteries ou d’avoir enfermé le fantan – un vieux jeu de hasard – dans les casinos, afin de vider les poches des populations indigènes et financer la « mise en valeur » de ces territoires. L’opium remplissait la même fonction.

En vérité, les enjeux sont le plus souvent symboliques, quelques euros juste de quoi donner un peu de sel aux parties. En toutes occasions, on joue. Lors des fêtes du Nouvel An chinois, le mahjong réunit parents éloignés ou voisins de palier. Pendant les cérémonies hindouistes à Bali, la fonction religieuse des jeux de hasard est ouvertement affirmée. Le jeu donne une communauté aux exclus. Les « cages men » de Hong Kong – ces pauvres sans famille qui vivent dans des cages grillagées de la taille d’une paillasse – se retrouvent sur le parvis des temples. Une fois libérés des camps où ils ont été condamnés après 1975 et marginalisés ensuite pour le restant de leurs vies par les vainqueurs du Nord, les anciens soldats du Sud Vietnam constituent une sorte de contre-société souterraine autour des combats de coq clandestins.

Suivre le déroulement d’une partie est certes divertissant. Comprendre les règles de cette multitude de jeux inconnus hors de ces pays n’en est pas moins stimulant. Mais ma fascination va aux joueurs. Les visages rendent compte des différences ethniques ; les habits sont un indicateur de la condition sociale de chacun ; les lieux donnent un aperçu de l’habitat ; les situations suggèrent des modes de vie et le niveau de développement du pays. Mes images relèvent d’une préoccupation sociologique : saisir des instantanés des sociétés asiatiques. Ce qui confère aux joueurs asiatiques une qualité : être de bien meilleurs perdants que les Occidentaux, en prenant leur échec d’un cœur léger, avec fair-play.

B.B.

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"Gotori" - un jeu de cartes traditionnel - entre retraités, au bord de la rue, sous un arbre du parc de la tour de télévision N Seoul Tower, dans la capitale sud-coréenne. (Copyright : Bruno Birolli)

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Pause pendant le tournage d’une comédie romantique à Hong Kong. L’équipe joue aux dames chinoises, un jeu dont l'origine, comme son nom ne l'indique pas, n'est nullement chinoise mais américaine. C'est peut-être justement à cause de ce nom qu'il est populaire dans l'ancienne colonie britannique. (Copyright : Bruno Birolli)

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Réunion de "cages-men", des hommes sans famille et âgés, trop pauvres pour pouvoir habiter un appartement et qui vivent dans des cages grillagées de la taille d’une paillasse. Ils se retrouvent quotidiennement dans le parc du temple Tin Hau à Kowloon (Hong Kong) pour suivre les parties d’échecs dits "des éléphants" ("Jyutping" en cantonnais, "Xiangqi" en mandarin, "Shôji" en japonais). (Copyright : Bruno Birolli)

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Jeux au cours d’une fête hindouiste dans un temple de Bali (l'auteur n’a pas réussi à identifier ce jeu assurément d’origine indienne, ni sa fonction, si quelqu’un peut le renseigner, il lui en serait reconnaissant.) (Copyright : Bruno Birolli)

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Roulette de rue à Iran-Jaya entre Papous, les habitants de la partie indonésienne de la Nouvelle Guinée. Ce jeu théoriquement illégal en Indonésie est pratiqué à la vue et au su de tous à Jayapura, la capitale provinciale. (Copyright : Bruno Birolli)

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Loterie dans l’intérieur de Timor-Leste, sur la route entre Dili et Same. L’activité principale de cette région montagneuse est la culture du café. Les grains sèchent à même le sol sur cette place de marché. (Copyright : Bruno Birolli)

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Partie d’échecs khmers appelés "ouk" - "makruk" en Thaïlande - entre taxi-moto dans l’attente de clients à Koh Kong, ville au sud-ouest du Cambodge. Ce jeu millénaire est représenté dans certaines fresques d’Ankor Vat. (Copyright : Bruno Birolli)

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Salle de billard du Willingdon Sports Club à Mumbay en Inde, en fin de matinée. (Copyright : Bruno Birolli)

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Partie de cartes pendant le pique-nique du dimanche dans le parc national Chitral au Pakistan. (Copyright : Bruno Birolli)

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Joueurs d’échecs dans l’île de Nauru, le plus petit État du monde, situé au sud de l'océan Pacifique. (Copyright : Bruno Birolli)

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Retransmission du championnat national de go par la télévision publique japonaise NHK. Ce championnat réunit chaque année les cinquante meilleurs joueurs du Japon. (Copyright : Bruno Birolli)

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Combats de coq dans les environs de Saïgon en 2000. Interdits depuis 1975, ces paris illégaux brassent beaucoup d’argent. Les meilleurs coqs valaient alors déjà plusieurs milliers d’euros. Une partie du public est composée d’anciens soldats de l’armée du Sud Vietnam. Libérés des camps où ils furent enfermés après la victoire communiste de 1975 et n’ayant pu s’exiler à l’étranger, ils restent ostracisés, condamnés à vivoter, exerçant souvent l’activité de cyclo-pousse. Ils ont crée une contre-société. La politique du pouvoir à l’égard des combats de coq est en coups d’accordéon. Pendant plusieurs mois, la police a fermé les yeux, puis a fait une descente le lendemain de mon passage. (Copyright : Bruno Birolli)

 
 

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A propos de l'auteur
Longtemps journaliste en Asie pour le Nouvel Observateur, Bruno Birolli a vécu à Tokyo (en 1982 puis de 1987 à 1992), à Hong Kong (1992-2000), à Bangkok (2000-2004) et à Pékin (2004-2009). Peu après son retour à Paris, il a troqué ses habits de journaliste pour celui d’auteur. Il a publié des livres historiques ("Ishiwara : l’homme qui déclencha la guerre", Armand Colin, 2012 ; "Port Arthur 8 février 1904 – 5 janvier 1905", Economica, 2015) avant de se lancer dans le roman. "Le Music-Hall des espions", publié en 2017 chez Tohu Bohu, est le premier d’une série sur Shanghai, suivi des "Terres du Mal" (Tohu Bohu, 2019). La seconde édition de son livre "Ishiwara, l’homme qui déclencha la guerre" est disponible en impression à la commande sur tous les sites Amazon dans le monde.