Culture
Série - L'Asie dessinée

Tout sur la BD asiatique et trois visions de la Chine

Couverture de "Mangasia, guide de la bande dessinée asiatique" par Paul Gravett, Éditions Hors Collection. (Copyright : Hors Collection)
Couverture de "Mangasia, guide de la bande dessinée asiatique" par Paul Gravett, Éditions Hors Collection. (Copyright : Hors Collection)
Un somptueux guide fait le tour de la bande dessinée dans l’ensemble des pays d’Asie, tandis que plusieurs albums nous promènent de la Chine du XIXème siècle au Pékin d’aujourd’hui en passant par Macao.
*Paul Gravett, Mangasia, Édition Hors Collection, 320 pages, 39 euros.
Les lecteurs (et l’auteur…) de la chronique L’Asie dessinée en rêvaient, Paul Gravett l’a fait : avec Mangasia, le guide de la bande dessinée asiatique*, l’auteur britannique livre un formidable ouvrage consacré à la BD de tout le continent. Les ambitions de ce gros volume sont en effet énormes. Il s’agit de retracer le développement de la BD depuis ses origines au XIXème siècle jusqu’aux innovations les plus récentes dans l’ensemble de l’Asie. Si le Japon est à l’honneur, bien sûr, étant donné l’importance et l’influence des mangas, des pays comme la Chine, la Corée du Sud, les Philippines, la Thaïlande ou l’Inde sont également traités. L’auteur trouve même le moyen de parler de la production de bandes dessinées en Mongolie ou au Bhoutan !
Grand spécialiste de la question, le journaliste et écrivain britannique Paul Gravett a conçu cet ouvrage dans le cadre d’une vaste exposition organisée par le Barbican Centre de Londres, exposition qui s’est tenue l’année dernière à Rome et est annoncée pour cet été à Nantes au Lieu unique. De ce fait, son livre tient plus du catalogue d’exposition que d’un guide structuré autour d’une approche strictement géographique ou chronologique. Les plus de trois cents pages de Mangasia traitent en fait de quelques grands thèmes transversaux, qui permettent de déployer une multitude d’illustrations.
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Couverture de "Mangasia, le guide de la bande dessinée asiatique" de Paul Gravett, Édition Hors Collection. (Copyright : Hors Collection)

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Extrait de "Mangasia, le guide de la bande dessinée asiatique" de Paul Gravett, Édition Hors Collection. (Copyright : Hors Collection)

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Extrait de "Mangasia, le guide de la bande dessinée asiatique" de Paul Gravett, Édition Hors Collection. (Copyright : Hors Collection)

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Extrait de "Mangasia, le guide de la bande dessinée asiatique" de Paul Gravett, Édition Hors Collection. (Copyright : Hors Collection)

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Extrait de "Mangasia, le guide de la bande dessinée asiatique" de Paul Gravett, Édition Hors Collection. (Copyright : Hors Collection)

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Extrait de "Mangasia, le guide de la bande dessinée asiatique" de Paul Gravett, Édition Hors Collection. (Copyright : Hors Collection)

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Extrait de "Mangasia, le guide de la bande dessinée asiatique" de Paul Gravett, Édition Hors Collection. (Copyright : Hors Collection)

 
 
Un chapitre passionnant est consacré à l’importance des grands textes littéraires ou mythologiques comme source d’inspiration de la bande dessinée. En Chine, les « quatre livres extraordinaires » écrits entre les XIVème et XVIIIème siècles ont suscité depuis cent ans une floraison de versions en BD (voir par exemple la publication récente en France du Voyage vers l’Ouest). Même phénomène en Inde où les deux grandes épopées que sont le Mahabharata et le Ramayana ont d’abord engendré la publication d’innombrables fascicules destinés aux enfants, avant de fournir matière à variations sophistiquées de la part des auteurs contemporains de graphic novels.
Autre chapitre très important, celui consacré à la représentation de l’histoire en bandes dessinées dans les divers pays asiatiques. De l’occupation japonaise d’une bonne partie de l’Asie pendant la Seconde Guerre mondiale jusqu’à la guerre de Corée en passant par le conflit du Cachemire, tous les grands événements récents ont été traités par les artistes de BD avec, évidemment, une large variété de points de vue. Et la bande dessinée s’est retrouvée souvent au cœur des débats. D’un côté, elle a été utilisée comme instrument de propagande. A cet égard, on découvre par exemple les petits fascicules que les autorités chinoises distribuaient aux passagers dans les trains pour les éduquer ou les endoctriner, c’est selon… Même la Corée du Nord utilise la BD pour inculquer la pensée officielle aux masses laborieuses. De l’autre côté, nombre d’auteurs de bandes dessinées ont utilisé leur art pour exposer une vision non officielle des événements contemporains (voir notamment l’exceptionnel récit Une vie chinoise). Quitte à souvent subir les foudres de la censure. Dans le Japon de l’après-guerre, les autorités américaines interdisaient tout récit s’attardant sur la gloire des guerriers japonais des temps jadis, et dans les années 2000, ce sont des mangas dénonçant le passé militariste du pays qui ont dû être retirés sous la pression des milieux nationalistes.
Une section de l’ouvrage est consacrée à la profession de « mangaka ». On y découvre que l’extraordinaire popularité des mangas au Japon n’assure pas nécessairement la prospérité de leurs auteurs. Lents débuts en tant qu’assistants chargés de faire le ménage, salaires de misère, cadences invraisemblables sont trop souvent le lot des dessinateurs japonais.
La censure, on la retrouve dans le chapitre « Censure et sensibilités » qui évoque les relations tumultueuses entre les autorités des différents pays d’Asie et cette forme d’expression qu’elles peinent à appréhender. Considérant a priori la BD comme destinée aux enfants, les pouvoirs publics ont partout eu bien du mal à accepter l’apparition d’œuvres pour adultes vues comme devant pervertir les jeunes esprits. En 1967, les manhwas (équivalent coréen des mangas) ont ainsi été officiellement inclus parmi les « six maux de la société » en Corée du Sud… Ces affrontements continuels n’ont malgré tout pas empêché le Japon de développer une considérable production de mangas pornographiques avec des sous-genres surprenants comme ces récits d’amours masculines destinés… à un lectorat féminin.
Si les textes de l’ouvrage sont donc pleins d’enseignements, Mangasia se distingue surtout par la richesse de ses illustrations. Gravures du XIXème siècle, planches originales, fascicules populaires vendus quelques centimes, productions récentes au design sophistiqué, plus d’un millier d’œuvres sont montrées, originaires de dix-neuf pays différents, le tout avec une qualité de reproduction irréprochable. Et bien sûr, une époustouflante variété de styles graphiques. Autant d’images fascinantes à découvrir petit à petit, au gré de multiples consultations du livre.
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Couverture de la bande dessinée "Macao, Tome 1, La cité du dragon", scénario Philippe Thirault et Willy Duraffourg, dessin Federico Nardo, Glénat. (Copyright : Glénat)

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Extrait de la bande dessinée "Macao, Tome 1, La cité du dragon", scénario Philippe Thirault et Willy Duraffourg, dessin Federico Nardo, Glénat. (Copyright : Glénat)

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Extrait de la bande dessinée "Macao, Tome 1, La cité du dragon", scénario Philippe Thirault et Willy Duraffourg, dessin Federico Nardo, Glénat. (Copyright : Glénat)

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Extrait de la bande dessinée "Macao, Tome 1, La cité du dragon", scénario Philippe Thirault et Willy Duraffourg, dessin Federico Nardo, Glénat. (Copyright : Glénat)

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Extrait de la bande dessinée "Macao, Tome 1, La cité du dragon", scénario Philippe Thirault et Willy Duraffourg, dessin Federico Nardo, Glénat. (Copyright : Glénat)

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Extrait de la bande dessinée "Macao, Tome 1, La cité du dragon", scénario Philippe Thirault et Willy Duraffourg, dessin Federico Nardo, Glénat. (Copyright : Glénat)

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Extrait de la bande dessinée "Macao, Tome 1, La cité du dragon", scénario Philippe Thirault et Willy Duraffourg, dessin Federico Nardo, Glénat. (Copyright : Glénat)

 
 
*Macao, Tome 1, La cité du dragon, scénario Philippe Thirault et Willy Duraffourg, dessin Federico Nardo, Glénat, 56 pages, 14,50 euros.
Macao, la cité du dragon* invite à une plongée dans l’univers sulfureux des casinos de l’ancienne colonie portugaise. Ce premier volume d’une série de deux nous fait suivre Leon, un journaliste de Hong Kong recruté par Kwan Tao, grand maître des casinos de la ville, pour écrire sa biographie. Le richissime patron des nuits de Macao compte en effet se faire élire à la tête du territoire et a besoin de soigner son image. Ce qui est d’autant plus nécessaire qu’il est le chef de la plus puissante mafia de la ville. Outre l’agrément d’un thriller très bien mené, Macao, la cité du dragon donne un aperçu intéressant sur le monde des jeux et la corruption de ce territoire, ainsi que, via les mémoires de Kwan Tao, sur l’histoire des quarante années écoulées avant son retour sous souveraineté chinoise en 1999. Une série à suivre, donc.
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Couverture de la bande dessinée "Lao Wai, tome 2, La bataille de Dagu", scénario Alcante et Laurent-Frédéric Bollée, dessin Xavier Besse, Glénat. (Copyright : Glénat)

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Extrait de la bande dessinée "Lao Wai, tome 2, La bataille de Dagu", scénario Alcante et Laurent-Frédéric Bollée, dessin Xavier Besse, Glénat. (Copyright : Glénat)

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Extrait de la bande dessinée "Lao Wai, tome 2, La bataille de Dagu", scénario Alcante et Laurent-Frédéric Bollée, dessin Xavier Besse, Glénat. (Copyright : Glénat)

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Extrait de la bande dessinée "Lao Wai, tome 2, La bataille de Dagu", scénario Alcante et Laurent-Frédéric Bollée, dessin Xavier Besse, Glénat. (Copyright : Glénat)

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Extrait de la bande dessinée "Lao Wai, tome 2, La bataille de Dagu", scénario Alcante et Laurent-Frédéric Bollée, dessin Xavier Besse, Glénat. (Copyright : Glénat)

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Extrait de la bande dessinée "Lao Wai, tome 2, La bataille de Dagu", scénario Alcante et Laurent-Frédéric Bollée, dessin Xavier Besse, Glénat. (Copyright : Glénat)

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Extrait de la bande dessinée "Lao Wai, tome 2, La bataille de Dagu", scénario Alcante et Laurent-Frédéric Bollée, dessin Xavier Besse, Glénat. (Copyright : Glénat)

 
 
*Lao Wai, tome 2, La bataille de Dagu, scénario Alcante et Laurent-Frédéric Bollée, dessin Xavier Besse, 48 pages, Glénat, 13,90 euros
A propos de série, celle des aventures de François Montagne, soldat du corps expéditionnaire français envoyé en Chine en 1860 dans le cadre des guerres de l’opium, se poursuit avec le tome 2 de Lao Wai* (voir notre chronique sur le tome 1). Le jeune soldat se débat entre les Chinois tenanciers de fumeries d’opium, les soldats français qui participent au trafic et, bien sûr, les dangers de la guerre elle-même, centrée dans cet épisode sur la grande bataille pour les forts de Dagu. Sans oublier la présence d’une jeune chinoise ralliée aux Français mais au jeu bien trouble et celle d’une journaliste française terriblement curieuse. De la grande aventure menée dans un contexte historique des plus intéressants. Suite et fin dans le troisième tome.
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Couverture de la bande dessinée "Petite balade et Grande muraille", scénario et dessin Maïté Verjux, 184 pages, Éditions Fei, 19 euros. (Copyright : Éditions Fei)

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Extrait de la bande dessinée "Petite balade et Grande muraille", scénario et dessin Maïté Verjux, 184 pages, Éditions Fei, 19 euros. (Copyright : Éditions Fei)

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Extrait de la bande dessinée "Petite balade et Grande muraille", scénario et dessin Maïté Verjux, 184 pages, Éditions Fei, 19 euros. (Copyright : Éditions Fei)

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Extrait de la bande dessinée "Petite balade et Grande muraille", scénario et dessin Maïté Verjux, 184 pages, Éditions Fei, 19 euros. (Copyright : Éditions Fei)

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Extrait de la bande dessinée "Petite balade et Grande muraille", scénario et dessin Maïté Verjux, 184 pages, Éditions Fei, 19 euros. (Copyright : Éditions Fei)

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Extrait de la bande dessinée "Petite balade et Grande muraille", scénario et dessin Maïté Verjux, 184 pages, Éditions Fei, 19 euros. (Copyright : Éditions Fei)

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Extrait de la bande dessinée "Petite balade et Grande muraille", scénario et dessin Maïté Verjux, 184 pages, Éditions Fei, 19 euros. (Copyright : Éditions Fei)

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Extrait de la bande dessinée "Petite balade et Grande muraille", scénario et dessin Maïté Verjux, 184 pages, Éditions Fei, 19 euros. (Copyright : Éditions Fei)

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Extrait de la bande dessinée "Petite balade et Grande muraille", scénario et dessin Maïté Verjux, 184 pages, Éditions Fei, 19 euros. (Copyright : Éditions Fei)

 
 
*Petite balade et Grande muraille, scénario et dessin Maïté Verjux, 184 pages, Éditions Fei, 19 euros.
Aventure toujours ? Maïté Verjux, l’auteure de Petite balade et Grande muraille*, a décidé, à la fin de ses études de graphiste, de passer trois mois en Chine, et d’en faire un livre. Bon, un séjour de trois mois à l’étranger, même en Chine, ça ne ressemble pas vraiment à une expérience hors du commun, à une époque où abondent les récits du genre « Mes dix ans chez les Papous » ou « Ma traversée du Pacifique en pédalo ». Là, c’est plutôt les petits tracas de la vie quotidienne qui sont décrits par le menu, des difficultés de la vie dans un appartement partagé et surpeuplé de Pékin à la terreur suscitée par les puces de lit. Rien de vraiment ébouriffant donc, mais la jeune artiste a deux atouts : un joli coup de crayon et beaucoup d’autodérision.
NB : Maïté Verjux a rédigé l’ensemble de son livre en écriture inclusive, ce qui donne « Florie et Gaspard sont venu-e-s m’aider à ranger le salon, puis iels [sic] sont reparti-e-s ». Conclusion : entre politiquement correct et lisibilité, il faut choisir.

A voir

« Mangasia, Merveilles de la bande dessinée d’Asie », exposition du 30 juin au 23 septembre 2018, Le Lieu Unique, Nantes.

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A propos de l'auteur
Patrick de Jacquelot est journaliste. De 2008 à l’été 2015, il a été correspondant à New Delhi des quotidiens économiques La Tribune (pendant deux ans) et Les Echos (pendant cinq ans), couvrant des sujets comme l’économie, le business, la stratégie des entreprises françaises en Inde, la vie politique et diplomatique, etc. Il a également réalisé de nombreux reportages en Inde et dans les pays voisins comme le Bangladesh, le Sri Lanka ou le Bhoutan pour ces deux quotidiens ainsi que pour le trimestriel Chine Plus. Pour Asialyst, il écrit sur l’Inde et sa région, et tient une chronique ​​"L'Asie dessinée" consacrée aux bandes dessinées parlant de l’Asie.