Politique
Expert - vue du Pacifique

Pacifique : quelle "diplomatie parlementaire" pour la France ?

L'Assemblée nationale le jour des questions au gouvernement, le 19 décembre 2017 à Paris. (Crédits : AFP PHOTO / Patrick KOVARIK)
L'Assemblée nationale le jour des questions au gouvernement, le 19 décembre 2017 à Paris. (Crédits : AFP PHOTO / Patrick KOVARIK)
La « diplomatie parlementaire » se bâtit pas à pas, de législature en législature. Elle a de multiples facettes. Elle s’articule sur des contacts interparlementaires, la rédaction de rapports, les délibérations sur les questions internationales, des interpellations au gouvernement, l’audition d’experts et de hauts fonctionnaires voire la facilitation de colloques thématiques. Contrairement à une idée fort répandue, elle ne se fonde pas sur un grand nombre de déplacements à l’étranger. Par ailleurs, elle est le fruit de la détermination, des convictions et de la disponibilité de quelques députés. La mise en place de la délégation du bureau de l’Assemblée nationale chargée des activités internationales, de la commission des Affaires étrangères, et des groupes interparlementaires d’amitié et le choix des Groupes d’études à vocation internationale (GEVI) qui animeront la législature, constitue autant de moments-clés pour les cinq années qui viennent. Comment s’organise en ce début de XVème législature (2017–2022) le volet parlementaire des relations de la France avec les Etats et territoires insulaires du Pacifique ?
De 2012 à 2017, des élus de la Nation se sont rendus en tout et pour tout une fois en Asie centrale, à trois reprises en Extrême-Orient (au Japon en février 2012 et en juin 2014, et en Mongolie en juillet 2014), deux fois en Asie du Sud-Est (au Vietnam en juin 2014 et en Birmanie en février 2015) et une fois en Océanie. Cependant ces cinq dernières années, le rythme des déplacements en Asie–Pacifique s’est révélé particulièrement soutenu. De 2007 à 2012, les députés s’étaient alors déplacés à quatre reprises en Asie–Pacifique soit une de moins que de 2002 à 2007. En résumé, les membres de l’Assemblée ont effectué en quinze ans treize missions d’information interparlementaire en Asie-Pacifique, soit moins d’une par an en moyenne : 2 en Asie centrale, 1 en Asie méridionale, 3 en Extrême-Orient, 5 en Asie du Sud-Est et 2 en Océanie. Une distribution géographique qui a privilégié jusqu’ici les partenaires de l’ASEAN+3 mais qui a accordé plus de place à l’Océanie qu’au sous-continent indien, comme s’il n’y avait pas de souci parlementaire d’établir une véritable stratégie partenariale de l’Eurasie au Pacifique.
*Gwenegan Bui, Jean-Jacques Guillet, L’Asie du Sud-Est à la confluence des océans, Assemblée nationale, rapport d’information n°2548, février 2015, p. 7.
Non seulement le nombre des déplacements des députés à l’étranger est très limité mais les missions sont contraintes dans le temps. Pas plus d’une visite par an et par pays. Elle mobilise en outre chaque fois peu de parlementaires. Pour la législature qui s’engage, au-delà de cinq heures de vol, les élus missionnés ne pourront pas être plus de cinq. Dans ce contexte, le travail parisien des groupes d’amitié et d’études n’en prend que plus d’importance. Il en est de même pour le choix des rapports d’information qui sera opéré par la commission des Affaires étrangères. On se souvient en effet que dès le début de la XIVème législature (2012–2017), celle-ci avait souhaité consacrer une partie de ses travaux à l’Asie* et voulu confier un rapport au député calédonien Philippe Gomes sur la politique française dans le Pacifique, qui finalement ne put voir le jour, faute de moyens financiers et matériels.

Les députés en charge des dossiers du Pacifique dans les instances guidant la « diplomatie parlementaire »

*Hervé Berville (Côtes-d’Armor, LRM – Australie), Moetai Brotherson (Polynésie française, Gauche dém. et rép. – Australie, Iles d’Océanie, Nouvelle-Zélande, Vanuatu), Annie Chapelier (Gard, LRM – Iles d’Océanie, Nouvelle-Zélande), Olivier Dassault (Oise, LR – Australie), Christophe Di Pompeo (Nord, LRM – Timor oriental), Anne Genetet (Français hors de Fr., LRM – Australie, Nouvelle-Zélande, Vanuatu), Olga Givernet (Ain, LRM – Nouvelle-Zélande), Philippe Gomes (Nouvelle-Calédonie, Constructifs – Australie, Iles d’Océanie, Nouvelle-Zélande, Vanuatu), Rodrigue Kokouendo (Seine-et-Marne, LRM – Vanuatu), Sonia Krimi (Manche, LRM – Australie), Jérôme Lambert (Charente, Nouv. Gauche – Australie), Nicole Le Peih (Morbihan, LRM – Nouvelle-Zélande), Jacqueline Maquet (Pas-de-Calais, LRM – Australie, Iles d’Océanie), Denis Masséglia (Secr. parlem., Maine-et-Loire, LRM – Nouvelle-Zélande), Monica Michel (Bouches-du-Rhône, LRM – Australie, Iles d’Océanie, Nouvelle-Zélande), Didier Quentin (Charente-Maritime, LR – Australie) et Joachim Son-Forget (Français hors de Fr., LRM – Australie, Iles d’Océanie, Nouvelle-Zélande).
Commençons par le haut. Ni la présidente de la délégation du bureau de l’Assemblée nationale chargée des activités internationales, ni ses deux questeurs n’ont montré de signes d’implication dans les groupes d’amitié qui se consacreront aux Etats et territoires du Pacifique. Ils ne participeront pas plus à la délégation aux Outre-mer. Dès lors, non seulement au bureau de l’Assemblée nationale, il n’y a pas d’élu en lien avec le Pacifique, ce qui était loin d’être le cas durant la précédente législature du fait de l’intérêt marqué pour la région de son président Claude Bartolone (cf. ses déplacements en Australie et en Nouvelle-Calédonie). Mais la situation est à peine meilleure à la commission des Affaires étrangères. Un seul de ses quatre vice-présidents, l’ex-diplomate Jacques Maire (Hauts-de-Seine, LRM) a décidé de rejoindre des groupes d’amitié avec le Pacifique (Australie, Vanuatu). Néanmoins, parmi les 77 députés de l’Assemblée nationale qui ont fait savoir à la mi-octobre 2017 leur disponibilité à s’associer à l’un ou plusieurs des cinq groupes d’amitié et d’études sur le Pacifique, dix-huit sont des membres de la commission des Affaires étrangères*. Autrement dit, près d’un quart des membres de la commission des Affaires étrangères a fait le choix de s’inscrire dans au moins un des groupes d’amitié et d’études sur le Pacifique, une proportion flatteuse si elle se traduit en actes tout au long de la législature.
Si à l’échelle de l’Assemblée nationale toute entière, 13,3 % des députés ont rejoint un des groupes dédiés aux pays du Pacifique insulaire, il y a fort à parier que l’efficience de ceux-ci dépendra de la mobilisation des 60 % d’élus qui ont pris la décision de s’associer à un seul des groupes de travail océaniens.
Tableau : Nombre de parlementaires ayant choisi de s’associer à un seul groupe d’amitié ou d’études sur le Pacifique.
Tableau : Nombre de parlementaires ayant choisi de s’associer à un seul groupe d’amitié ou d’études sur le Pacifique.
Cependant, il semble qu’un nombre substantiel de députés s’intéressent non pas à un pays de la région mais à celle-ci dans son ensemble. 38,7 % des élus inscrits dans les groupes d’amitié avec le Pacifique se sont inscrits à au moins trois des cinq rassemblements constitués pour la XVème législature. Si aucun député n’a fait le choix de s’inscrire à tous les groupes dédiés aux pays insulaires du Pacifique, 40 % ont décidé de s’engager dans une démarche plurielle, offrant pas moins de neuf combinaisons possibles à leurs choix. Ce qui démontre pour le moins la diversité des approches géopolitiques adoptées par les élus. Parmi les membres de la commission des Affaires étrangères, sans surprise ce sont les deux députés venus du Pacifique (Moetai Brotherson et Philippe Gomes) qui se sont mobilisés le plus en s’inscrivant dans 4 groupes sur 5 (Australie, Iles d’Océanie, Nouvelle-Zélande et Vanuatu).
Plus généralement, les choix énoncés par les élus expriment une forme de hiérarchie du monde et de l’espace océanien. Les députés ont clairement affirmé un intérêt premier pour les relations de la France avec Canberra et Wellington (61,3 %) et même avant tout avec leurs homologues de l’île continent (77,4 %). Un ordonnancement tout particulièrement marqué parmi les 18 députés membres de la commission des Affaires étrangères qui participeront aux travaux des groupes d’amitié avec le Pacifique. Inversement, les relations avec les plus petits Etats insulaires ne sont pas perçues spontanément comme une priorité des participants à la commission des Affaires étrangères. Toutefois, 45 % des députés ayant marqué un intérêt immédiat à la région Pacifique ont choisi d’ajouter à leur participation aux groupes « Australie » et « Nouvelle-Zélande » au moins un autre pays océanien.
Tableau : Choix des membres de la commission des Affaires étrangères parmi les groupes d’amitié et d’études avec le Pacifique (en %)
Tableau : Choix des membres de la commission des Affaires étrangères parmi les groupes d’amitié et d’études avec le Pacifique (en %)
A y regarder de plus près, les députés ne s’intéressent manifestement pas seulement aux deux plus anciennes démocraties parlementaires du sud du bassin Pacifique bien que seulement trois d’entre eux, à l’instar du député de Wallis-et-Futuna, ne se soient inscrits ni dans le groupe australien, ni dans le groupe « Nouvelle-Zélande ». 64,5 % de ceux qui ont fait le choix de s’enregistrer dans plusieurs groupes d’amitié ont décidé de participer au tout nouveau groupe tourné vers les îles d’Océanie. Douze ne se consacreront d’ailleurs qu’à ce seul groupe Pacifique soit 15,6 % des députés inscrits dans les cinq groupes d’amitié et d’études. Autrement dit, près d’un sixième des députés ayant affiché leur volonté de participer aux réflexions des groupes d’amitié avec les pays du Pacifique ont marqué une attention centrée sur les plus petits Etats souverains d’Océanie et de la planète.

Des groupes d’amitié et d’études profondément remaniés

Bien que les travaux des groupes d’amitié et d’études commencent à peine, la plupart des exécutifs (vice-présidences, secrétariats) ne sont pas encore arrêtés et ne le seront pas pour la plupart avant le mois de décembre, force est de constater qu’ils seront conduits par des femmes et des hommes différents de la précédente mandature. Toutes les présidences ont changé de main. C’est ainsi que les cinq groupes constitués pour la nouvelle législature seront présidés par les personnalités suivantes :
Australie : Philippe Gomes (Nouvelle-Calédonie, Les Constructifs, membre de la Commission des Affaires étrangères) ;
Iles d’Océanie : Maina Sage (Polynésie française, Les Constructifs, membre de la Commission des lois) ;
Nouvelle-Zélande : Eric Diard (Bouches-du-Rhône, Les Républicains, membre de la Commission des lois) ;
Timor oriental : Pascale Boyer (Hautes-Alpes, La République en Marche, membre de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire) ;
Vanuatu : Matthieu Orphelin (Maine-et-Loire, La République en Marche, membre de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire).
Cette répartition des présidences fait que trois femmes (Jacqueline Maquet (Australie), Catherine Lemorthon (Timor oriental), Claude Greff (Vanuatu)) et un homme (Philippe Vitel) ont été remplacés par deux femmes et trois hommes. Au-delà des alternances de genre, celle des présidences des groupes a eu pour effet d’écarter des relations interparlementaires des personnalités parfois connues depuis longtemps des Océaniens et ayant su tisser des relations de confiance avec les partenaires, notamment au travers de leur représentations diplomatiques à Paris. Ainsi après quinze ans de mandat à la tête du groupe « Nouvelle-Zélande », le député LR du Var, Philippe Vitel, a cédé sa place. Egalement vice-président de 2012 à 2017 du groupe « Australie », son engagement sur les questions du Pacifique l’avait conduit plusieurs fois dans la région, y compris au nom du pouvoir exécutif. Cette confiance lui valut, par exemple, de mener les délégations françaises au Forum des îles du Pacifique lors des sommets des leaders à Auckland (2003), à Apia (2004) ou encore à Cairns en 2009, autant d’occasions pour un responsable politique français de nouer des relations personnelles avec les dirigeants océaniens. Dans le cas de la Nouvelle-Zélande, la rupture d’une relation humaine patiemment bâtie est néanmoins susceptible d’être compensée par un tissu de relations politiques trans-partisanes nouées avec les élus des terres de rugby. En 2017, 16 % des députés engagés dans le groupe « Nouvelle-Zélande » viennent des circonscriptions du sud-ouest de l’hexagone, cinq points de plus qu’en 2012-2017.
Les responsables choisis en 2017 pour prendre la tête des groupes d’amitié sont en outre de « jeunes parlementaires ». Non seulement au sens premier du terme, les président-e-s ont 50 ans de moyenne d’âge, plus jeune encore pour les deux femmes, mais elles et ils sont parlementairement peu expérimentés. Pour les présidentes, l’une a été élue pour la première fois à l’Assemblée nationale en 2014, l’autre en 2017. Par ailleurs, deux présidents sur cinq exécutent leur premier mandat de député (Timor oriental, Vanuatu). Le plus expérimenté des présidents des groupes d’amitié consacrés au Pacifique est dans ce contexte D. Diard (Nouvelle-Zélande) qui entame à 52 ans sa douzième année de mandat législatif. A ces « inexpériences » individuelles vient s’ajouter un remaniement en profondeur des groupes.
Tableau : Proportion des nouveaux venus dans les groupes d’amitié pour la XVème législature par rapport à la XIVème
Tableau : Proportion des nouveaux venus dans les groupes d’amitié pour la XVème législature par rapport à la XIVème
Ce renouvellement en profondeur des membres a entraîné une importante volatilité dans le nombre des inscrits d’une législature à l’autre. Les groupes rassemblés pour entretenir les relations interparlementaires avec la Nouvelle-Zélande et le Timor oriental en ont fait particulièrement les frais. A contrario, le groupe « Australie » en tire avantage. On peut penser que son attrait est le fruit de la dynamique ascendante des relations politiques entre Paris et Canberra. Le quinquennat de François Hollande a porté le partenariat bilatéral au plus haut. Le mandat du septième président élu de la Vème République restera dans l’histoire comme celui ayant été l’occasion de la première visite d’un chef d’Etat français à Brisbane, Sydney et Canberra (novembre 2014) et celui de la signature d’un méga-contrat de défense pouvant structurer les relations bilatérales militaires et de sécurité pour des décennies.
Tableau : Evolution du nombre de membres dans les groupes d’amitié entre la XIVème et la XVème législature (en %)
Tableau : Evolution du nombre de membres dans les groupes d’amitié entre la XIVème et la XVème législature (en %)
*La Nouvelle-Calédonie est devenue en novembre 2016 un membre associé de l’OIF. La ministre des Outre-mer, Annick Girardin, ne cache pas depuis son souhait de voir la Polynésie française en faire de même. Un choix politique qui passera nécessairement par une réécriture de l’article 42 de la loi organique de février 2004 sur le statut d’autonomie de la Polynésie française car celui-ci prévoit que la Polynésie française ne peut être membre, membre associé ou observateur auprès d’organisations internationales que du Pacifique.
A l’inverse, l’engouement pour le Vanuatu en surprendra plus d’un, même si les ex-Nouvelles Hébrides entretiennent des relations très étroites avec la Nouvelle-Calédonie et ses trois provinces, et sont le seul Etat océanien membre de l’Organisation internationale de la francophonie*. Dans le contexte d’un groupe composé quasiment aux deux tiers de députés novices et dans lequel on ne compte qu’un seul membre sortant de la XIVème législature ayant participé aux travaux sur le Vanuatu (Philippe Gomes, Nouvelle-Calédonie), ce sera un véritable défi que de bâtir une relation interparlementaire durable avec Port-Vila et de réfléchir à l’accompagnement du processus référendaire calédonien qui ne manquera pas de peser de tout son poids, quel que soit son résultat, tout au long des années de la législature. Il ne peut en effet être écarté que d’ici 2022 les Calédoniens soient consultés d’une à trois fois sur la pleine souveraineté du territoire, chacune de ses étapes ne manquant pas d’intéresser au plus haut point les dirigeants de Vanuatu et ceux du Groupe du fer de lance mélanésien.
L’inscription dans les groupes d’amitié est un acte qui exprime un choix personnel des députés. Quand un même député exprime sa volonté de participer à plusieurs groupes d’amitié et d’études, il n’en recouvre pas moins un risque d’éparpillement de sa mobilisation et un essoufflement de celle-ci dans le temps. On relèvera ainsi au sein du groupe d’amitié « France–Chine » qui rassemble le plus grand nombre de députés, que 25,2 % d’entre eux sont également membres d’un ou plusieurs groupes d’amitié avec les pays océaniens. Reste donc à savoir si la participation aux groupes d’amitié avec les « grands » pays partenaires de la France se fera au détriment ou non d’un investissement dans les groupes institués pour entretenir les relations avec de plus « petits » Etats ! On trouve cependant des députés « multicartes » dans chacune des sous-régions de l’Asie–Pacifique. Ceux qui ont marqué un intérêt pour l’un ou l’autre des groupes océaniens seront donc mobilisés par tous les regroupements de l’Eurasie au Pacifique, ce qui offrira aux élus une possibilité d’aborder la région comme étant celle de « l’Indo-Asie-Pacifique », le spectre géographique à l’échelon duquel doit être dorénavant pensé les politiques française et européenne. Les choix sous-régionaux opérés ne reflètent toutefois que d’une manière très imparfaite les relations des Océaniens avec les pays d’Asie. Au regard des politiques conduites par l’Indonésie, les Philippines, la Thaïlande et le Vietnam vers les Etats et territoires insulaires du Pacifique (la protection des récifs coralliens, les pratiques de pêche ou les solidarités mélanésiennes), il y a plus de concordance dans les agendas politiques des pays de l’ASEAN avec ceux du Forum des îles du Pacifique, qu’entre ces derniers et les pays d’Asie méridionale, même si l’Inde accentue ces dernières années ses efforts relationnels vers certains partenaires du Pacifique occidental (Fidji ou la Papouasie-Nouvelle-Guinée). On devrait donc avoir plus de députés français membres simultanément des groupes « aseaniens » et océaniens, que du Pacifique avec les pays d’Asie du sud. Or on observe le phénomène exactement inverse.
Tableau : Proportion des députés ayant le fait le choix de s’investir dans un groupe d’amitié avec les pays océaniens et au moins un autre groupe sous-régional consacré à l’Asie-Pacifique
Tableau : Proportion des députés ayant le fait le choix de s’investir dans un groupe d’amitié avec les pays océaniens et au moins un autre groupe sous-régional consacré à l’Asie-Pacifique
*Soit 2,3 % des présidences conférées à LRM. **Chine : Buon Tan (Paris), Corée : Joachim Son-Forget (Français établis hors de France), Inde : Céline Calvez (Hauts-de-Seine), Indonésie : Raphaël Gérard (Charente-Maritime), Japon : Alain Tourret (Calvados).
Si pris individuellement les députés manifestent un intérêt pour les groupes dédiés au Pacifique, il serait erroné de penser que c’est un enjeu partisan pour leurs formations politiques. La distribution des présidences qui sont attribuées à la proportionnelle des groupes l’a démontré. Pour le Pacifique, deux groupes seront présidés par des élus LRM (une femme, un homme)*, deux par des Constructifs (une femme, un homme) et un dernier par un élu LR. Cette répartition « équilibrée » laisse à penser que les enjeux partisans se sont joués ailleurs. Parmi les groupes d’amitié établis avec les pays Asie–Pacifique membres du G-20, seule la présidence du groupe « Australie » échappe aux élus de la République en Marche**, alors que la présidente sortante du groupe avait pourtant rejoint LRM.
L’emprise des partisans du président de la République sur les six groupes asiatiques avec les pays du G-20 apparaît bien plus prégnante que celle de la majorité sortante du président François Hollande. En effet, les élus issus des rangs du groupe Socialiste, écologiste et républicain (SER) ne présidaient alors que la moitié des groupes (Australie, Chine, Japon). L’investissement des partisans de LRM dans les groupes en lien avec les Etats et territoires du Pacifique est aujourd’hui manifeste. C’est si vrai que dans le groupe « Vanuatu », ils sont même sur-représentés par rapport à leur poids réel à l’Assemblée nationale (+ 10,8 %). Ailleurs, les représentants du parti majoritaire pèseront, tout au moins sur le papier, deux à trois fois plus lourd que les élus SER de 2012 à 2017. De fait, LRM atteint dans la quasi-totalité des groupes « Pacifique » un niveau de représentation assez proche de ce qu’il est plus globalement à l’Assemblée nationale en ce début de mandature.
Tableau : Représentation du parti présidentiel dans les groupes d’amitié et d’études avec le Pacifique lors des XIVème et XVème législatures
Tableau : Représentation du parti présidentiel dans les groupes d’amitié et d’études avec le Pacifique lors des XIVème et XVème législatures
En parallèle de l’investissement croissant des élus de la majorité dans les groupes d’amitié et d’études consacrés au Pacifique, on relèvera leur plus forte féminisation. Tous les groupes ont vu leur nombre de femmes augmenter. Dans trois groupes sur quatre (Nouvelle-Zélande, Timor oriental, Vanuatu), leur nombre à même plus que doublé. Si dans les deux tiers des groupes « Pacifique » la féminisation a été plus forte que celle de l’Assemblée nationale elle-même (+ 44,5 %), il ne faudrait pas oublier que dans le groupe dédié à la principale puissance insulaire le ratio a diminué (-1,1 %) et qu’il est inférieur dans tous les groupes à l’évolution du rapport genré du palais Bourbon. Pire, la sous-féminisation des groupes « Pacifique » s’est aggravée en 2017. En moyenne, la sous-féminisation de chaque groupe d’amitié et d’études est de l’ordre de 10,4 % par rapport au ratio des genres au sein de l’Assemblée alors qu’il n’était que 10,2 % lors de la XIVème législature. Un comble à l’heure où le nombre de députées est passé de 155 en 2012 à 224 en 2017 !
Tableau : Représentation par genre dans les groupes d’amitié et d’études avec le Pacifique lors des XIVème et XVème législatures
Tableau : Représentation par genre dans les groupes d’amitié et d’études avec le Pacifique lors des XIVème et XVème législatures
*En fonction depuis 2014, elle est la quatrième femme du Pacifique insulaire à exercer une telle responsabilité nationale, succédant ainsi à une Australienne en 1987, une Néo-Zélandaise en 2005 et une ressortissante des îles Cook en 2012. Mme Luveni a été accueillie en décembre 2016 au Sénat. **Elue en juillet 2014, elle a été reconduite dans ses fonctions pour trois ans en septembre 2017.
Cette situation de sous-féminisation des groupes d’amitié et d’études « Pacifique » reflète combien le rapport à la politique extérieure de la France demeure une affaire d’hommes, même si la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale est pour la première fois de l’histoire présidée deux mandatures de suite par une femme (Elisabeth Guigou, Marielle de Sarnez). Une situation qui n’est pas sans rappeler la situation des femmes en Océanie. Là comme ailleurs elles peinent à exercer les plus hautes fonctions. Aujourd’hui, on ne dénombre qu’une seule femme chef d’Etat (Hilda Heine à Kiribati), une seule cheffe de gouvernement (Jacinda Ardern en Nouvelle-Zélande), deux présidentes d’un parlement (Dr Jiko Luveni à Fidji*, Niki Rattle aux îles Cook) et une seule secrétaire générale d’une organisation régionale (Dame Meg Taylor à la tête du Forum des îles du Pacifique**).
*Aucune femme n’a jamais été élue à ces fauteuils depuis l’intégration du territoire à la République en 1961. Toutefois, plusieurs femmes furent désignées suppléantes. Mme Lavinia Tagane est ainsi l’actuelle suppléante du député Napole Polutele mais aussi benjamine (26 ans) de l’Assemblée territoriale élue le 26 mars 2017. Avant elle, Malia Sanele Futlutui fut également la suppléante de 2007 à 2012 du député Albert Likuvalu.
Au Palais Bourbon, les femmes députées du Pacifique ne représentent de leur côté qu’un tiers des mandataires élus par les citoyens de la région. Un pourcentage encore plus réduit si on rapporte le nombre de femmes élues à celui des sénateurs, des députés nationaux et européens venus des archipels français du Pacifique (16,6 %). Une situation singulière qui tient à l’absence d’élues députées ou sénatrices en Nouvelle-Calédonie et sur le Territoire des îles Wallis et Futuna*. 2017 n’en restera pas moins pour l’Assemblée nationale l’année de la féminisation des élus venus de l’Outre-mer. Elles représentent 44,4 % des députés ultramarins et pour la première fois des femmes ont été élues à la Martinique (Josette Manin, Ensemble pour une Martinique Nouvelle) et Mayotte (Ramlati Ali, Parti Socialiste). Au final, 6 départements et collectivités d’Outre-mer sur 10 ont envoyé au moins 50 % d’élues à l’Assemblée nationale (Guadeloupe, Mayotte, La Réunion, Polynésie française, Saint-Martin / Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon). Une première !

Une très forte implication des députés ultramarins du Pacifique pour leur région

Aux quatre groupes d’amitié ayant fonctionné entre 2012 et 2017 (Australie, Nouvelle-Zélande, Timor oriental, Vanuatu) s’est ajouté pour la XVème législature un Groupe d’études à vocation internationale consacré aux Etats et territoires insulaires d’Océanie. Cette évolution institutionnelle a été voulue par les représentants ultramarins du Pacifique, à commencer par les Polynésiens. C’est d’ailleurs l’un d’entre eux, Mme Maina Sage qui a été portée à sa tête. Il est vrai que la plupart des pays insulaires du Pacifique sont des démocraties parlementaires mais elles ne disposaient pas pour autant jusqu’ici d’interfaces au Palais Bourbon, à la différence du Sénat où a été constitué depuis quelques années déjà un groupe interparlementaire d’amitié « France – Vanuatu – Iles du Pacifique », avec des vice-présidents délégués pour les Fidji (Robert Laufoaulu, Les Républicains, Wallis-et-Futuna) et la Papouasie-Nouvell-Guinée (Elisabeth Lamure, Les Républicains, Rhône).
*Christian Lechervy, « Repenser la géopolitique maritime du Pacifique », Politique internationale, Eté 2017, n°156, pp 391-398.
A l’Assemblée nationale lors de la dernière législature, il n’existait qu’un groupe d’amitié avec le Vanuatu, ceux consacrés par le passé (ex. législations XI et XII) à Fidji et à la Papouasie-Nouvelle-Guinée n’ayant pas été reconduits. Ce réordonnancement des groupes n’a pas été sans débats politiques et pour tout dire, sans appréciations géopolitiques. Si les liens historiques entre la France et Port Vila ont conduit à perpétuer un groupe « Vanuatu » distinct de celui dorénavant consacré aux autres entités insulaires du Pacifique, le GEVI « Iles d’Océanie » a été lui l’objet de divergences sur la définition de son périmètre géographique et par là même son intitulé. Les élus ultramarins du Pacifique auraient souhaité qu’il se dénomme « Iles du Pacifique » pour entrer pleinement en résonance avec les appellations des institutions régionales (ex. Forum des îles du Pacifique, Forum de développement des îles du Pacifique), un souci largement partagé par les pays de la région depuis plusieurs décennies*. Un changement de nom obtenu in fine en novembre à la satisfaction des élus.
Au-delà du débat sémantique, les députés de Polynésie française et du Territoire des îles Wallis et Futuna souhaitaient pouvoir prendre en compte dans leur projet relationnel interparlementaire les territoires américains avec lesquels les collectivités d’Outre-mer entretiennent des relations bilatérales anciennes (ex. Hawaii) ou se retrouvent dans des enceintes communes de coopération et d’échanges comme c’est depuis des années le cas pour le Commonwealth des îles Mariannes du Nord, Guam, les Samoa américaines au sein de la Communauté du Pacifique (CPS) ou du Programme régional océanien de l’environnement (PROE). Faute d’avoir pu obtenir immédiatement gain de cause sur ces points, il n’est donc pas surprenant que deux des trois députés polynésiens (M. Brotherson, M. Sage) aient décidé de porter la voix du Pacifique au sein du groupe d’amitié avec les Etats-Unis. Une tâche qui n’en sera pas moins difficile dans une enceinte qui enregistre déjà 103 participants.
*Christian Lechervy, « La France face aux défis de sa « maritimité » Pacifique », in Revue juridique politique et économique de Nouvelle-Calédonie, n°29, 1/2017, pp 57-65.
Toute chose égale par ailleurs, la constitution du nouveau groupe d’études pour les îles d’Océanie est un vrai succès, ne serait-ce que par sa capacité d’attraction : 31 députés y étaient déjà inscrits à la mi-octobre. Six viennent de la commission des Lois, à commencer par sa présidente, tout comme des commissions de la Défense et des Affaires étrangères. Bien que la commission du développement durable soit elle moins bien représentée puisque seuls 4 députés y sont rattachés, force est de constater la très grande diversité des membres et de leurs centres d’intérêt pour un espace géographique et politique qui rassemble six des dix pays du Pacifique avec lesquels la France dispose de territoires maritimes contigus (Fidji, Kiribati, Salomon, Samoa, Tonga, Tuvalu*).
Les députés ultramarins du Pacifique ont pleinement adhéré à cette initiative d’un groupe d’études à vocation sous-régionale qui a commencé ses travaux le 7 novembre. Ils l’ont quasiment tous rejoint ; seule la député polynésienne N. Sanquer n’y participera pas. Cet investissement collectif accentue leurs poids sur sa mise en œuvre. Ils représentent 16 % des inscrits au groupe « Iles d’Océanie », mais cet engagement ne doit pas conduire à sous-estimer l’investissement des élus ultramarins dans les autres groupes d’amitié. On retiendra ainsi que pour la première fois de l’histoire, trois élus ultra-marins du Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française) présideront des groupes d’amitié et d’études. Aux deux groupes océaniens est venue s’ajouter la « Thaïlande » qui a été confiée à M. Brotherson.
*En novembre 2010, la Réunion fut l’invitée d’honneur du French festival d’Adelaïde et en mars 2013, pour la première fois, un membre du gouvernement australien, le secrétaire d’Etat Richard Marles, a effectué une visite dans l’île française de l’océan Indien.
Le groupe d’amitié le plus nombreux qui a échu à un élu ultramarin du Pacifique est celui qui est voué à l’Australie. Après en avoir été l’un des cinq vice-présidents lors de la XIVème législature, Philippe Gomes en prend les rênes. Ce n’est toutefois pas la première fois qu’un élu calédonien préside à ses destinées puisque Pierre Frogier, aujourd’hui sénateur Les Républicains, assuma lui aussi cette responsabilité. Preuve s’il en fallait de l’engagement des députés ultramarins du Pacifique dans les relations franco-australiennes, ce groupe d’amitié comprend les trois députés polynésiens, contre 2 dans la précédente mandature et les deux députés du Caillou, comme de 2012 à 2017. Au titre des Outre-mer, on notera la reconduction de l’engagement de la députée de la Réunion, Huguette Bello (Gauche démocratique et Républicaine), à l’heure où les relations entre les deux territoires se développent*.
Cet engagement ultramarin contraste avec l’absence des élus ayant une expérience politique de niveau ministériel. Le groupe d’amitié France–Australie ne compte plus qu’un seul ex-ministre (Eric Woerth), contre 4 précédemment (Frédéric Lefebvre, Pierre Lellouche, Thierry Mariani et Alain Marleix). Le groupe « Australie » est d’ailleurs le seul à avoir un de ses membres ayant exercé des responsabilités gouvernementales alors que les ex-ministres et secrétaires d’Etat étaient de 2012 à 2017 pas moins de six au sein du groupe « Nouvelle-Zélande » (Hervé Gaymard, Frédéric Lefebvre, Pierre Lellouche, François Loncle, Thierry Mariani et Alain Marleix), 2 pour le « Timor oriental » (Hervé Gaymard et Thierry Mariani) et 4 pour le « Vanuatu » (Dominique Bussereau, Hervé Gaymard, Pierre Lellouche et Thierry Mariani). Cette « dégouvernementalisation » des groupes « Pacifique » n’est peut-être pas si embarrassante qu’il n’y paraît car le plus souvent les-ex-ministres et secrétaires d’Etat se sont peu investis par le passé dans cette dimension de la diplomatie interparlementaire.
Si l’action des élus français du Pacifique ne pourra être relayée par d’ex-autorités gouvernementales, elle pourra s’appuyer sur le poids politique des membres de la commission des Affaires étrangères et de la Défense. Au sein du groupe « Australie », il a fortement progressé d’une législature à l’autre (+ 20 %). Aujourd’hui, ces élus représentent 55 % des parlementaires qui disent vouloir se mobiliser pour développer les relations avec Canberra. Plus significatif encore, 20 % sont des membres de la commission de la Défense ce qu’explique l’enjeu de la vente des sous-marins de Naval Group et le « partenariat stratégique rehaussé » signé par Jean-Marc Ayrault en mars 2017 !
Pour nombre de députés, il n’est pas possible de s’intéresser au développement des relations avec l’Australie, sans accorder de l’importance à la dynamique des relations avec la Nouvelle-Zélande. En conséquence à la mi-octobre 2017, 38,7 % des élus associés au groupe « Australie » se sont enregistrés à celui consacré à la Nouvelle-Zélande. L’inverse est encore plus vrai : 43,1 % des membres du groupe « Nouvelle-Zélande » sont inscrits au groupe « Australie ». C’est l’intérêt pour le binôme « Australie/Nouvell-Zélande » est tout aussi fort chez les députés ultramarins du Pacifique, comme le démontre la présence dans les deux groupes des deux députés calédoniens et deux des trois élus polynésiens (M. Brotherson, M. Sage).
A la différence du groupe « Australie », l’emprise des élus « Affaires étrangères–Défense » sur le groupe « Nouvelle-Zélande » est beaucoup plus faible, à peine un peu plus d’un tiers (34,2 %). C’est encore plus vrai si on isole des élus de la commission de la Défense. Ils sont non seulement deux fois moins nombreux (10,5 %) que dans le groupe « australien » mais ils sont également en proportion deux fois moins nombreux que lors de la dernière législature. Décidément, les relations franco-néo-zélandaises vues par les députés ne sont pas d’abord examinées au travers du prisme des enjeux de défense. A contrario, les enjeux du développement durable semblent avoir justifié l’adhésion des élus à ce groupe. Dans l’assemblée sortante, un seul député était rattaché à cette commission (Jean-Pierre Vigier, Haute-Loire). Aujourd’hui, ils représentent 18 % des adhérents du groupe. Ce phénomène est tout aussi perceptible avec le groupe « Vanuatu ». Alors qu’il n’y a plus à ce stade en son sein le moindre député issu de la commission de la Défense, ils seront 4 fois plus nombreux que par le passé à venir de la commission du Développement durable. Autre nouveauté, la forte participation des députés ultra-marins. Sont inscrits en effet les deux députés calédoniens et non plus un seul, le député du territoire des îles Wallis et Futuna et le député indépendantiste de la Polynésie française. Autrement dit, dans cette enceinte, les élus ultra-marins du Pacifique représenteront plus du quart des participants contre moins de 10 % dans le groupe sortant.
Si les députés ultramarins ont marqué une forte propension à s’investir dans les groupes consacrés au Pacifique insulaire, ils sont totalement absents de celui dédié au Timor oriental, comme c’était d’ailleurs le cas lors de la XIVème législature. La relation avec Dili n’est pas perçue comme un enjeu lié au Pacifique insulaire, pourtant le gouvernement timorais a rejoint en août 2016 le Forum de développement des îles du Pacifique après être devenu un Etat « observateur » du Groupe du fer de lance mélanésien en 2011. Cette perception est commune de fait aux élus ultramarins et de l’hexagone. Un seul élu, Pierre Morel à l’Huissier (Les Constructifs, Lozère) appartient au groupe « Timor oriental » et à un autre consacré à la région (Australie). Par ailleurs, on remarquera que si aucun élu de la commission du développement durable n’avait cru utile de s’associer au groupe de 2012 à 2017, ils composent aujourd’hui la moitié du groupe « timorais », confirmant ici aussi la prégnance des enjeux d’une diplomatie climatique.
Si les députés ultramarins du Pacifique ont fait le choix d’exclure jusqu’ici de leur spectre de mobilisation le Timor oriental, cela ne traduit en rien une vision restreinte de l’espace international dans lequel doivent s’inscrire les relations extérieures de leur territoire. Certes, les deux députés calédoniens ont fait le choix de ne s’associer qu’aux groupes qui se consacrent aux pays du Pacifique. Philippe Gomes, qui a été reconduit à la commission des Affaires étrangères, a veillé à s’inscrire à quatre des cinq groupes existants. P. Dunoyer participera de son côté à trois d’entre eux (Australie, Nouvelle-Zélande, Vanuatu). Les élus calédoniens seront ainsi au contact des élus des pays les plus proches du Caillou. Compte tenu des perturbations récentes créées par les pêches illégales viêtnamiennes et les liens historiques existants entre la Nouvelle-Calédonie et le Vietnam, il est peut-être dommage qu’aucun de nos élus du Pacifique n’ait fait le choix de s’associer au groupe d’amitié « Vietnam ». Mais le choix calédonien est d’une très grande cohérence. Il rejoint en cela les priorités des relations extérieures mises en œuvre depuis deux ans par le gouvernement de P. Germain. Il en est de même du côté polynésien, selon que le député soit un représentant de l’opposition indépendantiste ou un soutien au président de la Polynésie française, E. Fritch.
Le député indépendantiste de la troisième circonscription, Moetai Bortherson a fait des choix qui reflètent ceux qu’il a souhaité développer d’un point de vue partisan ces dernières années avec les acteurs politiques de certains pays du « Mouvement des non-alignés ». Dans cette logique, le gendre d’Oscar Temaru s’est associé non seulement à des groupes tournés vers des pays asiatiques (Japon, Taïwan, Chine) et les Etats-Unis – des partenaires historiques de la Polynésie française –, mais également ceux consacrés aux relations interparlementaires avec l’Afrique du Sud, l’Algérie, Cuba et le Venezuela. Des intentions relationnelles beaucoup plus étendues que celles recherchées par les autres élus français du Pacifique !
De son côté, les engagements de la députée de la première circonscription de Polynésie française M. Sage traduisent parfaitement l’architecture des relations internationales de Papeete. Le GEVI « Iles d’Océanie » permettra de densifier les relations avec les élus des pays du Groupe des dirigeants polynésiens mais aussi de suivre au premier rang les évolutions de la politique européenne à l’heure où se définissent les relations post-2020 avec les pays P-ACP. Dans cette logique, Mme Sage est devenue membre de la commission des Affaires européennes mais elle s’investit aussi dans les groupes d’amitié avec les pays latino-américains du Pacifique, non seulement le Chili du fait de la proximité territoriale et historique avec l’île de Pâques (Rapa Nui) mais aussi le Pérou.
De tous les élus français du Pacifique, M. Sage est la plus impliquée dans les groupes d’amitié de l’Assemblée nationale. Mais sa mobilisation a pour vocation de couvrir les territoires insulaires (cf. groupe « Amérique centrale »), les BRICS (Chine, Inde, Russie) et pays de l’ASEAN (Brunei, Malaisie, Indonésie) dont les actions peuvent peser sur les intérêts polynésiens. Une action qu’épaule Nicole Sanquer, la nouvelle députée de la seconde circonscription, membre de la commission aux Affaires sociales et de la Délégation aux Outre-mer. Cette dernière s’est en effet associée aux groupes « Australie », « Japon », « Canada » et celui consacré à la Principauté de Monaco. Il est vrai que le prince Albert II visite régulièrement les pays du Pacifique et se montre particulièrement mobilisé par la sauvegarde des océans.
Au rang des sujets d’étonnement, alors que les parlementaires polynésiens siègeront dans de très nombreux groupes d’amitié et d’études, curieusement on ne retrouve aucun d’entre eux dans celui qui se consacre aux relations avec le Saint Siège et plus généralement, aucun élu du Pacifique alors que les relations du monde politique avec l’Eglise catholique romaine sont particulièrement étroites. Les présidents des territoires français du Pacifique ont d’ailleurs été invités à se joindre aux chefs d’Etat et de gouvernement du Forum des îles du Pacifique qui ont rendu visite au le Pape François au Vatican quelques jours avant l’ouverture de la COP 23 à Bonn.
*Suisse et Liechtenstein.**Parlementaire en mission sur le devenir de l’île de la Passion (Clipperton), il remit en février 2016 un rapport de 83 pages à la ministre des Outre-mer George Pau Langevin.
Si la mobilisation de élus ultramarins du Pacifique dans les groupes d’amitié et d’études est très visible, il ne faudrait pas croire pour autant que les élus de l’hexagone se désintéressent de la région. Ainsi, le député du Tarn, Philippe Folliot (LRM), est l’un des trois élus hexagonaux qui s’est inscrit dans le plus grand nombre de groupes consacrés au Pacifique. Il participera tout comme Jean-Claude Leclabart (Somme, LRM) et Joachim Son-Forget (6ème circonscription des Français de l’étranger*, LRM) aux groupes mobilisés pour l’Australie, les Iles d’Océanie et la Nouvelle-Zélande. En ayant rejoint également les groupes « Mexique », « Chine », « Japon » et « Etats-Unis », P. Folliot sera l’un des élus de la Nation qui continuera de suivre avec attention la situation dans le Pacifique nord et singulièrement les enjeux stratégiques liés à l’île de Clipperton**.
En complément de leurs actions au sein des groupes d’amitié et d’études « Pacifique », les députés pris individuellement continueront par ailleurs à contrôler et peser sur la conduite de la politique extérieure de l’Etat. Dernière interaction en date, l’interpellation du gouvernement le 24 octobre par le député du Territoire des îles Wallis et Futuna qui s’est enquis auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères de son soutien au rehaussement du statut du Territoire au Forum des îles du Pacifique mais également du calendrier du prochain sommet des chefs d’Etat et de gouvernement France–Océanie. Deux questions qui ont été l’occasion pour le Secrétaire d’Etat J-B. Lemoyne de souligner urbi et orbi non seulement le soutien de la France au souhait d’intégration régionale de Wallis et Futuna mais aussi de confirmer que c’est en 2018 que se tiendra en Polynésie le Vème sommet France–Océanie.
*L’Australia Western Parliamentary Network auquel est rattaché la France. **Suite aux élections législatives du 23 septembre, le nouveau groupe d’amitié avec la France sera constitué dans le mois qui suivra l’ouverture de la session parlementaire. ***Australie, Etats Fédérés de Micronésie, Fidji, Nouvelle-Zélande, Palaos, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Samoa, Timor oriental, Tuvalu.
De leur côté, les groupes d’amitié et d’études avec les pays du Pacifique pourront non seulement conduire au renforcement des relations politiques bilatérales avec leurs homologues australien* et néo-zélandais** mais également à rechercher des synergies avec les commissions des relations extérieures instituées dans les assemblées territoriales de Nouvelle-Calédonie (2013) et de Wallis et Futuna (2017), voire – ce qui serait peut-être plus novateur – avec les membres « Pacifique » de l’Union interparlementaire*** ou encore le Forum parlementaire Asie–Pacifique (APPF), le Forum de partenariat parlementaire des femmes du Pacifique, l’Assemblée parlementaire du Pacifique pour les populations et le développement (PPAPD), la conférence des présidents des parlements polynésiens (GPP), l’Assemblée parlementaire Union européenne–ACP, sans même parler de l’Assemblée parlementaire « Asie–Pacifique » de la francophonie. De nombreuses perspectives pour les cinq ans qui viennent s’ouvrent donc pour les députés français qui s’intéressent au Pacifique et ses Etats-membres. A eux de les saisir pour que les groupes d’amitié et d’études de l’Assemblée nationale ne soient pas des coquilles vides !

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A propos de l'auteur
François Guilbert est chroniqueur depuis la fin des années 1980 des questions internationales et de sécurité en Asie-Pacifique. Après avoir longuement résidé en Asie du Sud-Est et en Eurasie, il travaille aujourd'hui en Océanie.