"Argent Amer" : Wang Bing filme les petites mains du textile chinois
Contexte
Une date à entourer dans les agendas pour les passionnés de Chine et de cinéma. Mercredi 22 novembre, c’est la sortie sur les écrans français d’Argent Amer de Wang Bing. Comme les bons vins, ce qu’il y a de bien avec notre documentariste chinois préféré, c’est que vous pouvez y aller quasi les yeux fermés. Pour les rouvrir ensuite, une fois les publicités passées, sur cette histoire de jeunes migrants qui nous emmènent au cœur de l’atelier du monde, ou ce qu’il en reste : « A peine sortis de l’adolescence, Xiao Min, Ling Ling et Lao Yeh ont des rêves plein la tête, lit-on dans le synopsis. Quittant leur village du Yunnan, ils partent grossir la main-d’œuvre de Huzhou, une cité ouvrière florissante des environs de Shanghai. » Un voyage dans l’espace, le temps et les émotions ou, comme à chaque fois chez Mr Wang & Mr Bing, la réalité finit par dépasser la fiction et nous faire oublier que nous sommes devant un documentaire. Et si vous n’êtes pas encore convaincus, Asialyst vous propose ce texte de notre partenaire l’Association des Cinémas de l’Ouest pour la Recherche sur l’avant dernier opus du fils prolifique du documentaire chinois. Après le prix du scénario à la Mostra de Venise pour Argent Amer, Mrs Fang a reçu le Léopard d’or au Festival international du film de Locarno 2017.
Migration Intérieure
Prenez un train chinois, et vous verrez que toute migration est à la fois un déplacement géographique et un bouleversement intérieur.
Les cartes tombent sur un journal posé à même le sol. Les poignées de haricots velus et de fruits secs accompagnent la bière chaude et les nouilles instantanées. Tout le monde est logé à la même enseigne, et sous l’apparent désordre des corps et des objets, tout se passe dans la plus grande harmonie !
Rejoindre les chaînes de montage marque aussi l’entrée dans l’âge adulte pour la plupart de ces jeunes migrants.

L’objectif est de passer d’un Made IN China bon marché, à un Made FOR China plus haut de gamme. Pour cela, il est nécessaire de relever les salaires et d’augmenter la consommation des ménages.
Ciseaux, boulot, dodo. Partout, c’est la même litanie du travail à la chaîne.
Ma petite entreprise connaît la crise, elle n’est pas la seule… De nombreux patrons chinois n’ont pas hésité ces dernières années à délocaliser leur production là où les salaires sont plus bas, dans l’Ouest chinois ou même en Asie du Sud-Est.
L’amour à l’usine
Le béton est encore nu et l’architecture se résume à une succession de couloirs gris, de balcons et de cages d’escaliers dans lesquelles résonne l’appel nasillard des hygiaphones des vendeurs de tofu.
Les conditions de travail séparent les êtres, mais plus personne ne s’en étonne. On s’habitue au changement de nourriture et au voisin de dortoir qui s’assomme à l’alcool. On a du mal en revanche à se faire au mal du pays.
Seules fenêtres à crédit sur le monde et cordon ombilical avec les proches restés au pays, des grappes de smartphones attendent les nouvelles, sous perfusion des prises de courant.
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