Politique
L'Asie du Nord-Est dans la presse

Corée du Nord : après le missile au-dessus du Japon, un 6ème essai nucléaire ?

C'est la cinquième fois qu'un missile nord-coréen survole le territoire japonais. (Crédits : AFP PHOTO / JUNG Yeon-Je)
C'est la cinquième fois qu'un missile nord-coréen survole le territoire japonais. (Crédits : AFP PHOTO / JUNG Yeon-Je)
Ce mardi 29 août au matin, le Japon a été réveillé par un missile balistique nord-coréen qui a survolé l’île d’Hokkaido. Les États-Unis restent discrets – pour l’instant – tandis que Séoul répond par une démonstration de force. Serait-ce l’annonce du 6ème essai nucléaire de Pyongyang ?
Un missile balistique étranger qui passe au-dessus du territoire national. C’est ce qu’a vécu le Japon une fois de plus ce mardi 29 août. Le missile nord-coréen a parcouru 2 700 km vers 6 heures du matin, lorsqu’il a survolé l’île d’Hokkaido au nord de l’archipel nippon, rapporte le South China Morning Post. Selon le ministre japonais de la Défense Itsunori Onodera, le missile de portée intermédiaire se serait écrasé à 1180 km à l’est des côtes nippones. Au total, la fusée aurait parcouru la distance en 14 minutes, dont 2 minutes au-dessus du territoire japonais, et atteint la hauteur maximale de 550 km, précise le quotidien Asahi Shimbun.
C’est la cinquième fois qu’un missile nord-coréen survole ainsi le Japon. Le premier, tiré en 1998, avait surpris et fut suivi d’une attitude conciliante de Washington qui dépêcha son ancien secrétaire à la défense William Perry à Pyongyang. Bill Clinton reçut deux ans plus tard le vice-maréchal nord-coréen Jo Myong-rok, et les deux parties s’engagèrent à « mettre fin à leur hostilité », rappelle Philippe Pons dans Le Monde. Le deuxième missile tiré en 2009 avait lui survolé les préfecture nipponnes d’Akita et Iwate. Quant aux troisième et quatrième missiles tirés en 2012 et 2016, ils étaient tous deux passés au-dessus d’Okinawa au sud du Japon. A chaque fois, Pyongyang a présenté ces tirs comme des essais de mise en orbite de satellites portés par les missiles balistiques lancés. Mais les alliés américains, japonais et sud-coréens ont toujours accusé la Corée du Nord de tester ses missiles dans le cadre de son programme militaire.
Cette fois, il n’est guère question de programme satellite. Le Premier ministre nippon Shinzo Abe a dénoncé un « acte dangereux » et « une menace sans précédent ». « Nous ferons notre maximum pour protéger la vie des individus », a promis Abe. Déjà ce samedi 26 août, la Corée du Nord avait tiré trois missiles balistiques de petite portée. Le gouvernement japonais avait alors promis qu’il abattrait les missiles nord-coréens qui menaceraient son territoire. Mais à Tokyo, le ministre de la Défense a indiqué que le missile lancé ce mardi n’aurait pas pu atterrir sur le Japon, et qu’il n’y avait donc pas de raison de le prendre pour cible.
En attendant, le Japon s’est crispé durant ce nouveau tir de missile : les autorités ont déclenché le seuil J-Alert. Tous les Japonais des zones concernées ont reçu un message les prévenant de la menace et les exhortant à se réfugier dans un endroit sûr, rapporte l’Asahi Shimbun. La circulation des trains a été arrêtée puis fortement perturbée et certaines écoles ont fermé leur porte ce mardi. D’autres Japonais ont préféré ignorer l’alerte : seule une petite minorité des bateaux de pêche au large de Hokkaido, prévenus de la menace, sont rentrés au port.
Pour l’instant, cette nouvelle provocation n’a pas – encore – réveillé la guerre des mots avec Washington, et Donald Trump en particulier. Le Pentagone s’est contenté d’affirmer que la trajectoire du missile ne représentait pas une menace pour l’Amérique du Nord. La Maison-Blanche est sans doute trop occupée par les conséquences désastreuses de l’ouragan Harvey à Houston. Le président américain s’est quand même entretenu au téléphone avec Shinzo Abe pendant 40 minutes. « Il est clair que la Corée du Nord n’a pas l’intention d’engager le dialogue, c’est le moment d’augmenter la pression », a dit le chef de l’exécutif nippon au locataire de la Maison-Blanche, selon l’Asahi. Les deux leaders ont convoqué une réunion de crise au conseil de sécurité de l’ONU avec la Corée du Sud, la Chine et la Russie pour faire pression sur Pyongyang et l’obliger à changer sa politique. Cette réunion pourrait avoir lieu dès ce mercredi 30 août. L’armée américaine serait, quant à elle, en train de considérer le « déploiement d’armes stratégiques » en Corée du Sud pour contrer les provocations de Pyongyang, affirme le Korea Times. Seraient prévus des bombardiers, des avions de chasses et des portes-avions.
A Séoul, Moon Jae-in a lui décidé d’une démonstration de force en réponse au tir de Pyongyang. Le président sud-coréen a demandé à ses officiers de montrer à la Corée du Nord les capacités militaires de Séoul, qui peut envahir le Nord en cas d’attaque. La démonstration de force a eu lieu tout près de la frontière inter-coréenne. Au cours de l’exercice, 4 avions de chasse sud-coréens ont largué des bombes multi-cibles d’une tonne, précise le Korea Times. Mais tout en répondant aux provocations de Pyongyang, Moon ne veut pas fermer la porte au rapprochement intercoréen. « Le gouvernement fera des efforts diplomatiques pour résoudre le problème du nucléaire nord-coréen pacifiquement », a ainsi déclaré le ministre sud-coréen de l’Unification, Cho Myoung-gyon, cité par l’agence Yonhap.
Quel est maintenant la prochaine étape dans la crise coréenne ? Selon l’agence d’espionnage sud-coréenne citée par le Korea Times, Pyongyang serait en train de finaliser les préparatifs de son 6ème essai nucléaire. Le régime de Kim Jong-un serait prêt à réaliser ce test d’après les analyses de l’activité du site nucléaire nord-coréen. Pyongyang pourrait attendre la date symbolique du 9 septembre, jour-anniversaire de la fondation de la République Populaire et démocratique de Corée. C’est la date qu’avait choisie Kim Jong-un pour effectuer le 5ème essai nucléaire de son pays, quelques jours après les exercices annuels militaires conduits par Washington et Séoul. Cette année, ces exercices ont commencé le 21 août et se termineront ce jeudi 31.
Par Juliette Parjadis

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