Politique
L'Asie du Nord-Est dans la presse

Corée du Nord : à quand la prochaine crise avec les États-Unis ?

Des manifestants sud-coréens arborent une banderole avec une caricature du président américain Donald Trump lors d'une marche pour la paix dans la péninsule coréenne, près de l'ambassade américaine à Séoul le 15 août 2017. (Crédits : AFP PHOTO / JUNG Yeon-Je)
Des manifestants sud-coréens arborent une banderole avec une caricature du président américain Donald Trump lors d'une marche pour la paix dans la péninsule coréenne, près de l'ambassade américaine à Séoul le 15 août 2017. (Crédits : AFP PHOTO / JUNG Yeon-Je)
Certes, la tension a baissé dans la crise des missiles nord-coréens, mais encore ? Après la décision de Kim Jong-un « d’attendre un peu » avant de tirer sur Guam, le secrétaire d’État américain Rex Tillerson s’est dit « ouvert » à des négociations avec la Corée du Nord. Mais toujours à condition qu’elle abandonne son programme nucléaire et balistique. Les Américains auraient tort de voir une victoire de Trump dans le « revirement » de Kim. Il serait temps de songer enfin à un traité de paix, en tout cas à des concessions américaines, réclame la presse de Washington. D’autant que les prochains exercices militaires américano-sud-coréens à la fin du mois laissent présager un retour des tensions.
Les mots ne changent pas dans la bouche de Rex Tillerson. Ce mardi 15 août, lors d’une conférence de presse citée par le South China Morning Post, le secrétaire d’État américain s’est voulu imperturbable : « Nous continuons d’être intéressés à trouver un chemin vers le dialogue, mais cela dépend de lui. » Lui, c’est Kim Jong-un, bien sûr. Le leader nord-coréen avait décidé quelques heures avant « d’attendre un peu » avant de lancer 4 missiles balistiques de portée intermédiaire pour s’écraser en mer autour de l’île de Guam, l’une des principales bases américaines dans le Pacifique, située à 3000 kilomètres de la péninsule coréenne. Kim veut d’abord, selon ses dire, observer « la conduite stupide et idiote des Yankees ». Cette « porte entrouverte » a permis une désescalade des tensions, une suspension – temporaire ? – de la « guerre des mots » avec Donald Trump. Mais le chef de la diplomatie américaine n’a pas dérogé à la ligne de Washington. Pour que les négociations soient possibles, Pyongyang doit d’abord prouver l’abandon de son programme nucléaire et balistique. Autrement dit pour Tillerson, la balle est toujours dans le camp de Kim Jong-un. Pas question de répondre par une concession américaine au « geste d’apaisement » nord-coréen.
Cependant, interpréter les événements de ce 15 août comme un « recul » de Kim et une « victoire » pour Trump, serait une erreur, avertit le Boston Herald. D’autant qu’une nouvelle escalade des tensions n’est pas à exclure dans les semaines à venir. A partir du 21 août, Washington et Séoul mèneront deux semaines d’exercices militaires de grande ampleur. Cette manœuvre conjointe se renouvelle tous les ans. « C’est toujours un moment délicat », prévient Jim Walsh, chercheur au programme d’études sur la sécurité du Massachusetts Institute of Technology (MIT), car la Corée du Nord ne manque jamais d’être « provocante » lorsque les exercices commencent. A ses yeux, les alliés américano-sud-coréens s’entraînent à envahir le nord de la péninsule. Les États-Unis assurent qu’il s’agit uniquement d’opérations défensives, et refusent de les annuler. Or hier mardi, Kim a prévenu : pour l’instant, il s’abstient d’attaquer Guam, mais il attend beaucoup de l’attitude américaine. C’est qu’il sait que sur les exercices militaires, il a de son côté la Russie et la Chine. Justement, Moscou et Pékin ont invité la Maison Blanche à suspendre ses manœuvres annuelles avec la Corée du Sud, en échange de l’arrêt des tests nucléaires et balistiques nord-coréens. Ce que n’a jamais promis Pyongyang.
Pour éviter une énième répétition de l’Histoire, il est urgent de sortir de cette logique sans issue, réclame le Washington Post. Et pour le quotidien américain, la solution est de s’atteler enfin à la négociation d’un traité de paix avec la Corée du Nord. Ce qui remplacerait l’armistice conclu à la fin de la guerre de Corée en 1953, un document marquant seulement une « cessation des hostilités… jusqu’à ce qu’un accord de paix soit finalement adopté ». Mais le journal de Washington reste lucide : la propagande du régime nord-coréen présente l’armistice comme une capitulation, ce qui ne va pas dans le sens d’un nouvel accord. Pourtant un tel traité empêcherait toute attaque contre Pyongyang, et assurerait ainsi la pérennité du régime. Washington, ajoute le quotidien américain ne pourrait plus plaider la réunification de la Corée, appréhendée par la Chine et le Japon. Mais le point de blocage réside dans la dénucléarisation de la péninsule. Pyongyang n’entend pas abandonner sa plus grande force.
Comment « désarmer » Pyongyang ? Les américains devront faire de « vraies concessions », demande le site anglo-saxon The conversation. Une première tentative d’arrêt du programme nucléaire nord-coréen avait été négociée sous Bill Clinton en 1994. A l’époque, la Corée n’était pas encore une puissance nucléaire. L’accord assurait à Pyongyang l’abandon des sanctions et l’approvisionnement en énergie pour compenser la fermeture de ses réacteurs nucléaires. Finalement, la Corée du Nord avait refuser de respecter ses engagements, pointant l’application trop tardive des promesses américaines. Aujourd’hui, Pyongyang possèderait une vingtaine de bombes nucléaires. Elle a donc beaucoup plus de moyens de pression. De leur côté, les Américains offrent peu de contreparties en échange d’une dénucléarisation. Mais si l’administration Trump veut la stabilité et la paix dans la péninsule, pour The conversation, il lui faudra assouplir ses exigences.
Par Juliette Parjadis
A regarder, l’interview sur la crise coréenne de Joris Zylberman, rédacteur en chef d’Asialyst, sur France 24 hier mardi 15 août :

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