Politique

Corée du Nord : Trump choisit la guerre des mots pour pousser la Chine à s'interposer

Le président américain Donald Trump a promis "la feu et la colère" à la Corée du Nord depuis le Trump National Golf Club à Bedminster, dans le New Jersey, le 8 août 2017. (Crédits : AFP PHOTO / NICHOLAS KAMM)
Le président américain Donald Trump a promis "la feu et la colère" à la Corée du Nord depuis le Trump National Golf Club à Bedminster, dans le New Jersey, le 8 août 2017. (Crédits : AFP PHOTO / NICHOLAS KAMM)
« Le feu et la colère. » Donald Trump a choisi l’agressivité verbale contre la Corée du Nord pour pousser la Chine à réagir de peur d’un conflit nucléaire. Dans le même temps, Pyongyang a menacé de bombarder la base militaire américaine de Guam.
Cela ressemble de moins en moins au langage d’un président américain, et de plus en plus aux invectives de la dynastie Kim à Pyongyang. Depuis son Club de Golf dans le New Jersey, Donald Trump a voulu faire peur : toute menace nord-coréenne sur les États-Unis rencontrera « le feu et la colère comme le monde ne l’a jamais vu », a lancé le locataire de la Maison-Blanche. Ces propos ne semblent pas être le fruit de l’extravagance du milliardaire puisqu’il lisait un papier, rapporte le Straits Times. Le Pentagone n’a émis aucun commentaire. C’est la première fois qu’un président américain tient des propos aussi belliqueux à propos de la Corée du Nord. Est-ce du bluff ou bien la déclaration franche de la nouvelle ligne de conduite de Washington ?
« Les grands dirigeants que j’ai connus ne menacent pas à moins qu’ils soient prêts à agir, et je ne suis pas sûr que le président Trump soit prêt à agir, a fait remarquer le sénateur américain John McCain, indique le quotidien singapourien. Je ne sais pas ce qu’il dit et cela fait longtemps que je n’essaie plus d’interpréter ce qu’il dit. » Pour le président de la commission des affaires militaires du Sénat, cette déclaration met en danger la Corée du Sud, directement visée par les missiles nord-coréens. De toute façon, aux yeux de l’ex-candidat à la Maison-Blanche, « la clef, c’est la Chine ».
C’est aussi l’avis du Washington Post, pour qui le destinataire caché de cette déclaration incendière serait Pékin. En haussant le ton, Trump espère obliger la Chine à s’interposer entre les États-Unis et le régime de Kim Jong-un. Il veut qu’elle assume pour de bon son rôle de médiateur, qu’elle applique vraiment les sanctions onusiennes et qu’elle engage des négociations sérieuses vers une dénucléarisation nord-coréenne.
Mais alors que rien ne dit que Pékin veuille s’interposer et « coopérer » comme l’entend Trump, ce n’est pas Pyongyang qui se laissera impressionner par la guerre des mots. Ce mercredi 9 août, La Corée du Nord a annoncé « examiner avec soin » un plan pour frapper l’île de Guam, rapporte le Korea Times. Cette île du Pacifique Ouest accueille l’une des plus importantes bases militaire américaine dans la région. D’après un porte-parole de l’armée nord-coréenne, le plan pour attaquer Guam pourrait se déclencher à tout moment, selon la décision de Kim Jong-un.
L’annonce de ce « plan » est sans doute en réaction aux exercices militaires conjoints des Etats-Unis avec leurs alliés dans la région. Hier mardi 8 août, deux bombardiers américains ont survolé la Corée du Sud, a révélé ce mercredi une source militaire à Séoul, indique le South China Morning Post. Ces avions sont des lanceurs B-1B capables de transporter des bombes nucléaires. Cette démonstration de force a « menacé et fait du chantage » à la Corée du Nord, a dénoncé un porte-parole de l’armée nord-coréenne cité par le journal hongkongais. Les bombardiers américains déployés dans le pacifique décollent de Guam, repère stratégique pour le Pentagone, et cible de choix pour Pyongyang.
Si l’administration Trump joue l’escalade verbale, c’est qu’elle a peut-être pris conscience de la nouvelle puissance nucléaire nord-coréenne. Le Washington Post révèle ce mercredi un rapport de l’agence de renseignement du Pentagone datant de juillet : Pyongyang serait parvenu à miniaturiser des bombes nucléaires pour les embarquer dans les missiles intercontinentaux dont les tests de juillet dernier se sont montrés concluants. A l’heure actuelle, selon le rapport américain, la Corée du Nord détiendrait entre 30 et 60 armes nucléaires.
Cependant, la messe n’est toujours pas dite aux yeux de certains experts. « Je ne pense pas qu’ils [les Nord-Coréens] aient une expérience suffisante dans les tests nucléaires pour déployer une bombe assez petite, légère et robuste pour survivre au transport dans un missile balistique intercontinental (ICBM) », croit savoir Siegfried Hecker, de l’Université de Stanford, cité par le Straits Times. D’après lui, les réserves d’uranium de Pyongyang ne lui permettraient de mettre au point « que » 20 à 25 armes nucléaires. Soit. Mais en septembre 2016, le cinquième et dernier essai nucléaire de la Corée du Nord a montré qu’elle possédait des bombes aussi puissantes que celle lancée sur Nagasaki le 9 août 1945. C’était il y a soixante-douze ans jour pour jour.
Par Juliette Parjadis

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