Afghanistan : l’été de tous les maux, de tous les doutes
Sur le terrain des combats
Trois ans après leur départ de ce théâtre de crise s’il en est et tout apprécié des responsables militaires afghans soit-il, le retour fin avril 2017 de plusieurs centaines de Marines américains dans l’austère province du Helmand ne saurait à lui seul inverser la tendance, permettre à l’Afghan National Army (ANA) de reprendre son souffle, moins encore de reprendre l’initiative.
Sur l’échelle de la violence terroriste aveugle
Selon le dernier décompte de l’UNAMA*, ce sont 1662 civils (3581 blessés) qui ont perdu la vie au premier semestre 2017 (dont 300 uniquement à Kaboul) ; pour mémoire, le 31 mai, le plus violent attentat à meurtrir la capitale avait fait à minima 150 victimes et près de 500 blessés. Les autres provinces de ce pays sinistré par quatre décennies consécutives de crise ne sont guère épargnées : en juin, dans la province méridionale du Helmand, un attentat à la voiture piégée avait fait 34 morts et une soixantaine de blessés. L’emploi par la kyrielle de groupes obscurantistes insurgés (talibans, Daech, autres) d’engins explosifs improvisés – les tristement célèbres IED – et le recours quasi-industriel aux attentats-suicides seraient responsables de 40% des victimes civiles recensées.
L’arène politique, cet autre espace de conflit
Trois ans après une naissance contre-nature et compliquée, l’exécutif bicéphale combinant un chef de l’Etat (A. Ghani) au crédit aussi écorné qu’au bilan mince et un Chief Executive (sorte de Premier ministre) aux prérogatives incertaines et limitées (A. Abdullah) a surtout fait montre de son inaptitude à répondre aux multiples attentes (sécurité, paix, stabilité, économie, développement, emploi) d’une population fatiguée et désormais résignée ; une déception, un mal de plus dont elle se serait naturellement volontiers passée.
Accusé de dérive autocratique, le Président A. Ghani – lequel succéda à un chef de l’Etat (H. Karzai) en son temps taxé de pareille faiblesse…-, n’est guère parvenu à poser de jalon convaincant en faveur de la paix, nonobstant ses appels du pied discutables en direction d’une insurrection talibane peu concernée par la matière.
L’axe Washington – Kaboul, ténu autant qu’essentiel
Une situation de grand inconfort domestique imposant quelque nécessaire assistance et soutien extérieurs. Ne pouvant se remettre à une attitude constructive ou bienveillante de la part d’Islamabad (dont l’ingérence dans les affaires intérieures afghanes et l’attitude pour le moins ambigüe ne sont plus à démontrer), le pouvoir afghan compte plus que jamais sur le concours, l’aide et la compréhension d’une communauté internationale, toute lassée soit-elle de se maintenir au chevet de cet éternel patient rétif à tout traitement de choc, fut-ce sur la durée.
La décision de déployer à court terme quelques milliers de soldats américains supplémentaires aux côtés des troupes afghanes et des 8 800 militaires américains* déjà présents sur le terrain ne s’apparente guère à un surge similaire au précédent décidé par le président B. Obama en décembre 2009 – soit lorsqu’il valida le principe d’un déploiement de 30 000 soldats américains supplémentaires sur le sol afghan, pour porter la présence militaire américaine au total impressionnant de 100 000 hommes.
Le 21 juillet, une frappe américaine aérienne malheureuse dans le Helmand (district de Gereshk) fit une quinzaine de victimes dans les rangs des forces de police afghanes, dans un nouveau cas regrettable de confusion des cibles ; toute involontaire et triste soit-elle, cette méprise fatale a entre autres effets de relancer le débat auprès d’une partie de l’opinion afghane sur l’opportunité de la présence militaire étrangère sur cet interminable théâtre de crise.
Cependant, à force de se pencher, avec plus ou moins d’intensité et de sérieux depuis des décennies auprès de cet Etat tourmenté, après y avoir sacrifié de (bien trop) nombreuses vies et consentis des moyens considérables (financiers et matériels), le concert des nations conserve-t-il encore quelque clairvoyance à son sujet, quelque espoir de l’extraire à moyen-terme de cet inextricable chaos ? Le doute est permis.
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