Politique
Reportage

Le très mystérieux Mollah Omar, chef des Taliban

Copie d'écran du site Dawn
Copie d'écran du site Dawn
L’annonce ce mercredi 29 juillet de la mort du leader des Taliban par la BBC en a surpris plus d’un.
Bien qu’elle n’ait pas encore été confirmée par les partis en présence, le porte-parole des Taliban a pour autant annoncé qu’il s’exprimerait sur le sujet mais à une date non communiquée. Selon un article de la BBC – citant des sources au sein du gouvernement afghan et des services de renseignement – le Mollah Omar serait décédé il y deux ou trois ans. Ce n’est pas la première fois que la mort du commandeur des croyants est annoncée ; mais cette fois-ci cela semble beaucoup plus sérieux à en croire le gouvernement afghan qui dit aujourd’hui mener son enquête pour savoir si cette nouvelle rumeur est ou non fondée.

Contexte

Pour en savoir plus sur l’homme et sur les conséquences de cette annonce, nous republions aujourd’hui une enquête de Sylvie Lasserre (1), notre correspondante au Pakistan, qui était partie sur les traces de l’un des hommes les plus recherchés du monde en 2012.

Taro Jaba, aux environs de Peshawar, conférence déobandi. « Oh mes frères et soeurs musulmans, écoutez et voyez ! Le monde entier est menacé, il n’y a plus de paix nulle part, partout souffre l’humanité […] Les pays occidentaux en général, et en particulier l’Amérique, jouent un double jeu avec le monde entier. Ils veulent la paix et la prospérité pour leurs propres citoyens mais pour le reste du monde ils n’en veulent pas. Nous, l’Emir d’Afghanistan, souhaitons porter au monde un système de justice sociale en accord avec les principes islamiques. Nous nous battons pour porter la justice à chacun, quelle que soit son ethnie, ses opinions politiques, sa couleur ou sa religion. » C’est par ces mots que Amir ul Muminin Moulana Muhammad Omar, dit Mollah Omar, chef des Taliban et de l’Émirat islamique d’Afghanistan, s’adresse à la foule entre les 9 et 11 avril 2001, via une cassette audio en pachto lors de la méga-conférence.
Ce jour-là, un million de personnes sont rassemblées en plein air sur un terrain de 25 hectares à Taro Jaba pour célébrer les 150 ans de la Darul Uloom Deoband, l’école islamique indienne à l’origine du mouvement déobandi dont s’inspireront plus tard les Taliban. Une mer de tentures s’étend sur la plaine pour protéger la foule des rayons déjà ardents du soleil. La nuit, ceux venus de loin dorment sur le sol, environ 250 000 personnes, passeront deux nuits sur place. Le reste des participants venus des provinces adjacentes de Nowshera, Mardan, Swabi et Peshawar rentrent chez eux chaque soir. Le deuxième jour une tempête se lève, il faut arrimer les bâches qui s’envolent. L’intervention du très attendu Mollah Omar, chef des Taliban, est prévue pour la troisième journée. « Nous l’avons espéré jusqu’au dernier moment, mais pour des raisons de sécurité, il a annulé à la dernière minute, » se souvient le Sénateur Maulana Gul Nasib Khan, organisateur de la conférence et membre du parti islamique JUI-F (Jamiat Ulema-e-Islam) de Maulana Fazlur Rahman. Il fera porter une cassette audio par la délégation du gouvernement afghan.
Indépendamment des questions de sécurité, Mollah Omar, le mystérieux chef des Taliban, n’est quasiment jamais apparu en public. De lui, l’on ne connaît que très peu de photos, à l’authenticité non avérée. Les journalistes ayant interviewé Mollah Mohammad Omar se comptent sur les doigts d’une main. Parmi eux, pas un Occidental. Rahimullah Yousafzai est l’un des rares journalistes à l’avoir rencontré. « La première fois, c’était en mars 1995, il était très réticent : « Je n’ai jamais donné d’interview de ma vie ! Je ne sais pas comment donner une interview ! » m’a-t-il dit. C’était un homme très simple, un villageois, » se souvient le journaliste pakistanais, qui le rencontrera une douzaine de fois par la suite.
« Quand les Taliban sont apparus à Kandahar, les gens s’interrogeaient : ‘Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Qui est Mollah Omar ?’ C’était très mystérieux. Je me suis donc rendu à Kandahar pour la BBC. Chaque matin j’allais à la maison du gouverneur où se trouvait son bureau, sans succès. J’ai attendu un jour, deux jours, et finalement le troisième jour, j’ai pu le voir ! Ensuite j’ai pu le rencontrer facilement plusieurs fois. Je venais, je demandais un rendez-vous et il m’accueillait dans son bureau ou chez lui. Nos interviews se faisaient toujours en Pachto, il ne connait pas d’autre langue. »
A l’époque, en 1995, Mollah Omar a trente-cinq ans. Nous sommes quelques mois après l’apparition du mouvement des Taliban, qu’il a fondé à l’automne 94. « Physiquement il est très bien bâti, relate Rahimullah Yousafzai. Très impressionnant. Il doit mesurer plus d’un mètre soixante-quinze. Une belle couleur de peau. Son œil droit est endommagé. Il m’a dit que c’est arrivé en combattant les troupes soviétiques à Kandahar. La barbe noire et l’œil noir, il porte un turban et le shalwar kameez. » Souriant ? Affable ? « Non ! C’est un homme qui parle très peu. Mais il a un certain sens de l’humour. Parfois il fait des blagues. » Rahimullah Yousafzai résume : « C’est un homme très simple, pas diplomatique, pas politicien… »
« Comme tous ces mullahs, il priait cinq fois par jour, se rendait à la mosquée juste à côté de la maison du gouverneur de l’autre côté de la rue avec les autres Taliban. Peu de sécurité. A cette époque, en 1995, les Taliban étaient très populaires ».
Mollah Omar est d’origine très modeste. « Il vivait dans une toute petite maison, près de Kandahar, sur la route de Herat. C’était si petit et bas de plafond que j’ai dû me pencher pour entrer dans l’unique pièce. D’après moi, c’était l’homme le plus pauvre du village à cette époque, » se souvient Rahimullah Yousafzai. « Ensuite, lorsqu’il a gouverné l’Afghanistan, il vivait dans une très grande maison à Kandahar, construite pour lui, il avait un Landcruiser. Mais par ailleurs il est toujours resté très simple dans ses manières et son habillement. »
Comment alors, cet homme si simple et pieux, en arrive-t-il à fonder le mouvement des Taliban puis à diriger le pays ? Le 27 décembre 1979, les troupes soviétiques prennent d’assaut le Palais présidentiel à Kaboul, tuent le président Hafizullah Amin, occupent la capitale et installent Babrak Kamal au pouvoir. Un mouvement de résistance se forme à Kandahar. Mollah Omar rejoint le Hezb e-Islami (parti de l’Islam) dirigé par Younis Khalis. Après le retrait soviétique en février 1989, les soviétiques laissent au pouvoir le président Nadjibullah, installé par eux trois ans plus tôt. S’ensuit une lutte contre le régime du président Nadjibullah.
1992, coup d’Etat et prise de Kaboul, qui tombe aux mains de factions tadjikes. Les Pachtounes tentent alors de récupérer la capitale, s’ensuit une guerre civile qui durera de1992 à 1996. La population souffre terriblement des luttes intestines entre les différentes factions. Rahimullah Yousafzai se souvient : « Les moudjahidin étaient corrompus, cruels, les routes étaient bloquées, ils se battaient dans Kaboul, ils se battaient partout. Il y avait différents centres de pouvoir à Hérat, à Bamian, à Kandahar, Dostom régnait sur le Nord… » Fin 1994, l’Afghanistan est au bord de la désintégration. Début novembre les Taliban capturent Kandahar. En 1996, Kaboul tombe et en 2000 les Taliban contrôlent 90% du territoire. Le 26 octobre 1997, l’État islamique d’Afghanistan est rebaptisé Émirat islamique d’Afghanistan. Lorsque les taliban prennent Kaboul en 1996, puis Mazar i Sharif en 1997, les gens ne soutenaient déjà plus les moudjahidin, fatigués de leurs exactions, c’est pourquoi les Taliban ont pu s’emparer facilement toutes ces villes.
C’est en 1994, que Mollah Omar fonde le mouvement des Taliban. « Le saint prophète m’est apparu dans un rêve, confie-t-il à Rahimullah Yousafzai. Il m’a dit : « tu dois te soulever contre ces assassins, ces moudjahidin qui s’entretuent et causent tant de misère au peuple. » Suite à cela, j’ai fondé le mouvement des Taliban. » La réalité est plus prosaïque, mais tout aussi énigmatique. De nombreuses versions circulent, la plus vraisemblable est relatée dans l’ouvrage d’Ahmed Rashid, « L’ombre des Taliban » : alors que les exactions des moudjahidin deviennent de plus en plus fréquentes, Omar apprend un jour que près de son village non loin de Kandahar, un commandant a enlevé deux adolescentes. Après leur avoir fait raser la tête, il les livre à un camp militaire où elles sont violées. Omar rassemble alors une trentaine d’étudiants, ils attaquent le camp et libèrent les fillettes. Le commandant sera pendu au canon d’un char. S’ensuivront d’autres expéditions punitives similaires pour protéger la population. Ainsi naîtront les Taliban. Leur programme ? Ramener la paix et appliquer la charia. Ils choisissent le nom de Taliban principalement pour se différencier des moudjahidin et car ils étudient pour la plupart dans des madrasa. « Nous avons pris les armes pour accomplir le destin du djihad afghan et épargner à notre peuple les souffrances supplémentaires que lui causaient les soi-disant moudjahidin. Nous avions une foi totale en Dieu tout-puissant, » dira-t-il à Rahimullah Yousafzai, propos repris dans « L’ombre des Taliban ».
« L’ombre des Taliban » est un ouvrage du journaliste pakistanais Ahmed Rashid, traduit en français avec une postface d’Olivier Roy et publié en 2001 aux éditions Autrement.

Le coup d’éclat de Mollah Omar, auquel il doit son aura de « sainteté », a lieu en avril 1996, à Kandahar, lorsqu’il sort le manteau du prophète de son sanctuaire, l’un des lieux de prière les plus sacrés d’Afghanistan, pour le montrer à la foule. Rahimullah Yousafzai se souvient : « J’étais à Kandahar ce jour-là. Cela faisait plusieurs mois qu’il n’avait pas plu, la sécheresse devenait catastrophique. Les Afghans croient qu’en cas de guerre, de famine, de sécheresse… il faut sortir le vêtement du saint prophète et le toucher pour aider le peuple d’Afghanistan. Le vêtement se trouve dans la mosquée proche de la maison du gouverneur à Kandahar. Une cérémonie a donc été organisée à cette occasion, il y avait beaucoup de monde. Mollah Omar a pris le manteau et l’a montré à la foule. » L’a-t-il enfilé ? « Non, c’est un manteau très ancien, qui a rétréci avec le temps. Il l’a juste montré à la foule mais tout le monde voulait le toucher car c’est une bénédiction. » Suite à cela, Mollah Omar est proclamé amir ul muminin, « commandeur des croyants », « afin de légitimer son rôle de chef oint par Dieu », précise le journaliste pakistanais Ahmed Rashid dans son ouvrage « L’ombre des Taliban ». Les gens pensaient que les Taliban pourraient apporter la paix.

Pourtant, Mollah Omar et les Taliban s’illustreront aussi dans des épisodes sanglants et cruels : l’exécution-supplice de l’ex-président Mohammed Nadjibullah en septembre 1996 à Kaboul, la destruction des Bouddhas de Bamyan en mars 2001, les amputations et exécutions publiques, l’interdiction faite aux femmes de travailler.
On le dit proche de Ben Laden, au point d’avoir épousé une des filles du Saoudien, lequel aurait pris pour cinquième épouse une fille du mollah. « Foutaises ! » affirme Rahimullah Yousafzai. « A l’époque, il avait deux épouses, des femmes afghanes locales. Il n’a jamais épousé la fille de Ben Laden ! » En réalité, les rapports entre les deux hommes n’ont jamais été très bons. « Mollah Omar disait : « Il est notre hôte. Il a pris part au djihad et soutenu le peuple afghan et les moudjahidin durant la guerre contre les Soviétiques, maintenant il a besoin de notre soutien, c’est pourquoi nous lui offrons la protection, mais nous ne lui permettrons pas d’utiliser l’Afghanistan comme territoire pour lancer des attaques contre qui que ce soit. »«  Rahimullah Yousafzai se souvient d’une conférence de presse donnée par Ben Laden en mai 1998 à Khost, au sud-est de Kaboul, lors de laquelle ce dernier avait annoncé le djihad contre les Etats-Unis. « Mollah Omar était furieux ! » Il m’a téléphoné : « Pourquoi ben Laden a-t-il organisé cette conférence de presse sans mon autorisation ? Comment Ben Laden peut-il annoncer le djihad contre l’Amérique alors qu’il se trouve en Afghanistan ? »
Quelques jours plus tard, semoncé par Mollah Omar, Ben Laden doit lui faire allégeance publiquement : « J’accepte Mollah Omar comme mon leader. Et je soutiens le gouvernement Taliban et la politique des Taliban. J’obéirai à toute décision de mollah Omar en Afghanistan. » Une manière de lui faire reconnaître son erreur.
Malgré ces tensions mollah Omar ne croit pas ben Laden responsable des attaques du 11 septembre. Ni de celles contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie en 1998. « Il a demandé aux Américains de lui fournir des preuves. Si nous avons des preuves, nous le jugerons, » a-t-il dit à Rahimullah Yousafzai. Votre opinion personnelle ? « Je pense que les Taliban ne savaient pas. Ce sont des gens très simples, ils ne peuvent pas commettre ce genre de choses. Les attaques du 11 septembre ont été lancées par Al-Qaïda à partir de villes occidentales. »
Après les attentats du 11 septembre, l’Amérique envahit l’Afghanistan. Octobre 2001, Mollah Omar échappe de justesse aux Américains à cyclomoteur, sous l’œil des caméras. Cela fera les choux gras de la presse satirique. Puis on perd sa trace. On le dit à Quetta, à la tête de la Choura de Quetta (conseil de « sages »), d’où il commandite des attentats-suicide au Pakistan. Rahimullah Yousafzai sera le dernier journaliste à l’interviewer : « La dernière fois que je l’ai rencontré, c’était juste avant le 11 septembre. Ensuite il n’a plus jamais donné d’interview. Mais il est vivant. Nous recevons ses messages et ses déclarations. »
Pourtant, peu de temps après le raid américain contre Ben Laden en mai 2011, circule le bruit de la mort de Mollah Omar. Rahimullah Yousafzai n’en croit pas un mot : « C’est ce qu’ont raconté les services secrets de Kaboul. Il n’y a aucune preuve. J’ai reçu une déclaration par du Taliban media center disant qu’il était vivant… Mais j’ignore où il se trouve. Probablement quelque part au Pakistan, car la plupart des chefs Taliban se cachent au Pakistan. Je ne le crois pas à Quetta car c’est là que tout le monde l’imagine. Il se trouve très probablement dans une grande ville. Islamabad peut-être… » Les Taliban démentent également et accusent les Américains d’avoir piraté leurs téléphones portables pour diffuser la rumeur. Selon eux, Mollah Omar s’est enfui de sa planque pour conduire le mouvement des Taliban, résurgent depuis la mort de Ben Laden.
Au Pakistan, Mollah Omar continue d’être un héro doublé d’un saint pour beaucoup. Maulana Gul Nasib Khan, numéro deux du JUI-F, le considère comme un « pur combattant pour la liberté » : « Il a une attitude modérée d’amour et de patience envers l’humanité. Il l’a prouvé lui-même et établi un modèle d’Etat où régnait la paix sous son régime. » Les points communs entre le JUI-F et les Taliban ? « Nos objectifs sont les mêmes, à savoir l’établissement d’un Etat islamique où la justice serait la même pour chacun, indépendamment de son appartenance ethnique, de sa couleur ou de sa religion. La seule différence entre nous est la façon d’y parvenir : ils ont choisi la voie du djihad, nous, au Pakistan, le système démocratique. » Selon vous, quel est aujourd’hui le niveau de popularité de Mollah Omar ? « Il n’a jamais été aussi populaire ! Des deux côtés de la ligne Durand. Cette incroyable popularité, il la doit aux atrocités de l’Otan commises en Afghanistan. »
Le numéro un du JUI-F, Maulana Fazlur Rahman, interrogé six mois plus tôt dans son salon d’Islamabad, est moins nuancé sur la position de son parti quant aux Taliban d’Afghanistan : « Le JUI supportait les forces djihadistes à l’époque où elles combattaient l’Union soviétique. Puis quand les Taliban sont arrivés, nous les avons supportés dans la continuité de cette guerre, mais pas en tant que force spéciale !!! » précise-t-il en lâchant un grand éclat de rire. Comment les avez-vous soutenus ? « Nous avons un seul principe : La liberté de la nation, la liberté de l’Afghanistan ! Agression de la part des Soviétiques, agression de la part des Américains : nous les dénions, c’est la même chose ! » Et d’ajouter : « Depuis la chute des Taliban, nous n’avons plus de contacts avec eux. »
« Les élèves des madrasa adorent Mollah Omar ! explique Shaheen Buneri, journaliste pachtoune aujourd’hui basé à Prague où il travaille pour Radio Free Europe/Radio Liberty . Ils le respectent, il n’y a aucun doute. Mais dans la société en général, à part dans des villes comme Peshawar ou Mingora, on ne peut pas dire que la majorité des gens respectent Mollah Omar. Il ne compte pas pour eux, pour certains même, il est un terroriste, responsable de tous les maux dans la région. Certains l’accusent d’avoir exploité les valeurs pachtounes de l’hospitalité en accueillant Ben Laden sur le sol afghan. ».
Pour Jamal Khan, 20 ans, sympathique étudiant en ingénierie originaire des zones tribales – qui a tenu à ne pas donner son vrai prénom -, « la plupart des gens ici sont contre la présence américaine en Afghanistan. Beaucoup pensent que Mollah Omar est un héro parce qu’il combat les Américains. Ceux qui ne l’aiment pas restent minoritaires. » Et toi que penses-tu ? « Je suis un vrai fan de lui. J’aime les moudjahidin. La plupart de mes amis le soutiennent aussi. Ils sont très religieux. Moi je suis modéré. Ici les gens sont trop attachés à la religion. »
Au bazar Sadder de Peshawar, Hameedullah, la soixantaine, tient une échoppe de cordonnier. Ce réfugié afghan, qui a perdu une jambe durant la guerre contre les soviétiques, se demande pourquoi Mollah Omar ne se montre jamais en public. Un peu plus loin, dans une autre échoppe, Hakeemullah, 63 ans, longue barbe, visiblement pro-Taliban, explique : « Mollah Omar mène une guerre sainte en Afghanistan contre les ennemis de l’Islam et des musulmans et Allah veille sur lui. » Javed, 40 ans, chauffeur de taxi, est du même avis : « Mollah Omar est un héro ! Selon l’Islam nous devons combattre les non musulmans car l’Otan et les Américains tuent des gens innocents, fouillent les maisons des pauvres la nuit et tuent des enfants. Mollah Omar a participé à la guerre contre les Russes et aujourd’hui il combat les forces de l’Otan et l’Amérique. Il est en train de gagner ! »
Pourtant, pour Shaheen Buneri, « Mollah Omar n’est plus aujourd’hui qu’un leader spirituel pour les Taliban. S’il demeure un héro pour certains, c’est uniquement parce qu’il représente un symbole de la résistance, car on ne peut pas dire qu’il soit ni un leader charismatique, ni quelqu’un de particulièrement instruit. » Quid de tous ces attentats-suicides terroristes ? « Je ne pense pas qu’il soit directement impliqué. Ou indirectement seulement, comme inspirateur. Mais à mon avis, Mollah Omar n’a plus grande importance maintenant. Les gens l’oublient. Les conditions économiques du pays deviennent catastrophiques. Nous assistons à une décadence culturelle et sociale. Les gens en ont assez. »
Sylvie Lasserre Yousafzai à Islamabad
(1) Ce reportage a été originellement publié en 2012 dans la revue Asies (aujourd’hui disparue).

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A propos de l'auteur
Sylvie Lasserre Yousafzai est reporter indépendante et photographe, basée en Turquie. Passionnée par le monde turc, elle couvre l’Asie centrale depuis 2004 pour divers médias européens et internationaux, en presse écrite et radio. Elle est membre de la Société asiatique et l’auteure de "Voyage au pays des Ouïghours" (Cartouche, 2010).