Politique
L'Asie du Nord-Est dans la presse

Japon : impopulaire et accusé de favoritisme, Abe va remanier son gouvernement

Le Premier ministre japonais Shinzo Abe est désormais impopulaire. (Crédits : AFP PHOTO / Toru YAMANAKA)
Le Premier ministre japonais Shinzo Abe est désormais impopulaire. (Crédits : AFP PHOTO / Toru YAMANAKA)
Il n’a plus les sondages pour lui. Pour la première fois depuis près de deux ans, le taux de désapprobation du Premier ministre japonais Shinzo Abe dépasse son taux de soutien. Le verdict populaire intervient alors que le chef du gouvernement doit jongler avec les affaires de corruption et un agenda de réformes impopulaires. Va-il avoir une incidence sur le mandat du leader conservateur bien décidé à rester en place jusqu’en 2020 ?
C’est un sondage explosif que révèle le Mainichi aujourd’hui 19 juin. Lors d’une enquête nationale menée ce week-end par le quotidien tokyoïte, 44% des personnes interrogée ne soutiennent pas la politique du gouvernement contre 36% de personnes satisfaites. Une première depuis octobre 2015 et le passage d’une nouvelle législation controversée sur la défense nationale. Si les chiffres proposés par l’agence de presse Kyodo ou l’Asahi Shimbun ne sont pas aussi catastrophiques, la popularité du Premier ministre reste en chute libre. Face à ce camouflet, la presse internationale fait ses pronostics. Selon le quotidien économique nippon Nikkei que cite le Straits Times, un remaniement ministériel devrait avoir lieu en août ou en septembre. La vieille garde du chef du gouvernement comme Taro Aso qui cumule les fonctions de vice-premier ministre et de ministre des finances ou le secrétaire général du cabinet Yoshihide Suga devrait être épargnée. Néanmoins, pour le Japan Times, l’avenir du ministre des Affaires étrangères Fumio Kishida ou de la ministre de la Défense Tomomi Inada au sein du gouvernement peut être plus incertain.
Si ce sondage fait autant de bruit c’est qu’il constitue un dernier coup de boutoir dans la popularité d’un premier ministre bien écornée ces derniers temps. Déjà accusé en février d’avoir autorisé la vente pour un prix dérisoire d’un terrain à une école privée d’extrême-droite, Shinzo Abe aurait également fait pression pour accélérer les démarches engagées par un de ses amis voulant ouvrir une école vétérinaire. A cela s’ajoute le passage en force d’une loi sur le « crime de conspiration » que beaucoup jugent disproportionnée et liberticide, rappelle Channel News Asia. Pour le Japan Times, la carte du remaniement ministériel est une tentative d’Abe pour redonner du crédit à son administration.
Plus que son bilan politique c’est l’attitude générale du chef du gouvernement qui pose problème. La presse fustige ses manœuvres pour faire passer sa loi sur la conspiration in extremis, en ayant recours au vote en commission plutôt qu’en assemblée plénière. L’éditorialiste Yoshio Yamada n’hésite pas à comparer son intransigeance à un manque de morale. Dans un éditorial, le quotidien Mainichi l’accuse de ne pas avoir prolongé la session parlementaire, qui s’est achevée hier 18 juin, pour empêcher l’opposition d’interroger le gouvernement sur les récents scandales. Il parle même de crise du système parlementaire : « Le Premier ministre n’a certainement pas oublié que les parlementaires de l’opposition aussi sont des représentants du peuples légitimement élus. » L’Asahi quant à lui rappelle au bon souvenir du premier ministre que « l’article 41 de la constitution dispose que la Diète est l’organe suprême du pouvoir de l’État. L’article 66 rend le gouvernement responsable des actes de l’administration devant le parlement. » Abe entretient en effet des rapports exécrables avec les élus du parti démocrate progressiste, n’hésitant pas à employer un ton agressif ou ironique lors des questions au gouvernement. Le quotidien japonais rappelle ainsi qu’il y a quelques mois, il a répondu à un parlementaire, questionnant le faible crédit des justifications gouvernementales sur le scandale du Moritomo Gakuen auprès de l’opinion : « Je vous rappelle que le taux de soutien au gouvernement est de 53%, vous connaissez ceux des libéraux et des démocrates. » Une popularité dans laquelle Abe ne peut désormais plus se draper pour contourner ses opposants.
Par Emeric Des Closières

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