Politique

Philippines : l'inquiétante résistance de Daech à Marawi

Des soldats gouvernementaux prennent position contre des snipers du groupe Maute, alors qu'ils escortent des résidents hors de Marawi au sud des Philippines, le 1er juin 2017. (Crédits : AFP PHOTO / TED ALJIBE)
Des soldats gouvernementaux prennent position contre des snipers du groupe Maute, alors qu'ils escortent des résidents hors de Marawi au sud des Philippines, le 1er juin 2017. (Crédits : AFP PHOTO / TED ALJIBE)
Même si 90% de la ville de Marawi a été « nettoyée » des combattants affiliés à Daech, la situation n’est toujours pas stabilisée. Alors que l’armée peine à trouver un moyen de mettre un terme aux agissements des sympathisants du groupe État Islamique dans la région, de nombreuses inquiétudes planent autour de l’après-siège de Marawi.
Après une semaine de combats, Manille est toujours aux prises avec des combattants se réclamant de l’État Islamique. Selon le général de brigade Restituto Padilla, porte-parole des forces armées philippines, les rebelles ne tiennent plus que 10% de Marawi. 89 d’entre eux seraient morts, tandis que 21 policiers auraient péri dans les affrontements. Pas moins de 1 000 civils seraient encore prisonniers de la poche de résistance islamiste. Si les troupes gouvernementales semblent en passe de reprendre la ville, l’ampleur des combats qui ont toujours lieu soulèvent des interrogations. Une fois la ville reprise, quel avenir pour cette région coutumière des soulèvements anti-gouvernementaux ? Pour Raul Dauncel, correspondant du Straits Times au Philippines, l’offensive du groupe Maute serait un moyen de constituer un foyer islamiste radical sur l’île de Mindanao qui servirait de base arrière pour des actions ultérieures. L’objectif des combats ne serait pas tant de conserver le contrôle de Marawi que de prouver au monde l’existence d’une cellule active du groupe État Islamique afin d’attirer sur place un maximum de sympathisants.
Sur le terrain, l’armée peine à trouver une stratégie adéquate pour investir le bastion des insurgés. La politique de frappes chirurgicales depuis des hélicoptères semble avoir fait long feu maintenant que la zone de front s’est considérablement resserrée. Une erreur de visée lors d’un bombardement a tué 11 soldats et blessé sept autres, a annoncé l’état-major ce jeudi 1er juin sans préciser la date de cette erreur tragique. Le secrétaire philippin à la Défense Delfin Lorenzana a déclaré vouloir cesser d’avoir recours à ces méthodes lors d’une conférence de presse, rapporte le Philippine Daily Inquirer : « J’ai soumis cette décision au commandement de l’armée de terre afin de savoir s’ils ont toujours besoins de soutien aérien. Maintenant que nous avons plus de troupes opérant au sol, la possibilité de frapper nos propres forces va augmenter. »
L’implantation sur le long terme de djihadistes dans la zone pose également la question de la connexion avec la criminalité locale. Pour le président Rodrigo Duterte cela ne fait aucun doute. « Ceux qui sont dans le shabu [nom local de la méthamphétamine] cherchent un sanctuaire parmi les terroristes pour se protéger et assurer le succès de leurs affaires », a-t-il déclaré lors des célébrations des 119 ans de la marine philippine. Une connexion solide entre les islamistes et les trafiquants permettrait aux deux démons de l’île de Mindanao de se renforcer mutuellement. Mais, rappelle le Phillipine Star, le gouvernement peine de plus en plus à justifier le recours à la loi martiale, toujours très critiquée au sein de la classe politique. Faire le lien entre terroristes et narcotrafiquants permettrait sans doute à Duterte de justifier son extension après la reprise totale de Marawi.
Par Emeric Des Closières

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